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L’alimentation anti-cancer, anti-inflammatoire et contre les maladies auto-immunes
Oui, l’alimentation anti-cancer existe. Popularisée par les livres de David Servan-Schreiber, on pensait tout savoir à son sujet : thé vert, ail, antioxydants, curcuma… Le dernier ouvrage du Dr Jean-Christophe Charrié expose de façon pédagogique de nouvelles informations parfois surprenantes ou contre-intuitives, y compris pour les chevronnés des médecines naturelles. Le Dr Charrié est médecin généraliste depuis une vingtaine d’années. Il exerce et enseigne l’endobiogénie, médecine holistique et intégrative en plein essor. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous livre les grandes clés de son approche.
La pratique médicale de l’endobiogénie, enseignée par le Dr Charrié, est faite de bon sens : « C’est une discipline médicale qui exploite les mécanismes d’auto-réparation du corps. Cette médecine intègre la tradition dans la science et propose une lecture des données physiologiques de l’organisme. En médecine, on apprend surtout la physio-pathologie, c’est-à-dire comment le corps tombe malade. Or, comprendre la physiologie dans sa complexité, c’est-à-dire le fonctionnement du corps quand il va bien, permet souvent d’éviter la maladie ou, en cas de pathologie, de revenir vers un état de santé. »
L’endobiogénie : médecine de l’auto-régénération
La maladie témoigne d'un déséquilibre, qui est le meilleur équilibre qu’a trouvée le corps pour fonctionner jusqu'au jours présent, explique le docteur Charrié. La vie est, comme on le sait, faite d’adaptations permanentes : agressions en tout genre (chimiques, virales, bactériologiques…) et sollicitations positives ou négatives obligent le corps à répondre à ces stimuli en permanence, y compris parfois dans l’immédiateté et pour sa survie. Ces réactions d’adaptation répétées au long cours épuisent le corps et peuvent installer des maladies chroniques ou dégénératives.
C’est pourquoi, face à une personne malade, il est fondamental d’après lui de se poser les bonnes questions: « Pourquoi en est-elle arrivée là ? Quelle est son histoire, quel chemin a-t-elle emprunté pour en arriver à cet état de déséquilibre? Et bien entendu, compte tenu de cela, comment ramener cette personne à un état d’équilibre fonctionnel ? ».
Cancer : que l’aliment soit ton premier médicament
Sa philosophie préventive et globale de l’individu accorde une place vitale à la médecine allopathique dans le traitement de certaines affections. Comme il l’explique, « l’état de déséquilibre du corps est parfois tellement avancé que le pronostic vital à court ou moyen terme est engagé. Il convient alors de se substituer à un organisme incapable de revenir à l’équilibre de lui-même : c’est ici que s’avère utile la médecine allopathique telle qu’on la connaît ». L’endobiogénie fait donc appel à des remèdes allopathiques lorsqu’ils sont nécessaires, tout en donnant à l’organisme la chance de mettre en place ses propres mécanismes d’auto-réparation. Mais plus on pratiquera la médecine préventive, moins il sera bien sûr nécessaire de se substituer au corps en urgence avec de l’allopathie.
Les traitements utilisés en endobiogénie sont « physiologiques, informatifs, répétitifs» explique-t-il. Nul hasard, donc, si l’alimentation figure pour l’endobiogénie au rang des outils majeurs pour le retour à la santé en cas de cancer : « C’est une information que l’on envoie au corps trois fois par jour. Elle joue donc un rôle préventif et curatif très important. En y ajoutant éventuellement un complément de plantes médicinales, on accompagne l’organisme pour qu’il n’aille pas vers la maladie. »
Faut-il éradiquer totalement les sucres en cas de cancer ?
On le sait, les cellules, notamment cancéreuses, consomment énormément de glucose. « Notre organisme est très gourmand en glucose, c’est un héritage du Paléolithique, une nécessité pour notre survie. Tout ce que l’on mange se transformera en glucose, même les lipides, car l’énergie du corps provient du sucre », rappelle le Dr Charrié.
Si le glucose est un élément vital, nous en consommons aujourd’hui trop, car il est présent comme additif un peu partout dans l’alimentation. Peu cher et boostant l’appétence, il est partout ajouté dans les plats préparés et produits de grande consommation par les groupes industriels. C’est également un conservateur : historiquement, si l’on a fait des confitures, c’est pour pouvoir conserver le fruit tout au long de l’hiver.
L’appétence sucrée spécifique des personnes victimes de cancer s’explique par le besoin des cellules cancéreuses de se nourrir. C’est également un besoin de réconfort envoyé au cerveau, mais qui n’est pas bénéfique à la guérison. Il faut donc trouver le juste équilibre entre ses besoins et ses pulsions, tout en accordant de la place au plaisir et au réconfort qu’offre la nourriture.
Le premier réflexe simple pour les personnes avec un historique de cancer ? N’acheter que des produits comportant la mention « sans sucres ajoutés ». Ensuite, il est possible de négocier avec les différentes qualités de sucres disponibles afin de s’accorder quelques plaisirs sucrés. Car si vous adorez le sucre, la frustration de devoir le supprimer totalement pourrait s’avérer trop forte, générant en retour des pulsions difficilement contrôlables. De ce point de vue, autant faire preuve de réalisme et anticiper. Le docteur Charrié propose ainsi dans son ouvrage quelques compromis pour les personnes à la dent sucrée : utiliser du fructose (sucre naturel des fruits qui ne relance pas la production d’insuline, mais peut néanmoins ballonner) reste selon lui une solution temporaire acceptable.
Par contre, il recommande d’oublier totalement les produits allégés ainsi que ceux à base de stévia : « Ces produits réagissent dans le corps comme l’aspartame : on leurre le corps avec le goût du sucre, mais sans en apporter. Le pancréas reçoit ainsi via le cerveau l’information de l’arrivée du sucre, il se prépare physiquement à l’arrivée d’un sucre qui ne viendra pas. Cela crée des déséquilibres organiques à long terme. »
Il propose à la place l’utilisation modérée de sirop d’agave ou du miel foncé (plus épais et plus riche en fructose que le miel clair). Ce sont les deux produits sucrants qui représentent d’après lui le meilleur compromis.
Maladies inflammatoires et cancers : quels liens ?
Bien manger pendant un cancer n’est pas du tout réductible à une histoire de calories, de quantité de lipides, de protéines ou de glucides. C’est aussi, du point de vue de l’endobiogénie, une affaire de sens global de l’aliment, et de son effet à long terme sur le corps : « Lors d’une chimiothérapie, la dénutrition est un problème réel. La tentation est donc grande de conseiller aux patients de se faire plaisir, pour éviter la dénutrition, mais cela peut mener à des aberrations alimentaires. Il y a vraiment selon moi un type d’aliments à éviter », affirme le Dr Charrié. Au premier rang de ces aliments, les aliments pro-inflammatoires, car les mécanismes de l’inflammation et de la cancérisation se nourrissent mutuellement.
Voici les conseils du Dr Charrié pour mettre en place une alimentation anti-inflammatoire :
- Proscrire les produits laitiers. De temps en temps, il est possible de manger un peu de beurre cru, non pasteurisé. Remplacer le beurre par la margarine n’est pas une bonne idée, car ce sont des graisses hydrogénées, oxydées, qui aggravent l’état inflammatoire.
- Éviter le blé « moderne », dont la farine contient des protéines pro-inflammatoires (qui font lever la pâte). « Ces protéines enflamment les intestins et entretiennent l’inflammation. Une farine faite à la meule de pierre provoquera moins de problèmes, car la cellule du blé étant très solide, elle n’est pas être écrasée par la pierre », explique le Dr Charrié. Ces farines complètes sont par ailleurs fabriquées avec des grains de blé de meilleure qualité, souvent biologiques.
- Les viandes d’animaux à quatre pattes sont à proscrire. En effet, les viandes rouges (y compris le porc) contiennent des protéines facilement assimilables, qui sont autant de nutriments facilement disponibles pour les cellules cancéreuses. Ceci dit, les protéines restent importantes pour l’organisme, surtout lorsque l’on se soigne. En effet, ce sont elles qui transportent les médicaments dans le corps ! Dans ce contexte, autant apporter au corps des protéines nécessitant un travail métabolique plus long (légumineuses comme des lentilles ou des pois chiches, haricots rouges, céréales complètes, œufs…).
Alimentation et stimulation hormonale: le système endocrinien chef d’orchestre
Dans un contexte cancéreux, ne soyez pas pour autant tentés de remplacer les viandes rouges par du soja, une source reconnue de protéines. En effet, le soja apporte beaucoup d’oestrogènes, l’hormone de construction et de restauration des cellules dans l’organisme à l’âge adulte. En excès, ces oestrogènes pourraient favoriser la croissance des cellules tumorales, et pas uniquement en cas de cancers dits « hormono-dépendants ».
Le concept de perturbateur endocrinien peut ici se transposer à l’alimentation : ce n’est pas toujours la dose qui fait le poison, mais plutôt la répétition de la dose, l’exposition quotidienne à de toutes petites quantités. L’endobiogénie préconise donc de se passer de tous les aliments ayant un effet activateur du système hormonal en général. Sont compris dans cette liste :
- Aliments riches en molécules œstrogène-like. Le soja, mais aussi la sauge, le cerfeuil, le fenouil, le houblon, le safran, l’alfalfa (graine germée).
- Aliments qui stimulent la thyroïde (type algues de mer) et le métabolisme, car la thyroïde à un rôle d’activation du métabolisme. « Tout ce qui active le fonctionnement de cette glande est à éviter, notamment ces plantes dites adaptogènes que l’on préconise souvent aux personnes fatiguées : le gingembre, le ginseng et l’éleuthérocoque. Enfin, une contre-vérité que l’on a vue partout : même si l’ail contient effectivement des molécules anti-cancer, en tant que condiment il a un impact global stimulant sur la thyroïde. Ce n’est donc pas un aliment à privilégier, au contraire », explique le Dr Charrié.
Le jeûne, une solution pas adaptée à tous
Puisqu’une partie de l’approche endobiogénique consiste à ralentir le métabolisme en cas de cancer, le jeûne pourrait-il offrir une réponse intéressante aux malades ? Plusieurs études scientifiques publiées ces dernières années suggèrent en effet qu’affamer les cellules cancéreuses est une solution pouvant améliorer les chances de guérison. Le Dr Charrié nuance fortement cette croyance d’un jeûne favorable à tous : « Faire jeûner un organisme déjà agressé par la maladie, par des traitements lourds, sans préparation, peut être vécu comme une agression supplémentaire par le corps. Tout ce qui agresse le corps lui demande une adaptation, qui mobilise beaucoup et parfois trop d’énergie. ».
Il ajoute : « Les études qui prouvent les bénéfices du jeûne sur les cancers sont faites sur un certain panel de patients, avec des critères d’inclusion précis dans l’étude. On ne peut pas extrapoler ces résultats, même positifs, à toute une population. On en revient toujours à l’idée qu’il est essentiel d’adapter l’approche à chaque cas particulier, par un accompagnement et un suivi médical. Comme alternative au jeûne, les monodiètes (repas préparés avec un aliment unique et adapté à la personne NDLR) sont une solution plus douce pour le corps. »
Se méfier de certains compléments alimentaires
On a souvent un a priori positif sur les traitements à base de plantes en cas de cancer, du fait de leur connotation naturelle et saine. Et de fait, chaque année paraissent des centaines d’études encourageantes, démontrant l’impact majeur de telle ou telle molécule végétale sur tel ou tel type de cancer. À rebours de cette lecture strictement moléculaire, le Dr Charrié propose également ici une lecture plus nuancée des plantes à conseiller en cas de cancer, et remet en question certaines de nos idées reçues.
En effet, en passant d’une logique moléculaire (qui isole tel ou tel composant d’une plante) ou symptomatique (telle plante fonctionne sur tel effet secondaire) à une logique en termes d’action globale d’une plante, on peut être amené à repenser les conseils donnés aux personnes atteintes de cancer.
Gingembre, thé vert, gelée royale : de faux amis ?
L’exemple de l’utilisation du gingembre sur les patients en chimiothérapie est de ce point de vue parlant : lors d’une prise en charge du cancer, le protocole de soins est très encadré, les traitements sont lourds, et les effets secondaires comme la nausée sont très handicapants. Or, de nombreuses publications scientifiques attestent l’efficacité du gingembre pour contrer les nausées provoquées par la chimiothérapie. De nombreux médecins ou oncologues proposent donc à leurs patients de prendre du gingembre pour les apaiser. Pourtant le Dr Charrié nous encourage à interroger l’effet global d’une plante avant de l’utiliser : « Le gingembre stimule dans le corps l’anabolisme, qui est le processus de croissance cellulaire. Il est donc contre-indiqué, sur un plan global, de donner du gingembre à une personne qui souffre justement d’une prolifération anarchique de ses cellules. »
Le thé vert, également, serait une fausse bonne idée selon lui, car on ne peut pas résumer le thé vert à certaines de ses molécules. « Un thé non fermenté, comme le thé vert, surcharge le foie pendant les traitements, un foie déjà bien sollicité. Par ailleurs, le thé est stimulant du système nerveux orthosympathique, ce qui n’est pas une bonne stimulation dans ce type de problématiques. Le thé rouge, ou rooibos est un bon substitut. » La meilleure façon de bénéficier des effets du rooibos, c’est d’en faire une consommation régulière, quotidienne, par exemple au petit-déjeuner.
La gelée royale est à éviter. Elle sert à répondre aux énormes besoins nutritionnels de la reine, dont la principale activité est de faire des petits, autrement dit d’encourager la multiplication cellulaire. En revanche, un autre produit de la ruche, la propolis, est particulièrement utile en cas de cancer, comme le montrent beaucoup d’études cliniques.
De la théorie à la pratique
Les conseils théoriques d’hygiène de vie sont parfois difficiles à mettre en pratique, surtout lorsque le corps comme le quotidien sont déstabilisés par la maladie. C’est pourquoi le Dr Charrié propose dans son ouvrage une culture du compromis : « Faire un écart de temps en temps, c’est possible, mais ça ne veut pas dire craquer tous les deux jours ! ».
Les conseils alimentaires précis que vous trouverez dans l’ouvrage, et les recettes pour les mettre en oeuvre, valent aussi bien pendant la phase la plus critique du cancer qu’après, en rémission, le travail sur le terrain étant indispensable pour éviter les récidives.
« Ce n’est pas un régime dont la durée serait déterminée dans le temps, mais un nouveau mode de vie, une façon de cuisiner différente à intégrer dans ses habitudes quotidiennes », résume-t-il.
Enfin, si la modification de son alimentation est fondamentale, l’endobiogénie n’oublie pas les autres facteurs qui aident le corps à s’adapter aux changements provoqués par la maladie. L’hygiène de vie globale doit évoluer vers une meilleure gestion du stress et du sommeil, ainsi que la pratique d’une activité physique régulière et adaptée.
En résumé, on évite :
• Les produits laitiers
• La margarine
• Les produits à base de farines transformées
• Les viandes d’animaux à 4 pattes
• Le soja
• La sauge, le cerfeuil, le fenouil, le houblon, le safran, l’alfalfa
• Le thé vert
• L’ail
• Le ginseng, l’éleuthérocoque, la gelée royale et le gingembre
• Les plats préparés
• Les sucreries industrielles
• Les produits allégés
• La stévia (remplacer avec modération par le fructose, le miel brun épais, le sirop d’agave)
On favorise :
• La propolis, qui est bénéfique pour l’immunité, et aussi contre les cellules cancéreuses.
• Le cassis, qui lutte contre l’inflammation et n’agit pas sur les glandes hormonales
• Les fruits rouge foncé
• Les légumes vert foncé sont plus intéressants que les jaunes ! (C’est en particulier vrai pour les poivrons.) La mâche sera plus anti-cancer que les endives.
• Les protéines végétales et les oeufs
• Le thé rouge rooibos
• Les aliments non transformés
Vous trouverez toutes ces informations de manière détaillée dans l’ouvrage, avec des menus types, des aliments à privilégier ou éviter selon les situations et la chronologie de la maladie, qu’il s’agisse de cancer comme de situations inflammatoires.
Aller plus loin :
Commander le livre :
"Les Clés de l’alimentation anti- cancer - et maladies inflammatoires, infectieuses, auto-immunes", de Jean-Christophe Charrié, Sophie Bartczak, Maryse Souffland-Groussard, éd Terre Vivante, 2017, 320 p., 23 €.
Entretien du Dr Jean-Christophe Charrié sur Radio Médecine Douce
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