Sabrina Debusquat
Des chercheurs israéliens du Sheba Medical Center, à Ramat Gan, ont voulu comparer la réponse immunitaire humorale (c’est-à-dire induite par les anticorps) sur huit à dix mois de deux groupes distincts : le premier était composé de 130 personnes guéries du Covid n’ayant jamais été vaccinées contre ce virus, et le second de 402 personnes jamais infectées par le Covid mais ayant reçu deux doses du vaccin Pfizer.
Cette étude tend à montrer que, bien qu’avec le temps le nombre d’anticorps anti-SARS-CoV-2 diminue à la fois chez les patients précédemment infectés et chez les vaccinés, la performance des anticorps ne s’améliorerait, elle, qu’après une infection antérieure, et non après la vaccination.
Cette différence pourrait notamment expliquer pourquoi les patients infectés naturellement par le virus semblent mieux protégés contre une nouvelle infection que ceux ayant seulement été vaccinés (sans avoir jamais été malades au préalable).
Les chercheurs ont d’abord fait le constat que le nombre d’anticorps un mois après la vaccination était plus élevé que celui retrouvé chez les personnes non vaccinées ayant récupéré du Covid-19, ce qui pourrait faire conclure un peu trop rapidement à une plus grande protection de la vaccination par rapport à l’immunité naturelle.
Mais les choses ne sont pas si simples. En effet, à partir de six mois postinfection, l’indice de qualité de la performance des anticorps augmentait progressivement chez les patients guéris du Covid et naturellement immunisés, phénomène qu’on ne retrouve pas chez les vaccinés non infectés. Cette qualité des anticorps était mise en évidence par l’index d'avidité, à savoir la force d’interaction des anticorps avec le virus.
Une des limites de cette étude comparative entre immunité vaccinale et immunité naturelle est qu’elle a été réalisée juste avant l’arrivée des variants Delta et Omicron en Israël, rendant ses conclusions difficilement transposables aujourd’hui. En effet, les personnes suivies dans cette étude ont été infectées par les variants originaux, à savoir Alpha et, pour certains d’entre eux, Bêta.
Pour le Dr Carmit Cohen, l’un des auteurs principaux de l’étude : « les patients qui vont être les plus intéressants à observer de ce point de vue-là seront ceux qui se sont remis des variants précédents puis ont ensuite été réinfectés et ont récupéré du variant Omicron. En théorie, ces individus devraient avoir des performances d’anticorps très élevées contre la plupart des variants. »
Pour autant, les recherches s'accumulent néanmoins sur l'efficacité de l'immunité naturelle pour protéger contre les différents variants.
L'infection naturelle protège également contre les différentes variantes apparues progressivement depuis le début de la pandémie. Par exemple une étude incluant près de 22 000 personnes au Qatar, publicisée dans le New England Journal of Medicine le 9 février 2022 a montré qu'une infection antérieure générait une immunité « robuste » - environ 90 % de protection - pour prévenir la réinfection par les variants Alpha, Beta et Delta du SRAS-CoV-2, et environ 60 % - moins robuste donc, "mais toujours considérable" - contre Omicron. L'efficacité d’une infection antérieure pour protéger contre les formes graves de COVID-19 ou les décès a été estimée à 69,4 % contre Alpha, 88,0 % contre Beta, 100 % contre Delta et 87,8 % contre le variant Omicron.
Si l’immunité conférée par une infection au Covid semble s’avérer plus protectrice sur le long terme que celle apportée par le vaccin, la durée effective de protection, elle, restait jusqu’alors également assez floue. En effet, même chez les personnes qui développaient naturellement des anticorps, la durabilité de cette réponse immunitaire au-delà de six mois est longtemps restée une inconnue. Mais ici aussi de nouvelles études peuvent nous éclairer.
Une cohorte prospective portant sur du personnels de santé britannique (NHS), publiée dans le Lancet, a montré un risque inférieur de 84% après une infection naturelle d'une durée d'au moins 7 mois. Un rapport de Dublin publié en janvier de cette année a passé en revue 11 grandes études de cohorte et a mis en évidence que cette immunité naturelle durait au moins 10 mois.
Des chercheurs américains ont également réaliser une découverte qui prête à l’optimisme, puisque leurs données laissent penser que l’immunité naturelle après infection au Covid-19 pourrait durer bien plus longtemps qu’on ne le pense, c’est-à-dire jusqu’à vingt mois.
En effet, en observant les anticorps anti-spike de 1 580 adultes non vaccinés mais précédemment infectés, ils ont noté que ces derniers ont été détectés chez 99 % de ces personnes, et ce jusqu’à vingt mois après l’infection. Bien que leur efficacité et performance reste à évaluer, la présence de ce type d’anticorps (anticorps de type anti-RBD pour être précis), qui forment la première ligne de défense contre le SARS-CoV-2, est donc une bonne nouvelle et prolonge les données précédentes sur la puissance de l'immunité naturelle.
Ces données quantitatives comme qualitatives mettent à mal certaines idées simplistes, comme celles consistant à dire qu'une infection naturelle n'offrait qu'un court répit en terme de protection ; un des arguments notamment mis en avant par les pouvoirs publics pour justifier en France du passage de six à quatre mois de la validité des certificats de rétablissement.
À l’heure où la moitié des Français auraient été contaminés par le Covid-19 depuis le début de la pandémie, et où de plus en plus de citoyens ont été infectés par le variant Omicron, moins symptomatique mais plus contagieux, ces données poussent à l’optimisme, car elles signifient que nous sommes possiblement de plus en plus nombreux à avoir développé cette immunité naturelle, apparemment plus viable sur le long terme que celle conférée par les vaccins.
Sources
"SARS-CoV-2 infection rates of antibody-positive compared with antibody-negative health-care workers in England: a large, multicentre, prospective cohort study (SIREN)"
Lancet. avril 2021
“Protection against the Omicron Variant from Previous SARS-CoV-2 Infection”, New England Journal of Medicine, 9 février 2022
"Risk of Reinfection After Seroconversion to Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 (SARS-CoV-2): A Population-based Propensity-score Matched Cohort Study", Clin Infect Dis, Mars 2022
Communiqué de la Société européenne de microbiologie clinique et de maladies infectieuses, 10 février 2022.