La rédaction
Le 22 décembre 2020 était publié au Journal officiel un décret (n° 2020-1662) « portant modification du code de déontologie des médecins et relatif à leur communication professionnelle ». Ce décret comportant, entre autres, le passage suivant : « Le médecin peut, par tout moyen y compris sur un site internet, communiquer au public ou à des professionnels de santé, à des fins éducatives ou sanitaires, des informations scientifiquement étayées sur des questions relatives à sa discipline ou à des enjeux de santé publique. […] Il se garde de présenter comme des données acquises des hypothèses non encore confirmées ».
Certains médecins ont perçu ce décret comme une volonté des autorités d’entraver leur liberté d’expression, car le texte ne précise pas ce que recouvrent « des informations scientifiquement étayées » et « des hypothèses non encore confirmées ». Qui décidera de ce qui est valide ou non, et sur quels critères ? Le risque est réel que le monopole de la communication légitime autour du Covid-19 ne revienne qu'aux autorités sanitaires (gouvernement, Ordre des médecins).
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Un collectif comprenant notamment le Pr Perronne, récemment sanctionné pour ses prises de position publiques sur le Covid-19 craint que ce décret serve une forme de censure de l’information médicale sous l’égide de l’Ordre des médecins, et aille à l’encontre de l’intérêt général. Le groupe, comprenant également le Pr Paul Trouillas, le Dr Hélène Rezeau-Frantz, le Dr Sophie Fonnet, le Dr Stéphane Arminjon et le Dr Edith Kaji, a donc mandaté l'avocat Thomas Benages qui a déposé un recours devant le Conseil d’État le 31 décembre 2020.
Le Dr Nicole Delépine, médecin oncologue à la retraite, qui s'est beaucoup engagée sur les sujets de santé (de la dénonciation des lobbys aux critiques des thérapies innovantes contre le cancer notamment) a également été visée en décembre par une plainte ordinale et des poursuites disciplinaires, pour ses prises de position critiques sur la gestion de l’épidémie. Le décret du 22 décembre, prétendant encadrer la parole des médecins sur le Covid-19, lui fournit l'occasion d'une requête de référé-liberté, déposée lundi 4 janvier par maître Ludot. L'objectif : statuer sur l'atteinte que ce décret fait porter à la liberté d'expression des soignants.
Qu'on apprécie ou non les analyses et critiques de l’un ou l’autre de ces médecins, que l'on soit d'accord ou pas avec eux, un tel décret pose des questions majeures sur la liberté d'informer et de proposer une autre lecture de la pandémie ou d'avancer d'autres propositions ; comme le font d'ailleurs de plus en plus de collectifs en désaccord avec les politiques actuelles.
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