Accueil Polémiques Vers une réintégration des soignants non vaccinés ?
Vers une réintégration des soignants non vaccinés ?
La Haute autorité de santé (HAS) envisage la fin de l’obligation vaccinale anti-COVID pour le personnel soignant. Ceci ouvrirait la porte à une réintégration des soignants suspendus, dont les témoignages et récits de vies émouvants ont été recueillis dans un ouvrage récent.
La Haute autorité de santé (HAS), dont les avis sont généralement suivis par le gouvernement, envisage la fin de l’obligation vaccinale anti-Covid pour les soignants. L'institution doit rendre son avis définitif fin mars. D’ici là, elle lance une consultation nationale pour « enrichir ses travaux par les contributions des parties prenantes. » À ceci près que la consultation s’adresse non aux soignants individuellement mais à leurs organisations représentatives, scientifiques, syndicales ou ordinales, qui jusqu’ici n’ont pas montré de réelle opposition à la politique sanitaire du gouvernement.
La France est à ce jour, avec la Hongrie, un des derniers pays d’Europe à maintenir une obligation vaccinale anti-Covid pour les professions du secteur santé. Récemment en Belgique s’est tenu un symposium organisé par l’Ordre des médecins autour de l’obligation vaccinale et la déontologie médicale. Les médecins initialement pro et anti-obligation en sont arrivés aux mêmes conclusions : rien ne justifie à présent d'imposer cette vaccination aux soignants, ni d’ailleurs pour aucune autre catégorie de la population. En France, l’académie de médecine recommandait, encore en décembre 2022, le maintien de cette obligation et son opposition à la réintégration des soignants suspendus.
La levée de l’obligation vaccinale ouvrirait la porte de facto à une réintégration des soignants suspendus. Un sujet épineux et tabou, dont se sont toutefois emparés depuis plusieurs mois de nombreux députés de l’opposition. Sur 130 000 suspendus au départ, difficile d’en évaluer le nombre restant (la Fédération hospitalière de France l’estimait pour sa part à 4000 environ en novembre 2022), un chiffre difficile à déterminer tant nombre d’entre eux ont « disparu dans la nature ». Beaucoup ont renoncé à leur vocation et se sont reconvertis dans d’autres métiers, d’autres sont partis exercer dans des pays voisins, d’autres encore ont fini par se faire vacciner pour payer les factures.
Un livre pour briser le silence
« Paroles de soignants suspendus », paru le mois dernier, livre une quarantaine de témoignages recueillis par Elsa Ruillère, déléguée syndicale en milieu hospitalier. Un échantillon parmi des milliers d’histoires parfois dramatiques. C’est dans l’ensemble le même schéma : un soignant dévoué, presque modèle, qui ne compte pas son temps avec les malades, sur le pied de guerre au début de la pandémie, avec une carrière qui force le respect, une expérience reconnue, un comportement irréprochable qui, pour n'avoir pas consenti à un acte médical, se retrouve du jour au lendemain traité comme un paria, désavoué par sa hiérarchie et rejeté par ses collègues.
Ce qui frappe peut-être le plus sans doute, après les applaudissements bruyants du personnel soignant au début de l'épidémie, c'est l’absence de soutien de la part de la population. Sans doute était-elle peu consciente des drames humains, peu relayés dans les médias, générés par cette décision administrative. Pour l’auteure, « il est important que les gens lisent ces témoignages pour se rendre compte de la maltraitance vécue et se mettent à leur place. » Quant aux syndicats, ont-ils failli à leur devoir ? Pas si simple. Si les directions nationales ont volontiers regardé ailleurs, de nombreux délégués locaux ont tenté de faire bouger les lignes. C’est la base, majoritairement vaccinée, fut-ce contre son gré, qui n’a pas suivi.
Cette décision politique a créé une situation inédite dans le droit, puisque contrairement à une suspension pour faute disciplinaire, la suspension des soignants ayant refusé de se faire vacciner est sans date de fin connue, sans salaire, ni droits au chômage. On leur demande même parfois de rembourser un trop-perçu, lettre d’huissier à l’appui. Pour les salariés du privé concernés, certaines décisions favorables ont été rendues par les tribunaux des Prud’hommes. Dans la fonction publique, en revanche, les tribunaux administratifs n’ont rien voulu entendre. Aucun jugement sur le fond n’a eu lieu à ce jour. Mais le temps de la justice n’est pas celui des hommes comme nous rappelle l’avocate Maud Marian, qui a postfacé l’ouvrage.
Aller plus loin
Elsa RUILLERE, Paroles de soignants suspendus, GUY TRÉDANIEL ÉDITEUR, 220 pages, 14,90€.
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