Aller aux toilettes nuit gravement à votre vie privée

Dans un rapport publié en décembre dernier, la Société acoustique des États-Unis (ASA) proposait, pour le bien commun, d’installer dans les toilettes publiques de zones stratégiques des « capteurs micros » afin de repérer la propagation d’épidémies de maladies, comme le choléra, qui s’accompagnent de diarrhées. L’idée serait de « surveiller automatiquement les selles des patients » en déployant ces micros dans les toilettes publiques et les établissements de soins des zones à risque pour alerter rapidement les professionnels d’une épidémie en cours de propagation. La technologie viendrait, une nouvelle fois, au secours de notre santé. Bien qu’elle se propose d’agir « sans collecter aucune information identifiable », la scientifique à l’origine de cette proposition caresse le rêve qu’un jour son algorithme d’intelligence artificielle entraîné à détecter les diarrhées puisse être utilisé « à domicile » via des appareils intelligents qui surveilleraient « nos propres selles et notre santé ».

Cette nouvelle, qui prête à sourire de prime abord, ne détonnerait pas dans la dystopie 1984 de George Orwell, où le dictatorial et omniprésent Big Brother ne lâche pas du regard les citoyens, jusque dans leurs toilettes. Elle ne détonnerait pas non plus dans Le meilleur des mondes, d’Aldous Huxley, qui raconte un monde devenu « stable » à force de rogner sur l’ensemble des libertés individuelles. Dans ce monde, « les gens sont [en] sécurité, jamais malades » et n’ont « pas peur de la mort » mais ils sont malheureux comme les pierres et « conditionnés de telle sorte que, pratiquement, ils ne peuvent s’empêcher de se conduire comme ils le doivent ».

Dans le même temps, le parlement néo-zélandais vient de voter une loi qui rend illégale la vente de produits du tabac à fumer aux personnes nées en 2009 ou après. Dans certains pays, ces « meilleurs des mondes » où les États anticipent toute potentielle maladie, tout potentiel « déraillement » sont déjà à l’œuvre. C’est le cas en Chine, où des citoyens sont privés de l’accès à certains services sociaux s’ils ont eu une mauvaise note pour avoir traversé la rue en dehors des clous ou émis une opinion politique différente de celle du gouvernement.

À l’heure où nos libertés individuelles ont largement été entravées par les mesures anti-Covid, à grand renfort de slogans et de messages du « Parti » martelés sur nos « télécrans » (cf. 1984), ces informations invitent à réfléchir à ce que chacun d’entre nous est prêt à accepter au nom d’une société qui souhaite anticiper le moindre danger… pour notre bien.

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