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Lunettes : sprays et lingettes anti-buée, attention à la composition

Depuis le début de la pandémie, et particulièrement avec la baisse des températures, les porteurs et porteuses de lunettes sont régulièrement gênés par le port du masque qui peut générer de la buée sur leurs verres. En pharmacie et parapharmacie, les sprays et lingettes « anti-buée » ont fleuri, mais il s’avère que nombre de produits du commerce contiennent des substances soupçonnées d’avoir des effets néfastes sur la santé.

Sabrina Debusquat

Entrer dans un magasin ou dans les transports et se retrouver avec un voile de buée qui empêche de voir son interlocuteur, marcher dans la rue et retenir son souffle de peur qu’il ne génère de la buée sur ses verres… Ces quelques situations sont le lot quotidien de très nombreux Français puisque 76 % d’entre eux sont porteurs de lunettes, occasionnels ou quotidiens. Quel que soit le positionnement du masque, et même en abaissant un peu plus les lunettes sur le nez, l’apparition de buée reste récurrente et pose un vrai problème. Nombre de personnes n’ont donc pas hésité à se procurer ces petites lingettes et ces sprays « magiques » qui déposent sur les verres un produit translucide empêchant la formation de buée.

Des substances perfluoroalkylées aux effets méconnus

Ce qu’on ne nous dit pas, notamment sur l’emballage, c’est que les substances chimiques qui permettent cette petite prouesse ne sont pas forcément des plus recommandables pour la santé. Heather Stapleton, professeur émérite et chercheuse, spécialiste dans l’analyse des produits chimiques toxiques à l’université Duke en Caroline du Nord, a acheté un de ces sprays pour sa fille de 9 ans et s’est interrogée sur ce qu’ils contenaient. Avec ses collègues du laboratoire qui porte son nom, elle a donc commandé sur Amazon les quatre sprays et les cinq lingettes anti-buée les mieux notés (donc les plus achetés), puis ils ont analysé leur composition.

Résultat : ces neuf produits contenaient des substances dont les effets sur la santé restent « largement méconnus » mais potentiellement inquiétants, car ils font partie d’une famille de produits chimiques aux compositions très proches dont les effets délétères sont, eux, bien connus. En effet, il a été retrouvé dans ces produits des alcools fluorotélomères qui font partie de la famille des perfluoroalkylées (dites PFAS), des substances principalement utilisées dans les revêtements antiadhésifs des poêles et dans les mousses ignifuges. Pour exemple, deux de ces PFAS, le sulfonate de perfluorooctane et l’acide perfluorooctanoïque, sont associées à des troubles de la fonction immunitaire, à des cancers ou encore à des maladies thyroïdiennes. Les enfants et les femmes enceintes, notamment, sont particulièrement à risque puisque ces produits ont également des effets sur le développement et la santé des organes reproducteurs.

Des produits ironiquement annoncés comme « sûrs et non toxiques »

Comme l’explique Heather Stapleton qui a dirigé l’étude : « En raison du COVID, plus de personnes que jamais, y compris de nombreux professionnels de la santé et autres premiers intervenants, utilisent ces sprays et chiffons pour empêcher leurs lunettes de s'embuer lorsqu'elles portent des masques ou des écrans faciaux. Elles méritent de savoir ce qu'il y a dans les produits qu'elles utilisent. » En effet, si vous possédez vous-même l’un de ces produits, vous remarquerez que la composition n’y est fréquemment pas spécifiée, ou alors de manière lapidaire. Or, comme l’indique l’université Duke dans la publication visant à médiatiser cette étude, il se pourrait que des études ultérieures sur des échantillons plus importants « identifient d'autres produits chimiques non divulgués [et potentiellement néfastes pour la santé] qui sont utilisés dans ces sprays ou ces lingettes ».

Qui plus est, les concentrations de ces substances dans ces sprays et lingettes étaient assez élevées, ce qui a étonné les chercheurs puisque ces produits sont « ironiquement annoncés comme sûrs et non toxiques » et que l’on demande aux utilisateurs de les vaporiser près de leurs yeux et d’utiliser directement leurs doigts pour les appliquer.

Comme le conclut Heather Stapleton : « Il est troublant de penser que les produits que les gens utilisent quotidiennement pendant la pandémie de COVID peuvent les exposer à un risque différent. » Cas d’école : en lisant l’étiquette d’un de ces produits, acheté en France en grande distribution et présent sur un bureau à la rédaction d’Alternative Santé, nous trouvons dans la composition – outre un très élusif « agent de surface non ionique » – de la benzisothiazolinone. Or, cette substance est, entre autres, un conservateur « très toxique pour les organismes aquatiques » qui provoque également des irritations et des allergies cutanées ainsi que… de « graves lésions oculaires » !

Sachant cela, ceux qui le peuvent préféreront peut-être désormais opter dès que possible pour des lentilles de contact avant que l’obligation du port du masque soit levée.

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Sources :

 

« Characterization of Per- and Polyfluorinated Alkyl Substances Present in Commercial Anti-fog Products and Their In Vitro Adipogenic Activity », Environmental Science & Technology, janvier 2022.

« High Levels of PFAS Found in Anti-Fogging Sprays and Cloths », site de la Nicholas School of the Environment de l’université Duke, 5 janvier 2022.

« 1,2-Benzisothiazol 3(2H)-one », fiche toxicologique n° 243, Institut national de recherche et de sécurité.

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