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Covid-19 : des vaccins sous surveillance

Les campagnes de vaccination contre le Covid-19 battent leur plein depuis un an et le pass vaccinal est entré en vigueur le 24 janvier. Les autorités sanitaires insistent sur le caractère sûr des vaccins, tandis que des voix s’élèvent pour dénoncer une omerta d’État sur leurs effets indésirables, qui seraient nombreux et gravissimes. Nous avons donc cherché à en savoir plus sur la manière dont les événements indésirables (1) postvaccinaux sont identifiés, analysés et répertoriés, en menant l’enquête auprès des instances chargées de la pharmacovigilance des vaccins et de ceux qui en pointent les limites.

Pascale ARLD

Au vu des discussions qui se tiennent sur les réseaux sociaux, des appels à témoins de plusieurs médias sur les effets indésirables postvaccinaux, nombreux sont ceux qui semblent ignorer l’existence même du dispositif national de pharmacovigilance… Il est vrai que son fonctionnement est complexe et ses procédures de vérification pas toujours très connues du public.

Comment s’organise-t-il ? En France, trente-et-un centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) couvrent l’ensemble du territoire. Sous l’égide de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ils analysent les signalements d’événements indésirables survenus à la suite de la prise d’un médicament (vaccins compris), de l’utilisation d’un dispositif de santé, d’une vaccination. Leur objectif est de garantir la sécurité des médicaments mis sur le marché : ils sont chargés de détecter tout « signal » susceptible de mettre cette sécurité en question.

Une surveillance renforcée

Produits nouveaux approuvés dans l’urgence, les vaccins contre le Covid-19, mis sur le marché avec une autorisation conditionnelle (2), ont été, dès leur lancement, inscrits sur la liste européenne des médicaments sous surveillance renforcée . Ce qui s’est traduit, en France, par le renforcement du dispositif habituel de pharmacovigilance : à la mission habituelle des centres se sont ajoutées la mise en place de comités spécifiques de suivi pour chacun des vaccins et de réunions collégiales d’analyse des données ainsi que la rédaction de rapports réguliers de pharmacovigilance , mis en ligne sur le site Internet de l’ANSM et accessibles au grand public. Contrairement à une idée reçue largement répandue, la pharmacovigilance n’a cependant pas pour vocation de recenser tous les incidents survenus après vaccination : sa mission principale est de détecter des « signaux potentiels » de sécurité, autrement dit des effets qui n’auraient pas été mis en évidence par les essais cliniques.

Autre dispositif essentiel, instauré en France depuis 2018 en collaboration avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), un groupe d’intérêt scientifique, EPI-PHARE, peut mener si besoin des enquêtes pharmaco-épidémiologiques très ciblées « en vie réelle » et sur de grandes populations, pour « éclairer les décisions des pouvoirs publics en matière de sécurité sanitaire » (3).

Comment fonctionne la pharmacovigilance ?

1) Tout commence par… le signalement des « événements indésirables »

Comme pour tout produit de santé, le médecin ou le professionnel de santé qui constate un événement indésirable à la suite d’une injection vaccinale doit (c’est une obligation, sous peine d’amende) contacter les pharmacologues du centre de pharmacovigilance le plus proche, ou encore procéder directement à une déclaration sur le portail gouvernemental de signalement . Le patient peut aussi, de lui-même et selon les mêmes procédures, déclarer directement un tel événement. Il n’y a pas de limitation de délais.

« Compte tenu du nombre de personnes vaccinées simultanément, on pouvait s’attendre, dès le début, à une explosion du nombre de signalements », indique le Pr Joëlle Micallef qui dirige le CRPV de Marseille-Provence-Corse. Au 13 janvier 2022, alorsque 130 973 300 injections vaccinales contre le Covid-19 ont été réalisées depuis le lancement de la campagne de vaccination, les CRPV ont enregistré 132 892 déclarations d’événements indésirables (4).

Ce qui est considérable par rapport à l’activité habituelle de pharmacovigilance : en 2020, selon le rapport annuel de l’ANSM, les CRPV n’avaient enregistré que 49 758 signalements tous médicaments confondus ! « La pharmacovigilance a été autant occupée que les services de réanimation lors des vagues de Covid ! Notre activité a augmenté de plus de 200 % ! Mais il ne faut pas oublier qu’il y a eu plus de 130 millions d’injections, c’est donc finalement très peu ! » , commente le professeur.

2) Ces événements sont ensuite classés comme « graves » ou « non graves ».

« Quand un événement indésirable [concernant un vaccin] nous est rapporté, comme pour n’importe quel autre médicament, nous commençons par définir son degré de gravité en fonction des critères bien établis depuis longtemps par la pharmacovigilance : a-t-il nécessité une hospitalisation ? Mis en jeu le pronostic vital ? Est-il “ médicalement significatif ”, c’est-à-dire différent des effets attendus [par rapport aux résultats des études cliniques, NDLR] ? A-t-il entraîné une incapacité, une invalidité, voire la mort ? » , explique le Pr Joëlle Micallef.

Cette « gravité », telle que définie par la pharmacovigilance, ne signifie donc pas forcément sévérité d’un point de vue médical : « Un passage aux urgences pour un mal de tête ou une fièvre, qui sont des effets indésirables tout à fait attendus et bénins après vaccination , sera répertorié comme “ grave ” car il a nécessité une hospitalisation », détaille-t-elle.

Pour faciliter ce repérage des différents cas, une intelligence artificielle a été mise en place par la société Synapse Medicine : depuis avril 2021, les signalements d’événements liés aux vaccins contre le Covid-19 sont prétriés et précodés, sur analyse des verbatims, par symptômes cliniques et par gravité, ce qui permet aux CRPV de prioriser leurs investigations.

3) Ces événements sont ensuite caractérisés d’un point de vue médical.

« Ce qui nous guide avant tout, c'est d'abord de caractériser médicalement le symptôme et la maladie, chez quel type de personne cela arrive et dans quel délai », explique le Pr. Micallef. Ce délai, loin d’être figé, varie selon les symptômes ou la maladie et selon ce que les spécialistes des CRPV connaissent de leur genèse. Ces derniers considèrent que les symptômes sont immédiats ou presque pour les réactions allergiques (choc anaphylactique), mais qu’ils peuvent mettre jusqu’à quinze jours pour se manifester, par exemple pour une fièvre ou pour tout autre symptôme pouvant relever de la réactogénicité du vaccin (c’est-à-dire de sa capacité à faire réagir le système immunitaire), voire jusqu’à six semaines pour un syndrome de Guillain-Barré, une maladie neurologique déjà bien connue comme effet très rare mais possible de certains vaccins. Mais, toujours selon l’expertise des CRPV, impossible que ce délai ne soit que de quelques jours pour une maladie de Creutzfeldt-Jakob par exemple. « Même des personnes exposées dans certaines tribus au Creutzfeldt-Jakob parce qu’elles manipulent des cadavres mettent des décennies à développer la maladie ! » , rappelle le Pr. Micallef.

Les pharmacologues se fondent en premier lieu sur les effets indésirables avérés, observés lors des essais cliniques des vaccins qui ont porté sur quelques dizaines de milliers de personnes, « ce qui est beaucoup », souligne Joëlle Micallef, « pour un médicament non-vaccin, ces essais sont menés sur 1 000 ou 2 000 personnes ! »

Chaque cas déclaré est analysé en temps réel par les pharmacologues du Centre régional avant d’être enregistré dans la base nationale de pharmacovigilance. Dans un second temps, au vu des cas dans leur globalité (par exemple tous les cas de syndrome de Guillain-Barré), les pharmacologues rapportent, en fonction des différents vaccins, si ces cas constituent ou non un signal, ce qui dépend du nombre de cas et de leurs caractéristiques…

Comment peut-on, ou non, établir un lien avec le vaccin Covid-19 ?

S’il s’agit d’un événement indésirable encore non répertorié comme un effet indésirable possible du vaccin, les spécialistes vont ensuite chercher à déterminer s’il peut, ou non, être imputé à ce dernier : « Toute la difficulté est que parmi ces symptômes, il n'y a rien de spécifique : on peut tous les avoir sans pour autant avoir été vacciné ! » , explique Joëlle Micallef. Il est important de rappeler ici que « corrélation n’est pas causalité » : un événement indésirable postvaccinal signalé à la pharmacovigilance est, à ce stade, encore loin de pouvoir être imputable au vaccin. L’enquête démarre à peine !

« Nous retournons vers le professionnel de santé ou le patient pour récupérer tous les éléments, les comptes-rendus d’hospitalisation par exemple, et nous investiguons pour déterminer si [les effets indésirables] peuvent avoir été causés par le vaccin » , précise Joëlle Micallef. Les experts considèrent notamment devoir, au préalable, éliminer toutes les autres causes possibles. « En analysant un cas de crise cardiaque ou d’AVC notifié à la suite d’une vaccination par exemple, on s’aperçoit souvent que le patient avait des antécédents cardiaques ou présentait déjà des symptômes » , illustre la pharmacologue. Il en va de même pour les syndromes de Guillain-Barré qui peuvent être attribués à bien d’autres causes, comme une contamination antérieure par la bactérie Campylobacter jejuni, un cancer ou un autre médicament.

En somme, pour qu’un événement indésirable soit imputé au vaccin, il faut que plusieurs conditions soient réunies : que toute l’histoire médicale du patient ait pu être retracée (sinon on ne peut rien conclure), mais aussi qu’il s’agisse soit d’un effet « attendu » du vaccin décelé lors des essais cliniques, soit d’un signal « à surveiller » ou « confirmé ».

Pour qu’un signal soit « à surveiller » ou « confirmé », il faut qu’il ait été retrouvé de manière suffisamment significative chez d’autres personnes vaccinées et, dans tous les cas, qu’il s’agisse d’un événement pour lequel on ne peut trouver aucune autre cause que le vaccin. À défaut de quoi, l’événement indésirable risque de ne pas être considéré, à ce stade, autrement que comme une « coïncidence temporelle », ce qui est d’autant plus possible que des centaines de millions de patients sont vaccinés.

Lorsque les victimes d’événements indésirables souffrent de comorbidités ou ont des antécédents médicaux, ces derniers seront majoritairement mis en avant pour expliquer cet événement indésirable plutôt que l’acte vaccinal. Mais les responsables de la pharmacovigilance n’excluent pas pour autant que le vaccin puisse jouer un rôle de cofacteur ou de facilitateur sur un terrain déjà fragilisé, ce rôle restant alors toujours conditionnel. Dans l’un des rapports de pharmacovigilance du vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech, ils notent ainsi par exemple, concernant des cas d’attaques cardiaques survenues peu après l’injection :

« Dans le contexte du signal existant d’élévation de la pression artérielle et de signal existant de troubles du rythme cardiaque, un rôle éventuel de la vaccination dans la décompensation d’une pathologie cardiaque sévère, stable ou inconnue, ne peut cependant être écarté. »

Le dispositif de surveillance renforcée mis en place pour les vaccins Covid-19 – connecté en réseau à l’Europe ( EudraVigilance) et à l’international, notamment avec les États-Unis au travers de la Coalition internationale des autorités de réglementation des médicaments (ICMRA, International Coalition of Medicines Regulatory Authorities ) – a pour but principal de détecter des signaux et de les confirmer rapidement : il a ainsi permis de faire reconnaître desthromboses atypiques, uneélévation de la pression artérielle ou encore des myocardites et des péricardites comme des effets secondaires possibles des vaccins, effets qui n’avaient pas été révélés par les essais cliniques. Pour chacun des vaccins, les listes de tous les effets indésirables possibles sont d’ailleurs disponibles sur le site de l’ANSM et actualisées régulièrement.

Mais cela ne signifie pas pour autant, lorsque l’un de ces symptômes est signalé, que l’imputabilité du vaccin est systématiquement reconnue : les équipes de pharmacovigilance mènent systématiquement l’enquête. Pour reprendre l’exemple des thromboses atypiques, en France, sur soixante-quatre cas signalés après vaccination (selon le rapport de l’ANSM du 03/12 /2021), trente sont à ce jour reconnus comme étant des TTIV (thrombocytopénie thrombotique immunitaire induite par le vaccin) selon le rapport de l’ANSM du 21/01/2022.

Les limites de la pharmacovigilance

  • On sait depuis longtemps que, pour tous les médicaments, le nombre de signalements est très probablement bien en dessous de la réalité.

Seuls 5 à 10 % des événements indésirables feraient l’objet d’une déclaration, selon le Leem, l'organisation professionnelle des entreprises du médicament. Le Leem explique que cette sous-notification est liée au manque de temps ou d’implication des professionnels de santé et au manque d’information aux patients qui ne savent pas toujours qu’ils peuvent procéder eux-mêmes à la déclaration. Il est évidemment impossible de savoir combien d’événements indésirables n’ont pas été déclarés à la pharmacovigilance. Mais au vu du nombre faramineux d’injections réalisées, il est difficile d’imaginer que la pharmacovigilance n’ait pas encore identifié l’énorme majorité des différents types d’effets indésirables possibles à court terme.

  • On sait aussi que les données des laboratoires ne sont pas toujours fiables.

Les données des essais cliniques de Pfizer ont été mises au secret industriel et font l’objet d’un bras de fer juridique depuis des mois aux États-Unis pour être rendues accessibles au public. Elles pourraient bien être entachées d’irrégularités dans certains des centres qui les ont menés. Le laboratoire aurait en outre carrément invisibilisé des cas d’événements indésirables, à en croire la journaliste scientifique australienne Maryanne Demasi, tout comme l’aurait également fait le laboratoire AstraZeneca : « Aux États-Unis, Brianne Dressen et Maddie De Garay avaient été incluses dans les essais cliniques, respectivement d’AstraZeneca et de Pfizer, mais elles en ont été retirées après avoir fait des réactions gravissimes qui les ont laissées handicapées » , raconte-t-elle sur son blog. Nous n’avons pas pu vérifier ces informations, qui n’émanent apparemment que d’une seule source, le sénateur républicain Ron Johnson... La revue Science, qui vient justement de consacrer un article aux effets secondaires des vaccins , évoque également le cas de Brianne Dressen, semble-t-il bien (re)connu comme celui d’un Covid long lié à la vaccination, mais sans pour autant parler de son exclusion des essais cliniques.

Dans tous les cas, il y a eu des précédents de dissimulation des effets indésirables dans les essais cliniques : comme le rappelle la revue Prescrire , en 2015, des chercheurs indépendants ont montré, en réanalysant les données brutes d’un essai clinique mené en 2001 sur la paroxétine (Deroxat®), pour évaluer le médicament dans la dépression des adolescents, que la publication initiale du laboratoire ne présentait que 265 des 485 événements indésirables survenus. Celui-ci avait ôté toutes les tentatives de suicide de la liste de ces événements pour les mettre sur le compte d’une « instabilité émotionnelle » liée à la maladie ! Heureusement, la pharmacovigilance étatsunienne avait repéré ce risque dès 2002 !

Pour l’instant, concernant les vaccins contre le Covid-19, plus d’un an après les essais cliniques, plusieurs milliers d’études cliniques et plusieurs milliards d’injections, les données communiquées par la pharmacovigilance confirment celles transmises par les laboratoires… Elles ont aussi permis de révéler des effets indésirables que les laboratoires ne mentionnaient pas, tels que les myocardites, les péricardites, les thromboses, l’élévation de la tension artérielle…

  • On redoute que des signaux faibles ne passent entre les mailles des filets.

L’équipe de Michel Goldman a par exemple rapporté un cas de flambée de lymphome après administration d’un rappel du vaccin Pfizer. Dans The Conversation , ce professeur à l’Université libre de Bruxelles explique ce cas de récidive par l’hyperstimulation immunitaire qu’induisent les vaccins à ARNm sur les lymphocytes T folliculaires. Il pointe d’autres maladies qui pourraient répondre à ce même mécanisme, mais dont la réactivation pourrait passer inaperçue aux yeux de la pharmacovigilance, ne pouvant constituer un « signal fort » au vu de leur rareté : les maladies immuno-inflammatoires (glomérulonéphrites) ou les maladies auto-immunes (et en particulier le diabète de type 1 chez l’enfant) devraient ainsi, selon lui, faire l’objet d’une surveillance postvaccinale attentive.

  • On doute de ses capacités à réagir rapidement.

Dans une lettre collective au British Medical Journal, vingt-deux professionnels de santé (parmi lesquels on remarque la signature du Dr Peter Gøtzsche, l’un des quatre-vingts fondateurs de la Collaboration Cochrane (5), « viré » fin 2018 pour ses critiques trop acerbes de l’industrie pharmaceutique) s’alarment : « Il est clair que des effets indésirables rares mais graves et potentiellement mortels se produisent, comme la thrombose et la myocardite, et qu'il a fallu des mois pour les identifier. »

Cette crainte est-elle justifiée ? On se souviendra que s’agissant des thromboses, la vaccination a été suspendue par précaution, en France et ailleurs, et avant même que l’enquête de pharmacovigilance ne soit close, le côté atypique des thromboses ayant suffi à éveiller les soupçons. En revanche, s'agissant des myocardites, avant de pouvoir en observer seulement quelques cas, il aura fallu vacciner plusieurs millions de fois, ce qui prit effectivement plusieurs mois ; ainsi, les premiers cas n'ont-ils pu être observés en Israël qu'en avril 2021, alors que la vaccination y avait démarré 4 ou 5 mois plus tôt, en décembre 2020 pour les adultes, et mi-janvier 2021 pour les 16-18 ans…

La dernière enquête EPI-PHARE, publiée le 18 janvier 2022, a cherché à déterminer si le risque d’événements cardiovasculaires graves au cours des deux semaines qui suivent l’injection du vaccin était augmenté avec les vaccins contre le Covid-19. Les chercheurs ont ainsi croisé les données d’hospitalisation des adultes de moins de 75 ans ayant eu une embolie pulmonaire, un infarctus du myocarde ou un AVC avec leur statut vaccinal sur la période allant de décembre 2020 à juillet 2021. Ils ont ainsi observé un surrisque statistiquement significatif de développer l’un de ces événements après un vaccin Janssen et après la première dose de celui d’AstraZeneca, concluant à un risque plus élevé avec les vaccins à virus atténué qu’avec les vaccins à ARNm.

Mais ces dispositifs de surveillance ont beau être réactifs, force est de constater que, d’une part, la pharmaco-épidémiologie ne peut se prononcer que sur ce qu’elle recherche et, d’autre part, qu’il lui faut aussi suffisamment de données pour le faire. Concernant cette dernière enquête EPI-PHARE, quid des événements indésirables cardiovasculaires au-delà de deux semaines ? Quid des adolescents de 12 à 17 ans (recommandation de vaccination datant du 15 juillet 2021) et des enfants de 5 à 11 ans (recommandation du 22 décembre 2021) ?

Une étude conduite au sein du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) américain vient justement de mettre en évidence un risque accru de myocardite chez les adolescents avec le vaccin Pfizer. Basée sur l’analyse de 1 626 cas de myocardites rapportés dans VAERS (le système national américain de pharmacovigilance passive où quiconque peut faire une déclaration), l’étude parue dans le JAMA (7) confirme qu’il y a plus de myocardites qu’attendu dans les sept jours suivant l’injection du vaccin BNT162b2 (Pfizer) chez les adolescents et les jeunes adultes de sexe masculin, et notamment très peu de temps après la deuxième dose. Les 12 à 15 ans comptent ainsi 70,7 cas supplémentaires par million de doses par rapport aux myocardites attendues dans ce groupe d’âge ; les 16 à 17 ans, 105,9 cas supplémentaires par million de doses ; les 18 à 24 ans , 52,4 cas supplémentaires (versus 56,3 pour le vaccin Moderna)… Tout en insistant sur le fait que ces myocardites sont bien moins graves que celles qui surviennent habituellement lors d’une maladie virale, et guérissent semble-t-il très vite. Le CDC préconise désormais une surveillance active à trois et à six mois de l'état de santé et des résultats cardiaques des adolescents et jeunes adultes ayant déclenché une myocardite après vaccination...

On sait que la pharmacovigilance ne nous dit pas tout.

Un « point de suivi » régulier de pharmacovigilance est publié tous les quinze jours sur le site de l’ANSM concernant ces vaccins. Comme le précise la notice explicative qui l’introduit, il « n’a pas vocation à rendre compte de l’exhaustivité du nombre de cas d’effets indésirables réellement survenus en France chez les personnes vaccinées » .

Une mention commente invariablement les chiffres : « la majorité des cas rapportés sont considérés comme “ non graves ” » . Ce mantra lénifiant, destiné à réaffirmer la sécurité des vaccins, invisibilise les cas « graves », les réduisant de fait à une « minorité ». Les chiffres des évènements graves se résument à un pourcentage immuable depuis des mois (24 %), alors que ceux-ci sont répertoriés au cas près. Et en particulier les décès. Les vaccins tuent-ils ? On sent bien que cette question, qui pourtant taraude probablement tout le monde, est volontairement éludée (rappelons qu’il s’agit de faire accepter les vaccins). Nous avons eu beau chercher, le nombre de décès signalés après vaccination ne figure pas explicitement dans les rapports, pas plus que les délais dans lesquels ils sont survenus. En additionnant les chiffres des différentes rubriques, nous avons calculé qu’autour de 1 500 décès auraient été signalés à la pharmacovigilance. Tout au plus est-on vaguement rassuré, au détour d’une ligne, que, thromboses atypiques mises à part, jusqu’à présent « aucun décès n’a pu être relié au vaccin ».

Sur des événements aussi graves, cette absence de communication nourrit défiance et folles rumeurs : sur les réseaux sociaux, les morts subites de sportifs sont par exemple instrumentalisées et attribuées à l’aveugle à la vaccination. Encore une fois, rappelons que corrélation n’est pas causalité : un petit tour dans les archives du site de la Fédération française de cardiologie rappellera au besoin que plus de 500 sportifs par an en moyenne meurent d'un arrêt cardiaque lors d’un effort physique. Et il est évident que l’on n’a pas arrêté de mourir depuis que l’on vaccine ! Certains politiciens (comme le sénateur républicain Ron Johnson) n’hésitent pas à dénoncer un crime de masse, sur la base de graphiques prétendument élaborés à partir des données du VAERS.

Le CDC américain conteste quant à lui l’existence d’un quelconque signal statistique évocateur d’une augmentation de la mortalité dans les vingt-huit jours qui suivent une injection vaccinale. En octobre dernier, il a publié les résultats d’une étude de cohorte menée sur 11 millions de personnes entre décembre 2020 et juillet 2021 et y a même relevé un moindre taux de mortalité (hors Covid-19) chez les 6,4 millions de vaccinés que chez les 4,6 millions qui ne l’étaient pas (8) ! Faute d’accès aux données et de compétences en statistiques, que pouvons-nous faire d’autre que de faire confiance aux autorités ?

 


Faudrait-il faire plus d'autopsies ?

Lorsque survient un décès après vaccination, les causes de la mort sont bien évidemment recherchées. L’autopsie n’est pas pour autant systématiquement demandée. « La France n’est pas le pays de la culture des autopsies, contrairement aux pays nordiques » , souligne Joëlle Micallef. « D’ailleurs, dans toutes les autopsies qu’on a obtenues à ce jour, c’est une cause de décès non imputable à la vaccination qui a été retrouvée. On a eu par exemple quelqu’un qui est mort subitement, et dont l’autopsie a révélé qu’il était atteint d’un cancer avancé… » , explique-t-elle.

Un chercheur malaisien, Shin Jie Yong, qui édite un blog (Microbiological Instincts) sur la plateforme Medium a pris la peine de recenser tous les articles scientifiques publiés jusqu’à décembre 2021 sur ce sujet. Il en a trouvé onze, qui décrivent au total trente-trois autopsies de personnes décédées peu après leur vaccination. Il souligne que seules dix-neuf d’entre elles suggèrent un lien possible (présence de thromboses et de myocardites manifestement en lien avec le vaccin). Il cite aussi les chiffres du CDC américain qui, sur 10 483 décès enregistrés dans le VAERS et autopsiés, rapporte n’avoir établi de lien formel que dans neuf cas, vaccinés avec Janssen.


 

  • On sait aussi que certaines données cliniques sont carrément manquantes.

Les auteurs de la lettre au BMJ citée précédemment notent aussi l’absence de données sur les groupes qui pourraient être particulièrement affectés par le vaccin, comme les personnes atteintes de maladies auto-immunes. Ils soulignent que « les troisième et quatrième injection de rappel n'ont été testées dans aucun essai randomisé, alors que les effets secondaires semblaient déjà être plus fréquents après la deuxième dose » , et s’inquiètent « d’effets néfastes à long terme, difficiles à détecter en raison de la courte durée des essais randomisés, qui ne deviendront apparents que dans les années à venir » .

  • On sait que la pharmacovigilance n’est pas adaptée pour l’étude des effets à long terme.

Les effets à long terme n’ont pas pu encore être étudiés, les vaccins contre le Covid-19 n’étant déployés que depuis un an ! Les essais cliniques continuent néanmoins de suivre les événements indésirables survenant chez tous leurs participants sur une durée de deux ans, comme l’a récemment rappelé Le Monde . En attendant, de nombreux scientifiques affichent une confiance qui confine à la foi : « S’il y en a, les effets secondaires arrivent deux heures, deux jours ou deux mois après une injection, pas après » , affirme par exemple dans le Jerusalem Post Michal Linial, professeur de chimie biologique à l’Université hébraïque de Jérusalem.

Comme la journaliste scientifique Lise Barnéoud le rappelle dans son livre Immunisés ? Un nouveau regard sur les vaccins, écrit au terme d’une longue enquête sur les vaccins :

« Au risque d’inquiéter certains lecteurs hypocondriaques et de faire bondir les médecins et les responsables des politiques de santé, nous ne connaissons pas les risques à long terme des vaccinations. Et pour cause : aucune étude épidémiologique sérieuse ne permet de comparer un nombre suffisant de personnes vaccinées et non vaccinées, au mode de vie comparable et sur plusieurs décennies, voire sur plusieurs générations. »

Une telle étude n’est d’ailleurs même pas envisageable : alors que l’on vaccine massivement, la population témoin non vaccinée tend en toute logique, peu à peu, à disparaître… Pour peu qu’ils existent, ces effets au long cours seront de toute manière extrêmement difficiles à repérer et encore plus à pouvoir être imputés aux vaccins : l’une des limites majeures de la pharmacovigilance est qu’elle n’est pas pensée ou équipée pour les étudier.


Notes et références

(1) Dans le jargon de la pharmacovigilance, un « effet indésirable » est un événement indésirable susceptible d’être lié à un médicament, sans que ce lien ne soit pour autant établi. Pour éviter ce jargon, nous avons choisi de conserver l’appellation « événement indésirable ».

(2) L’autorisation conditionnelle de mise sur le marché (AMM conditionnelle), délivrée pour un an et renouvelable, concerne « les produits répondant à un besoin médical non satisfait avant que des données à long terme sur l'efficacité et la sécurité ne soient disponibles ».

(3) Fiche explicative sur la surveillance renforcée des médicaments

(4) Point de situation de l’ANSM sur la surveillance des vaccins contre le Covid-19 (21/01/2022

(5) La Collaboration Cochrane est un groupe de médecins qui analyse objectivement et bénévolement la littérature médicale afin d’établir des «reviews » sur l’intérêt de certaines thérapeutiques.

(6) « Myocarditis after COVID-19 mRNA vaccination: clinical observations and potential mechanisms », Nature Reviews Cardiology, publié en ligne en décembre 2021 et dans le numéro de février 2022 de la revue.

(7) « Myocarditis Cases Reported After mRNA-Based COVID-19 Vaccination in the US From December 2020 to August 2021 », JAMA, 25 janvier 2022

(8) « COVID-19 Vaccination and Non–COVID-19 Mortality Risk — Seven Integrated Health Care Organizations, United States, December 14, 2020–July 31, 2021 », Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR), CDC, 29 octobre 2021. DOI:

À lire :

Lise Barnéoud, Immunisés ? Un nouveau regard sur les vaccins, Premier Parallèle, 2017.




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