Accueil Entretiens Cesser de boire, c’est être prêt à multiplier les deuils
Cesser de boire, c’est être prêt à multiplier les deuils
En France, tout le monde boit mais personne n’a de problème avec l’alcool. L’alcoolique, c’est toujours l’autre. Et l’ivresse est source de libations, de créations, d’adhésion. Pourtant, des symptômes cliniques à la dépendance, la palette de maladies liées à l’alcool est large, et les médecins mal formés. Entre réflexions scientifique et philosophique, le professeur en médecine Jean-Pierre Aubert nous confie son regard pragmatique sur cette question à laquelle il a récemment consacré un livre.
Parler d’alcoolisme entre amis, c’est entendre que l’alcoolique c’est l’autre, celui qui boit dès le matin, qui tremble, qui boit seul, alors c’est quand l’alcoolisme ?
Il y a plusieurs façons de répondre. La première serait de questionner les risques sur la santé de la dose journalière. La réponse c’est : plus de 20 g d’alcool par jour, soit deux verres, est la limite au-delà de laquelle la consommation peut présenter un risque. Évidemment, l’alcoolisme ne débute pas avec une telle consommation. La deuxième réponse, c’est de savoir s’il faut s’inquiéter lorsque l’on est malade suite à sa consommation d’alcool. Ici on met l’accent sur cette multitude de symptômes cliniques qui est liée à la consommation et qui s’améliore dès lors qu’elle cesse. Il s’agit des troubles de la mémoire, des remontées acides, de l’hypertension artérielle, des troubles du caractère. Ces symptômes trahissent une consommation excessive pour notre organisme puisqu’il en souffre. Mais ce n’est toujours pas de l’alcoolisme. La troisième va interroger la notion de liberté. L’alcoolo-dépendance, c’est la perte de sa liberté dans une consommation que l’on ne peut plus modérer et encore moins stopper.
On peut délibérément sacrifier cette liberté et pactiser avec l’alcool. Vous écrivez que c’est un excellent anxiolytique et antidépresseur, du moins pour sa rapidité d’action…
Exactement et c’est un des grands problèmes que suscite l’alcool : c’est que c’est un excellent médicament. C’est à la fois un anxiolytique et un antidépresseur d’action rapide. En 15 minutes maximum, on sent les effets. Du point de vue des anxiolytiques, on dispose de molécules à peu près similaires. Mais en termes de dépression, on n’a rien d’équivalent. C’est dur pour un médecin d’expliquer à un patient déprimé que le traitement qu’on lui prescrit ne fera effet que dans trois semaines. Pour quelqu’un qui a envie de mourir, qui lutte contre les idées suicidaires, la réponse thérapeutique est un peu cinglante.
Mais, vous l’écrivez, c’est un vrai piège…
Oui. On va mal, alors on boit un verre. Du coup on va mieux. Mais comme ça ne dure pas, on reprend un deuxième verre. Le moral remonte, mais moins haut qu’avec le premier verre. Quant à l’effet, il dure encore moins longtemps qu’avec le premier verre. Donc, on reprend un troisième verre et ainsi de suite. Si on devait se représenter la courbe du moral sous alcool, on verrait que les remontées étant toujours moins hautes d’un verre à l’autre et les plongeons toujours plus profonds, la courbe résultante descend inexorablement. On peut dire que l’alcool, puissant antidépresseur, est finalement un puissant dépresseur.
Outre cet aspect médicamenteux, l’alcool revêt bien des dimensions, sociales, culturelles. Rien qu’en littérature, poètes et écrivains chantent ses louanges quelles ...
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