Élise Kuntzelmann
J’ai vécu durant quarante ans imprégné d’un fort sentiment de timidité et d’anxiété, sans réellement savoir pourquoi. Pendant très longtemps, j’ai cherché des solutions. D’abord, à travers la préparation mentale dans le sport que j’ai pratiqué à haut niveau, puis à travers les neurosciences. J’ai exploré la neurobiologie, en particulier ce qui a trait au système nerveux autonome. J’ai pris conscience que je vivais en permanence en insécurité, un peu comme s’il y avait une alarme en moi, m’intimant continuellement d’aller me cacher. C’est aussi à ce moment-là que j’ai découvert que 85 % des gens vivaient en insécurité et adoptaient des comportements différents pour pouvoir l’exprimer, que ce soit le repli, la fuite ou le combat. Ce cheminement m’a permis de sortir de mon état et d’accompagner les personnes désireuses d’emprunter cette même voie. Aujourd’hui, je suis coach formateur pour le grand public. Je forme également des médecins, des psychologues qui souhaitent ajouter cet aspect " bien-être " à leurs soins.
Un peu par hasard. Je suis un ancien asthmatique. La respiration est quelque chose de central pour moi. Je me suis donc formé à la cohérence cardiaque. Or, la stimulation cardiaque a une influence sur notre système nerveux autonome, en particulier sur notre nerf vague. C’est l’une des étapes qui m’a ouvert les yeux sur le fait qu’il est capital de réguler son système nerveux par la respiration. Cela m’a profondément apaisé. Un ami m’a fait part du passage en France de la thérapeute américaine Deborah Dana dans le cadre d’une formation sur le nerf vague. Je me suis senti appelé pour aller plus loin dans la connaissance de ce mécanisme instinctif de régulation qui est au fond de chacun de nous.
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Un rappel anatomique : le système nerveux est composé du système nerveux central (encéphale et moelle épinière) et périphérique. Le système périphérique est la partie du système neveux qui se trouve à l’extérieur du système nerveux central. Il est constitué du système nerveux somatique (qui dirige les mouvements volontaires du corps, ceux que nous contrôlons, telle la marche) et du système nerveux autonome (qui dirige les fonctions involontaires du corps, celles que le corps contrôle de lui-même, telles la respiration et la digestion).
Il existe deux branches dans notre système nerveux autonome : la branche sympathique, qui joue un rôle d’accélérateur de notre organisme, et la parasympathique qui, au contraire, freine notre corps. Le nerf vague, chef d’orchestre du parasympathique, démarre au niveau de notre tronc cérébral et est connecté à tous nos organes. Il assure la communication entre notre cerveau et notre corps.
Des études ont montré que 80 % des informations transitent du corps vers le cerveau via le nerf vague, contre seulement 20 % dans le sens inverse. Le nerf vague a donc une énorme influence sur notre cerveau à travers les messages qu’il peut lui apporter. S’il n’a pas un bon tonus et n’est pas assez entraîné, la communication ne se fait pas bien dans le corps. Cela nous plonge dans des états d’insécurité et explique notre incapacité à revenir au calme, à être lucide, à créer du lien avec les autres.
Oui. Ici, il faut entendre le mot "théorie " dans le sens de quelque chose qui se répète, sans pour autant être mesurable. La théorie polyvagale a été développée dans les années 1990 par le Dr Porges. Il a mis en évidence le fait que dans la branche parasympathique du système nerveux autonome, le nerf vague est composé du vagal dorsal et du vagal ventral, avec diverses manières de répondre à l’insécurité. Le vagal dorsal me fige, m’inhibe pour ne pas prendre trop de risques et rester au chaud dans ma grotte ; le vagal ventral m’indique que je suis en sécurité, que je peux créer la vie de mes rêves en lien avec les autres, le monde et moi-même. C’est cette partie que l’on amène les gens à entraîner, pour développer leur sentiment de sécurité et être à la hauteur de leurs peurs. Au vagal dorsal et ventral, la théorie polyvagale ajoute deux états : le sympathique fuyant qui me protège de mes souffrances en me racontant des histoires pour me distraire de ce qui est douloureux ; le sympathique agressif qui me protège par la force, l’énergie pour ne pas me laisser faire, me faire avoir.
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Le nerf vague est déterminant dès la naissance car il définit notre capacité à nous sentir en sécurité ou non. En venant au monde, on apprend à créer une relation aux autres, à ce qui nous entoure. Notre système nerveux va employer des moyens différents pour nous protéger, qu’il s’agisse de la fuite, du combat, de l’inhibition ou de la sécurité. Si l’une de ces réactions est souvent répétée, elle deviendra notre état dominant, aussi appelé réflexe vagal. On ne prendra plus le temps de savoir qu’elle est la réaction la plus adaptée. On adoptera notre réaction " préférée ". Certaines personnes à tendance colérique vont réagir très rapidement alors qu’elles ne sont pas en danger. C’est leur manière à elles de se protéger. D’autres personnes, et c’était mon cas avant, vont réagir comme s’il y avait un grand danger et se cacher, ne pas parler. L’idée de travailler sur le nerf vague est d’apprendre à reconnaître ses états de survie et d’adopter le plus adapté, pour ne pas subir ses états conditionnés.
Il s’agit d’un guide sur lequel s’appuyer, pour pouvoir entraîner son nerf vague. La méthode des 4R permet dans un premier temps, avant de chercher des solutions, de reconnaître l’état, en se connectant à son corps. Le second R est celui qui vise à respecter l’expérience et qui a pour fonction de me protéger. Une fois que l’on a reconnu et respecté, on va pouvoir, doté d’une plus grande conscience, recourir à un exercice, une ressource (le troisième R), destinée à activer le vagal ventral. Une fois en sécurité, on peut passer au quatrième R qui consiste à revisiter et à recréer. Dans cet espace de sécurité, on trouve plus facilement des actions à mettre en place. On ne cherche donc pas des solutions pour résoudre des problèmes mais plutôt pour se mettre en sécurité. État dans lequel on les résout mieux.
Ce sont des exercices que le corps sait faire. Comme il a été tellement dérégulé, il faut faire le travail pour lui. Je propose quatre portes d’entrée afin que chacun trouve les exercices lui convenant le mieux. L’objectif est de s’entraîner régulièrement pour utiliser le mieux possible les exercices lors d’un moment compliqué. Tout d’abord, l’aspect physiologique qui repose sur de la respiration et de la cohérence cardiaque. Ensuite, l’aspect physique a pour but de libérer le corps de ses tensions. Plus le corps en est libéré, plus il a d’énergie disponible pour sa survie. L’ostéopathie, le yoga, les Pilates amènent le corps vers un état de détente, de flexibilité, de fluidité qui évite les figements, qui sont souvent des signes d’insécurité. Puis je conseille de travailler l’esprit, par le biais de la méditation. Cette pratique offre la possibilité de faire l’expérience de figement sans peur, d’observer son insécurité et de revenir au calme. Enfin, le dernier aspect est le mental. On peut se servir de la visualisation. À tout moment, en convoquant des souvenirs joyeux, je peux me réguler et revenir au calme.
Bien sûr, il n’est pas nécessaire de pratiquer tous ces exercices pour obtenir un résultat. Ce qui prime est de créer un plan d’entraînement pour avoir un meilleur tonus vagal. Ainsi, en cas d’insécurité je pourrai mieux répondre à la situation.
On peut utiliser son quotidien comme laboratoire d’entraînement pour ces exercices. Au fur et à mesure de la pratique, on reprogramme notre système nerveux pour qu’il s’adapte mieux à la situation.
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* Nerf vague, adieu stress, anxiété, timidité, éd. Eyrolles, 222 p., 19,90 €.