Accueil Traitements L’acupuncture : des preuves qu'elle agit sur le corps et le cerveau
L’acupuncture : des preuves qu'elle agit sur le corps et le cerveau
Si l’acupuncture a du mal à être reconnue par la médecine occidentale malgré ses bénéfices avérés sur la santé, et notamment la gestion de la gestion de la douleur, c’est principalement du fait de la méconnaissance de ses effets biologiques et de la difficulté à les objectiver scientifiquement. Une récente publication fait le point sur les effets physiologiques mesurables de l’acupuncture, principalement au niveau de l'activité cérébrale mais aussi du coeur ou du système nerveux.
L’acupuncture a beau être une discipline millénaire, les raisons et les modalités de son impact sur la santé n’ont toujours pas été validées par les outils de la science occidentale moderne. Et pour cause : dans la logique qui gouverne actuellement le monde médical, la médecine basée sur les faits, le standard habituel pour évaluer une thérapeutique est l’essai clinique randomisé contrôlé en double aveugle contre placebo.Et l’acupuncture se prête mal à l’exercice.
Acupuncture : les difficultés de l'évaluation scientifique
Pourquoi ? D’abord parce que le double aveugle (le fait que ni le patient ni le médecin ne sachent ce qu’il prend ou donne comme traitement) est impossible : si le patient peut éventuellement n’y voir que du feu, l’acupuncteur en revanche sait très bien ce qu’il fait et où il pique. Ensuite, parce que le placebo est ici difficile à définir car l’acupuncture est certes un traitement consistant à piquer un point d’acupuncture, mais piquer un « faux point » ne suffit pas à définir le placebo : on ne peut pas exclure qu’un faux point puisse entraîner un vrai effet ! Mais aussi parce qu’il est impossible de prétendre pouvoir appliquer exactement le même protocole d’acupuncture d’un individu à l’autre.
En effet, la détermination d’un « traitement » par acupuncture résulte d’une combinaison de points à piquer, combinaison qui, en médecine traditionnelle chinoise, ne saurait être standardisée puisqu’elle est strictement individuelle, dépendante de l’ensemble des paramètres de chacun. De plus, l’acupuncture n’est qu’une technique appartenant à un ensemble bien plus vaste qui intègre aussi une pharmacopée et des préceptes spécifiques d’hygiène de vie.
Acupuncture : des mécanismes d’action encore inconnus
Le mystère de son mode de fonctionnement n’a pas empêché l’acupuncture de faire l’objet de milliers d’études cliniques, qui se sont avérés concluantes pour de nombreux problèmes de santé. Le rapport thématique qu’a réalisé l’Inserm en 2014 lui reconnaît par exemple une efficacité supérieure à une absence de soins dans le traitement des douleurs chroniques, des nausées et des vomissements. Mais ce même rapport pointe aussi l’impossibilité de conclure quant à ses modalités d’action.
Or, comprendre ces modalités permettrait de trancher sur une question majeure pour la pensée médicale occidentale : pourquoi l’acupuncture est-elle plus efficace lorsqu’elle est pratiquée dans les règles de l’art, en piquant des points recommandés par la médecine traditionnelle chinoise, que lorsqu’elle est menée en piquant n’importe où, voire en simulant les piqûres ? Un article paru dans le numéro de décembre de Complementary Therapies in Medicine, revue de référence sur l’évaluation des médecines complémentaires, aborde cette question importante.
Résoudre cette question n’est pas seulement un problème méthodologique : elle revêt en effet une importance stratégique majeure pour la légitimation de cette pratique de soin dans le monde occidental.
De nombreuses études, pas forcément cliniques, ont cherché à « voir » ce qu’il se passait dans le cerveau lorsque l’on introduisait une aiguille d’acupuncture dans le corps. C’est possible depuis les années 1960 grâce aux diverses techniques de neuroimagerie. Les auteurs les ont donc recherchées pour pouvoir les analyser de manière inductive : c’est-à-dire qu’après avoir listé les divers résultats obtenus, ils ont identifié les conclusions communes qui en ressortaient, ce qui pouvait être établi…et ce qu’il restait à découvrir...
Pas moins de 912 travaux sont parus entre 1965 à 2022, avec une accélération notable depuis 20 ans. Ils émanent de 15 pays différents (parmi lesquels ne figure pas la France !), principalement de Chine, des États-Unis et de Corée du Sud. Les effets de l’acupuncture sur le métabolisme du cerveau ou son activité électrique étaient mesurés principalement dans le traitement de la douleur et la réadaptation fonctionnelle.
Acupuncture : quels effets physiologiques mesurables ?
Que montrent les différentes recherches concernant l’effet de l’acupuncture sur le cerveau ?
D’abord qu’une séance d’acupuncture entraîne des modifications dans l’activité d’une ou de plusieurs zones du cerveau qui peuvent être mises en évidence par l’IRMf (imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle).
Elle peut aussi entraîner des modifications de l’activité électrique cérébrale, visibles à l’EEG (électroencéphalogramme), ou du rythme cardiaque, mesurables à l’ECG (électrocardiogramme). Les études reflètent également à quel point cet effet sur l’activité cérébrale est complexe à expliciter : si l’on pique plusieurs points d’acupuncture, les diverses zones du cerveau activées ne sont pas juste la « superposition » des zones associées à chacun des points piqués séparément, suggérant un effet synergique difficile à expliquer.
Ensuite les études confirment que la localisation des points d’acupuncture le long des méridiens ne répond pas à une logique aléatoire du point de vue cérébral, puisqu’elles montrent que lorsque l’on pique un « faux point » (qui n’est pas situé sur un méridien d’acupuncture), le signal cérébral chez la personne traitée est différent de la stimulation d’un « vrai point ».
Pour autant, la stimulation d’un faux point chez un patient n’exclut ni un effet spécifique sur le cerveau ni que le patient concerné puisse en tirer un bénéfice de santé quelconque. La question de la part relative de l’effet placebo et de l’effet propre à l’acupuncture dans les bénéfices que les gens tirent de ces soins méritera donc des recherches plus poussées pour pouvoir être tranchée (du point de vue des effets biologiques mesurables).
« L’effet de chi »
L’« effet de chi » désigne chez le patient, lors de la pose des aiguilles en profondeur (environ 1cm), une vive sensation de picotement suivie d’une sensation d’engourdissement, tandis que chez le praticien, elle est décrite comme la « prise de l’aiguille » par les tissus du patient et se manifeste par une résistance à la poursuite de l’insertion de l’aiguille. Cet « effet de chi », surtout connu des praticiens, semble être mis en évidence par la recherche : en effet, une anesthésie locale du point d’acupuncture avant la pose de l’aiguille suffit à faire disparaître cet effet et à inhiber la réponse au niveau du cerveau.
La lutte contre la douleur est le domaine dans lequel l’acupuncture a le plus démontré son efficacité dans les études cliniques. Ici aussi, différentes études montrent que le soulagement de la douleur diffère selon que sont stimulés de vrais points ou de faux points d’acupuncture. Quant à la compréhension des mécanismes en jeu, très complexes, les recherches évoquent une régulation des signaux émotionnels cognitifs associés à la douleur ou encore une augmentation de la sensibilité des récepteurs endogènes aux opioïdes .
D’autres instruments de mesure, tels que l’électroencéphalogramme ou l’électrocardiogramme apportent des informations complémentaires, révélant les effets de l’acupuncture sur les ondes cérébrales (alpha, bêta, gamma, delta et mu), sur la conduction de l’influx nerveux ou encore sur le rythme cardiaque.
À travers des mesures très précises liées à la variabilité de fréquence cardiaque, un certain nombre de recherches démontrent d’ailleurs l’impact que peut avoir l’acupuncture sur le système nerveux autonome (et ses deux composantes : la branche orthosympathique et la branche parasympathique), ce qui pourrait expliquer un nombre important de ses effets thérapeutiques encore mal compris.
Poursuivre les recherches, maintenir le dialogue.
Pour la médecine moderne occidentale, les méridiens ou les points d’acupuncture n’ont pas de réalité objective, et les effets de l’acupuncture ne peuvent pas être établis par les méthodes scientifiques actuelles.
Mais les auteurs de l’article concluent qu’à l’évidence, les technologies de neuro-imagerie permettent bel et bien de révéler des changements fonctionnels et des modulations particulières (cérébrales, cardiaques, nerveuses, etc.) qui suivent les interventions d’acupuncture, ce qui apporte une nouvelle méthode pour les recherches.
Ils suggèrent la mise en place d’une base de données internationale intégrant tous les résultats acquis par neuro-imagerie et toutes les données cliniques afin de faciliter l’évaluation des effets de l’acupuncture, et donc leur compréhension.
Références bibliographiques
« Current status of neuroimaging research on the effects of acupuncture: a bibliometric and visual analyses », Complementary Therapies in Medicine , décembre 2022.
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