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Après un AVC : la technique du miroir pour remodeler votre corps

  • Après un AVC : la technique du miroir pour remodeler votre corpsAprès un AVC : la technique du miroir pour remodeler votre corps
Article paru dans le journal nº 4

Cette méthode étonnante permet d'effacer la douleur fantôme d'un membre amputé, de supprimer le syndrome algodystrophique ou de rééduquer un membre paralysé. Elle s'appuie sur les travaux du Docteur Vilayanur Ramachandran, neurobiologiste, directeur du centre de recherche sur le cerveau et la cognition à l'université de San Diego Californie.

Les travaux du Docteur Vilayanur Ramachandran sur des syndromes neurologiques tels que le membre fantôme chez l'amputé et l'algodystrophie ont démontré que la souffrance du membre était corrélée à une réorganisation corticale. D'où cette technique toute bête dite "du miroir". Le but de l'exercice est de désapprendre au cerveau la perception de la lésion grâce à une réalité virtuelle. On crée l'illusion virtuelle que l'amputé a récupéré son membre et que le patient atteint d'algodystrophie a retrouvé un bras ou une jambe normale, mobile et sans douleur, et cela grâce à l'utilisation d'un miroir. C'est à faire chez soi ? il n'est nul besoin d'une assistance médicale puisque ce n'est pas dangereux, et enfin...c'est gratuit !

Application pour un bras amputé

Le patient doit se placer côté amputé contre le mur juste à côté d'un miroir mural. S'il s'agit du bras gauche, il voit donc dans le miroir le reflet de son bras droit, donnant l'illusion que c'est son bras gauche.

1 - On lui demande alors de rapprocher sa main du miroir, et même de toucher le miroir, ce qui donne l'impression que les deux mains gauche et droite se touchent.

2 - On lui demande ensuite d'effectuer à courte distance de la glace des mouvements des doigts et des poignets : ouvertures, fermetures des doigts, flexions-extensions des poignets, cercles des poignets, rotations des avants bras - cela donne une sensation de synchronicité des deux mains

3 - On demande ensuite au patient d'écarter sa main du miroir de façon à ne plus avoir que son bras gauche du miroir dans son champ de vision. Tout en faisant les mouvements du bras droit, il doit imaginer qu'il en donne l'ordre uniquement au bras gauche.

Puis le patient recommence les 3 étapes plusieurs fois. Au cours de ces exercices, la vision et la conscience du corps s'opposent et finissent par perturber le cerveau. Au retour visuel direct le patient à l'impression que son membre fantôme bouge.

Application pour une jambe amputée

C'est le même exercice mais cette fois il convient de l'effectuer couché en plaçant le miroir d'une façon adéquate pour cacher la jambe amputée et voir le reflet de la bonne jambe.

Application à l'algodystrophie

Cette complication douloureuse est devenue très courante de nos jours suite à des fractures ou des entorses. La médecine n'offre guère de solutions efficaces, ce qui fait que cela peut entrainer de longs mois de souffrance et d'invalidité partielle. La technique est la même que précédemment. Bien que les résultats s'observent immédiatement, les répétitions des exercices doivent être quotidiennes afin que le résultat perdure. Il faut compter 15 jours à 3 semaines pour un résultat durable.

Lire aussi Algodystrophie : quelles sont les approches complémentaires ?

Quelques tentatives d'explications scientifiques (pour les esprits curieux)

1 - Le contrôle des mouvements volontaires vient du cortex moteur primaire situé dans le lobe frontal, en avant de la scissure de Rolando. Il s'occupe surtout des mouvements simples. Le Cortex prémoteur, aire motrice complémentaire en avant du précédent est chargé de savoir-faire plus complexes et transmet des instructions précises au cortex moteur primaire. Les influx nerveux cheminent dans la moelle épinière jusqu'aux muscles côté opposé du corps et le mouvement s'effectue. Ordre ? aire motrice complémentaire ? cortex moteur ? muscles ? mouvement Une fois le signal envoyé aux muscles, une boucle de rétrocontrôle est activée et informe le cervelet et les lobes pariétaux (deux autres aires importantes du traitement) que l'ordre est exécuté. Le cervelet et les lobes pariétaux comparent l'intention et l'exécution. Dans le cas du membre fantôme, quand le patient décide de bouger son membre fantôme dans le miroir, les aires frontales motrices ne savent pas que le membre manque bien que le sujet le sache. Les ordres de bouger sont ressentis comme des mouvements car contrôlés par le lobe pariétal, siège du cortex sensitif contenant notre image du corps (Homonculus de Penfield).

2 - Autre explication tirée des travaux de Shaun Gallagher, professeur de Philosophie sur l'image du corps et le schéma corporel : Le schéma corporel permet à chacun de nous d'ajuster automatiquement les mouvements de son corps à son espace : c'est une notion issue de la physiologie, liée à la motricité qui opère sous le niveau de la conscience et qui nous permet d'avoir une connaissance implicite du corps dans l'espace. L'image du corps est une représentation complexe qui comprend des états de différentes origines : perceptions, souvenirs, croyances, émotions. Elle est consciente et nous permet d'avoir une représentation langagière de notre propre corps. Une amputation ou une blessure peuvent provoquer un décalage entre l'image du corps et le schéma corporel. L'image du corps se modifierait plus vite et la persistance du schéma corporel tel qu'il était avant l'accident serait une des causes de l'existence de la douleur. Le miroir permet de modifier ce schéma corporel à l'aide du feedback visuel.

3 - Voici une des dernières hypothèses sur la genèse du membre fantôme : Il se crée une colonisation, un « remapping » neuronal dans l'aire somatosensorielle. La zone de l'aire correspondant au membre amputé n'est plus normalement stimulée par les nerfs périphériques. De ce fait, les zones adjacentes, qui correspondent à d'autres parties du corps, colonisent la zone laissée sans stimulation. La colonisation serait ralentie par l'apport du feedback visuel positif. Dans les cas de greffe de mains, les douleurs présentes avant l'intervention disparaissent, le cerveau est capable de restaurer l'engramme neural qu'il avait avant l'amputation. Ainsi Mr Ramachandran gratte la joue d'un patient amputé de la main et la douleur diminue. Il faut se référer à la cartographie de l'homonculus pour trouver la zone sous-jacente à stimuler. Il a utilisé cette technique sur des patients atteints d'algodystrophie de la main (en grattant la joue et le moignon de l'épaule) ou du pied (en grattant le segment jambier).

NOTA : Il peut paraître invraisemblable d'envisager que l'on puisse utiliser une illusion visuelle pour éliminer perception sensorielle construite dans notre cerveau?..et pourtant, les résultats sont là !

Application à une paralysie ou aux séquelles d'AVC

Le cas d'application le plus classique est celui d'une séquelle d'AVC, avec toutes les chances que ça marche en quelques mois. Les exercices sont toujours les mêmes que plus haut. Mais dans le cas d'un traumatisme d'accident ou d'une rupture de moelle épinière, cela ne pourrait pas fonctionner puisqu'il y a une rupture de la chaine nerveuse. Dans ce cas, la meilleure des choses à pratiquer 2 à 3 fois par jour ? ou plus - est une visualisation courte mais très claire (1 mn ou 2) de la réparation du site, en s'aidant d'un schéma anatomique si nécessaire. Je n'invente rien, c'est la méthode Simmonton qui existe depuis des décennies. Mais attention, il faut de la pugnacité : un tel chantier de restauration ne se fait pas en un jour, mais nécessite souvent des mois ? ce n'est pas Lourdes?.

Lire aussi Travailler plus pour gagner… un AVC ?

Deux exemples vécus : ils l'ont fait !

Mireille A. 32 ans, s'est présentée dans un de mes ateliers avec une main paralysée suite à un accident de voiture qui l'avait envoyée dans le pare-brise ; le nerf radial de son avant bras a été sectionné, et présentait une rétraction de 17 cm, il était inopérable. Suite à mes directives, elle a effectué quotidiennement les séances de visualisation. Le nerf a repoussé comme une racine et a mis 6 mois pour refaire la jonction. Un an après, elle refaisait de la varappe, son sport favori.

Bruno Z. 22 ans est arrivé dans un autre atelier en marchant de la manière robotique des handicapés moteurs. Je lui demandai ce qu'il lui était arrivé, et il me répondit laconiquement : - « rupture de la moelle épinière ». Sidéré, je lui ai rétorqué : - « Et vous marchez ??? » Il me dit alors : - « Cà a pris 9 mois (comme un accouchement) ? j'ai décidé que je marcherais à Noël, et je l'ai fait?.. » - « Mais qu'avez-vous donc fait ? » - « J'ai fait reconnecter les deux bouts en vision intérieure tous les jours, tous les jours, pendant 5 min plusieurs fois ? et la moelle a repoussé millimètre par millimètre?. ».

C'est la même recette ? Mais CHAPEAU ! Ce que Mireille et Bruno ont fait, je pense que n'importe qui peut le faire, car nous avons ce pouvoir en nous ? mais encore faut-il s'accrocher ! Il est d'abord nécessaire d'y croire sans faille, et aussi faire preuve de beaucoup de patience et de ténacité.

Plutôt que rester handicapé à vie, cela ne vaut-il pas le coup d'essayer ?

 

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