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Christophe de Jaeger : "Prenez soin de votre capital santé"

L’âge physiologique de notre organisme est déterminant. Il est le reflet réel de notre capital santé et il est possible de l’améliorer. Médecin gérontologue et chercheur spécialisé dans le vieillissement du corps humain, Christophe de Jaeger revient pour cela à la base : bien s’alimenter et s’astreindre à une activité physique quotidienne.

La rédaction

Comment en êtes-vous arrivé à vous passionner pour le vieillissement humain ?

C’est une passion qui remonte à mon adolescence et du constat que j’ai fait lorsque j’avais 15 ans, qu’il y avait des jeunes de 70 ans et des vieux de 50. Cette réalité a toujours été quelque chose de très gênant pour moi et j’ai voulu comprendre ce qui pouvait générer de telles différences et inégalités entre les individus.

De quelle manière avez-vous répondu à vos interrogations ?

J’ai choisi d’étudier la médecine, puis la gérontologie, cette spécialité qui s’occupe du vieillissement. Je me suis très vite aperçu que la gérontologie proposait des réponses insuffisantes car elles ne s’occupent finalement que des pathologies touchant les individus dans la dernière partie de leur vie.

Alors que pour moi l’enjeu était justement de ne pas arriver à ces extrémités. C’est pour cette raison que j’ai préféré rebasculer vers la faculté des sciences où j’ai, en laboratoire, fait beaucoup de cultures cellulaires et travaillé sur l’immortalisation cellulaire. Parallèlement, j’ai créé l’Institut de la longévité, qui s’est spécialisé dans l’évaluation de l’âge physiologique des gens.

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Qu’y étudiez-vous concrètement ?

Nos travaux portent sur ce qui a trait à la caractérisation du vieillissement d’organes. Autrement dit à la façon de déterminer et de suivre l’âge physiologique d’une artère, d’un cœur, d’un cerveau, etc. On ne peut évidemment pas parler de médecine de la longévité sans ce type d’évaluation. De la même manière que l’on ne peut pas parler de diabétologie sans connaître le taux de sucre dans le sang.

Toutes les spécialités médicales se sont toujours développées autour de technologies d’investigation ou de mesures. Comme cela n’existait pas en ce qui concerne la longévité humaine, il a fallu développer un plateau technique destiné à mesurer l’état fonctionnel de nos différents systèmes et donc à évaluer avec précision l’âge physiologique.

L’âge physiologique est l’âge réel du corps. À 50 ans, on peut avoir les os d’une personne de 70 ans. Cette information permet d’avoir la vision d’une réalité. Et cette réalité permet d’agir pour améliorer la densité osseuse par des choses très simples mais qui nécessitent d’adapter son alimentation et son activité physique, notamment pour augmenter sa masse musculaire. Avec de la motivation, vous constaterez sans doute un an plus tard que cette ostéoporose se sera stabilisée, voire améliorée.

Vous proposez une autre évaluation de l’évolution de son capital santé…

L’idée est d’essayer de se comparer à ce que l’on était cinq ou dix ans auparavant. C’est ce que je demande à mes patients en consultation. Ils me répondent par exemple, qu’il y a dix ans ils étaient capables de monter cinq étages sans s’arrêter ou jouer au tennis pendant une heure ou deux. Ce sont des tas de petits exemples de la vie quotidienne qui laissent voir qu’en fait notre corps et notre esprit se dégradent. Ce constat établi, la première réaction à avoir est d’aller voir son médecin traitant, en lui disant que l’on se sent beaucoup moins bien qu’il y a dix ans… Si le médecin est attentif, il fera consciencieusement son examen médical et engagera des analyses complémentaires. Ensuite, il pourra délivrer des conseils parce que, en ce qui concerne le vieillissement général, tout ce que l’on ne fait plus, on ne sera plus capable de le faire.

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Quelles seraient vos recommandations pour améliorer la situation ?

Dans mon livre, je donne dans un premier temps des recommandations pour mieux s’évaluer puis, dans un second temps, des exercices visant à progresser. D’abord, modestement, on peut essayer de marcher un kilomètre d’un bon pas. Si l’on est essoufflé, on recommence le lendemain. Le surlendemain, on marche un peu plus loin. L’important étant de progresser. De plus en plus de gens, à partir de 50 ans, sont sarcopéniques, c’est-à-dire qu’ils manquent de muscles.

Ceci parce qu’ils vivent de manière sédentaire, s’alimentent de moins en moins en protéines, et qu’avec l’âge, les niveaux hormonaux baissent. Mais il y a un exercice très simple, qui ne coûte rien et que tout le monde peut faire : le gainage. Si tous les matins vous faites la planche, jusqu’à arriver à une minute cinq fois de suite, cela aura un impact très fort sur votre masse musculaire. Car en augmentant votre masse musculaire, vous augmenterez par là même votre densification osseuse.

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Quid du cardio-training ?

L’objectif est, à travers le cardio-training, de faire un effort en continu afin d’augmenter sa fréquence cardiaque à un certain niveau qui dépend de votre âge, mais également de votre état général. Cet effort peut se faire par le biais de la marche rapide, du vélo, voire de la natation. Toujours en commençant par ce que l’on est capable de faire, et en progressant grâce à la régularité. Toute volonté de se mettre ou se remettre au cardio-training impose une consultation médicale préalable à la recherche de contre-indications.

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Quel rôle joue l’alimentation ?

Selon moi, le principal souci est que l’on mange trop et trop sucré. Il est très frappant de constater que nombre de personnes sont en situation de prédiabète ou de diabète et ne s’en rendent pas compte. Plus on avance en âge, plus cette situation est fréquente. Qu’ils soient rapides ou lents, les sucres abîment l’organisme car ils sont à l’origine d’un des mécanismes importants du vieillissement : la glycation. Votre médecin peut vous prescrire un examen facile à faire, qui coûte une trentaine d’euros, que l’on appelle une hémoglobine glyquée. Il reflète deux mois de glycémie dans votre corps.

Vous évoquez des pistes d’avenir telles que la reprogrammation des cellules âgées, le resvératrol… Quelle place tiennent ces éléments dans le " bien vieillir ", car cela semble plus compliqué que ce que vous venez de décrire ?

Oui, c’est plus compliqué, et cela s’inscrit dans la notion de rêve nécessaire aux êtres humains. Nous sommes capables de faire des choses extraordinaires. Nous sommes capables d’immortaliser des cellules, plus précisément de modifier de petites structures vivantes pour faire en sorte que la sénescence, ou vieillissement négatif, n’ait plus d’action sur elles. Nous sommes capables de reprogrammer des cellules en agissant sur leur ADN. Si nous nous en tenons aux boîtes de Pétri (NDLR : ** Récipients utilisés en microbiologie pour la mise en culture de micro-organismes, etc.) , c’est très bien mais chez un être humain, tout est plus complexe et plus dangereux.

Le resvératrol est une substance très intéressante pour la santé cardio-vasculaire. Elle se trouve notamment dans le vin rouge. Pour qu’elle compense certains effets négatifs du vieillissement, il faudrait boire des dizaines de litres de vin rouge tous les jours… ce qui poserait d’autres problèmes évidents. L’équation n’est donc pas la bonne. Si l’on mise sur des compléments alimentaires riches en resvératrol, cela ne permettra pas de corriger une espérance de vie. En résumé, ces petites choses peuvent apporter un petit bénéfice, mais il demeure très limité.

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Parmi les pistes que vous citez, il y a aussi le rallongement des télomères…

Pour ce qui est des télomères, ces petites capsules au bout des chromosomes, certaines équipes de chercheurs ont trouvé des molécules capables de stimuler leur rallongement… Pour mémoire, les télomères sont l’équivalent d’une horloge cellulaire : quand ils raccourcissent, la cellule commence à dysfonctionner, et quand il n’y en a plus, la cellule soit s’arrête et meurt, soit se transforme en cellule cancéreuse. La recherche s’enflamme sur ces thématiques parce que c’est une piste d’avenir pour pouvoir espérer, un jour, maîtriser le vieillissement. Mais on ne fera jamais l’économie de manger correctement et d’avoir une activité physique.

Quand certaines personnes me disent préférer prendre du resvératrol plutôt que de limiter leur consommation en sucre, elles sont dans l’impasse. Il faut s’astreindre à une hygiène quotidienne pour conserver son organisme dans le meilleur état possible. Si l’on veut garder sa voiture en bon état, il ne faut pas la conduire n’importe comment, ni lui mettre n’importe quoi dans le réservoir.

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