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Des cris dans le désert… médical

  • Fermetures de services et déserts médicaux inquiétantsFermetures de services et déserts médicaux inquiétants
Article paru dans le journal nº 127

Face aux difficultés croissantes d'accès aux soins - pénuries de médecins, fermetures de lits, hopitaux au bord de l'implosion -  des maires se rebiffent et entament un bras de fer courageux avec notre État défaillant.

« Je reçois une à deux fois par semaine en mairie des personnes qui n’arrivent plus à avoir de rendez-vous médicaux. Il y a une colère profonde qui s’exprime et nous en sommes les porte-parole. » Ces mots sont ceux de Xavier Compain, maire de Plouha (Côtes-d’Armor).

Mais ils pourraient être ceux des 53 autres maires du département breton confrontés à la désertification médicale qui ont décidé, avec celui de Plouha, de mener bataille. Ils sont de tous bords politiques et ont tous affaire aux difficultés d’accès aux soins de leurs habitants. Et ce, depuis de nombreuses années. Il faut attendre plus de six mois dans le département pour passer une simple IRM et, faute d’effectifs, les accouchements sont suspendus à la maternité de Guingamp depuis avril 2023.

Les maires ont donc décidé de taper du poing. Ces derniers mois, ils ont successivement pris des arrêtés municipaux mettant en demeure l’État d’initier dans les plus brefs délais un plan d’urgence pour l’accès à la santé. Sous peine de 1 000 euros d’astreinte par jour… Comme le relaie le Parisien*, c’est une question de dignité humaine.

Lits ou logo, faut-il choisir ?

Durant cet été, le CHU de Nantes a concurrencé les athlètes olympiques en battant tous les records, parmi lesquels le temps d’attente aux urgences. Depuis juin, les malades peuvent patienter jusqu’à… soixante-dix heures avant d’être soignés ! Conséquence dramatique : entre fin juillet et début août, ce sont quatre patients qui ont trouvé la mort sur des brancards. En moyenne, ce ne sont pas plus de douze heures que les patients devraient attendre sur des lits de fortune. En réalité, selon la CGT, le temps moyen serait de quarante-huit heures. Ce qui n’empêche pas le CHU de Nantes de s’offrir, pour la modique somme de 185 000 euros, un nouveau logo. Raison invoquée pour ce relooking ? Attirer des médecins. La direction du CHU rappelle la fermeture d’une centaine de lits, faute de personnel. Pour autant, il est difficile de croire que débourser près de 200 000 euros pour un logo sera la solution au problème.

Celle-là même qui pousse Le Figaro à titrer dans son édition du 8 août : « Au CHU de Nantes, des décès indignes en zone d’attente scandalisent les soignants. » En conséquence de la fermeture ou de la saturation de plusieurs hôpitaux du Grand Ouest, les urgences nantaises sont bouchées et ont été le théâtre de décès de patients sur leurs brancards en attente de soins. Quatre en trois semaines.

En réponse à l’action des maires costarmoricains, le préfet du département a saisi le tribunal administratif pour suspendre les arrêtés municipaux, arguant l’incompétence des maires en la matière.

Au moment où nous mettons sous presse, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes n’a toujours pas statué sur la légalité de la procédure. Mais elle a essaimé, puisqu’une quinzaine de municipalités de l’agglomération de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence) ont pris un arrêté similaire. Nous le portons à votre connaissance avant que cette contestation ne soit elle aussi étouffée.

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Moins d’internes, plus de pénurie de médecins

Pour palier à ce problème à l'avenir il faut évidemment s'intéresser à la question de la réduction des dépenses de santé mais aussi au nombre de médecins formés aujourd'hui et à leur futur déploiement sur le territoire.

Or on compte 1510 internes en médecine en moins pour l’exercice 2024/2025, soit une baisse de 16 % par rapport à l’année précédente. Des chiffres qui inquiètent d’autant plus que la pénurie de soignants est toujours aussi sensible et que le chiffre de la fermeture des lits d’hospitalisation complète s’est élevé à plus 6 700 à la fin de l’année 2022.

Pour certains, cette baisse est la conséquence d’une volonté politique de détruire les services publics au profit du secteur privé. Pour d’autres, il faut chercher du côté des étudiants la cause de cette baisse des internes, puisque certains ne se seraient délibérément pas présentés aux examens de sixième année.Vraisemblablement, la réforme des études de médecine aide à comprendre les raisons de cette baisse. Et plus précisément dans la réforme du concours de cette fameuse sixième année.

Interrogé par La Croix, le président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), Bastien Bailleul, a rappelé qu’à « la fin de la sixième année de médecine, un concours et le classement permettent aux étudiants de choisir leur spécialité ». Or, réforme oblige, le passage de ce concours intervient à présent un an plus tôt, redéfinit la hiérarchie des connaissances à maîtriser, introduit un examen oral ainsi que la prise en compte du CV des futurs médecins (engagement associatif, stages, formations parallèles, etc.).

Autant de nouvelles modalités qui ont eu tendance à inquiéter les étudiants au point qu’ils ont demandé leur redoublement afin de ne pas être pénalisé dans leur classement et le choix de leur spécialité. Des redoublants volontaires donc, auxquels s’ajoutent les étudiants qui ont échoué à leurs examens.

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