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L’électro-hypersensibilité, un syndrome isolateur

L’électro-hypersensibilité, un syndrome isolateur
Article paru dans le journal nº 43

Médecins et scientifiques sont divisés sur le syndrome d’électro-hypersensibilité : ils ne sont d’accord ni sur ses origines ni sur sa définition précise, ni même sur l’ampleur du phénomène. Une chose est sûre : ce dernier pose des problèmes majeurs aux personnes qui en souffrent, tant en termes de santé que de reconnaissance sociale. Nous vous proposons un bref état des lieux et de découvrir deux témoignages vidéos recueillis par Alexandre Pieroni auprès de personnes souffrant de ce syndrome. Des documents essentiels et pour mesurer la difficulté de leurs parcours de vie

Il y a peu de choses certaines sur l’électro-hypersensibilité. Dire que les avis divergent est un euphémisme. Le monde scientifique est très clivé sur les causes du syndrome, ses symptômes, et même sur sa réalité ! Certains en parlent comme d’une maladie imaginaire. Globalement, médecine et sciences exactes rechignent à valider un syndrome sans marqueurs identifiés ni diagnostic standardisé. Les autorités sanitaires ne savent pas trop quoi faire de ces malades sur lesquels les experts ne s’entendent pas. Même chose pour les tribunaux ou les commissions administratives. Quant aux associations qui luttent pour la reconnaissance et la prise en charge de l’électro-hypersensibilité, elles ne sont pas fédérées et peinent à se faire entendre.

Un syndrome qui varie et divise

Même les chiffres se contredisent. Combien y a-t-il de malades de l’électro-hypersensibilité en France ? Quelques milliers ou plusieurs millions, selon les experts consultés et les critères de chacun. Et à partir de quel niveau de sensibilité est-on électro-hypersensible, ou seulement électro-sensible ? Aucun consensus non plus. Pour ma part, je parle d’électro-hypersensibilité sans plus de précision, par souci d’inclusion.
Les symptômes de l’électro-hypersensibilité sont très variables : céphalées, pertes cognitives (mémoire courte, attention…), vertiges, troubles vestibulaires, acouphènes, douleurs musculaires et/ou articulaires, fatigue chronique… Ce vaste tableau clinique n’aide pas à la reconnaissance d’une maladie qui est en fait un syndrome, un état de santé prédisposant à nombre de pathologies très différentes. Tout ça va, on s’en doute, à l’encontre des préconceptions de la science de tradition positiviste : marqueurs identifiés, symptômes spécifiques, diagnostic clair… L’électro-hypersensibilité ne répond pas à ces exigences très codifiées.

Ce syndrome environnemental n’en concerne pas moins toutes les catégories sociales. Les malades que j’ai rencontrés vont de la femme de ménage au haut fonctionnaire, en passant par l’artiste bohème et le médecin père de famille. Seules deux généralités se dégagent : 75 % de femmes (à vue de nez, faute de statistiques vérifiées) et une claire majorité au-dessus des 40 ans. Mais dire que le malade type est une femme de plus de 40 ans serait abusif. Il y en a de bien moins âgés (y compris de rares cas d’enfants), et surtout il y a 25 % d’hommes.
Les causes proclamées (mais non démontrées scientifiquement) du syndrome sont les champs électromagnétiques artificiels, particulièrement ceux de la téléphonie mobile et du wifi. Certains malades très atteints ressentent même l’électricité domestique ou les ampoules fluocompactes.

Un syndrome isolateur

Or, ces technologies sont omniprésentes. Pour la majorité des gens, elles sont même des éléments indispensables du quotidien. Pour certains, il est impensable de se passer de pouvoir envoyer un texto à tout instant. Alors que les personnes ayant le syndrome d’électro-hypersensibilité tendent à se mettre en retrait de ces technologies, qu’elles ressentent comme nocives. Ce choix ou cette obligation du retrait face à la banalité du quotidien est un facteur de différenciation, de désocialisation et parfois d’isolement social. Et l’absence de reconnaissance du syndrome par les autorités sanitaires et politiques renforce le sentiment d’illégitimité et d’irrecevabilité pour l’entourage des personnes atteintes.

Timide reconnaissance

Historiquement, les premiers cas d’électro-hypersensibilité remonteraient aux années 1960, à des radaristes militaires. Mais le syndrome n’est devenu socialement visible qu’à partir de la démocratisation de la téléphonie mobile dans les années 1990. En France, le syndrome n’est pas reconnu. Il l’est en Suède, où il ouvre le droit à des aides sociales spécifiques. D’un pays à l’autre, la prise en compte ou en charge varie de peu de choses à rien du tout… Toutefois, de procédures en procès, une jurisprudence émerge, à l’étranger, mais aussi en France. Dans notre pays, médecine et sciences exactes sont peu ébranlées par cette recherche de reconnaissance, mais les services sociaux sont plus à l’écoute. Les jurisprudences concernent des allocations pour handicap et des aménagements de poste de travail. Les critères sociaux semblent ainsi peu à peu l’emporter sur les marqueurs biologiques dans l’approche du syndrome.


Quand on est atteint d’électro-hypersensibilité, où vivre ? Comment organiser son quotidien ? Quel emploi occuper ? Les réponses sont encore à inventer. En France, des projets existent de lieux exempts de champs magnétiques artificiels. On les appelle « Zones blanches ». Mais ils ne sont pas encore validés par les autorités et peinent à se faire financer. Pourtant, à Zurich en Suisse, un « immeuble blanc » existe d’ores et déjà depuis fin 2013.

Actuellement, l’État oblige les opérateurs à implanter des antennes relais dans les campagnes les plus isolées pour, selon l’expression consacrée, les « désenclaver ». Les endroits à l’écart des ondes téléphoniques se font donc de plus en plus rares. Les opérateurs se passeraient d’ailleurs bien d’installer ces antennes coûteuses qui touchent si peu de gens et sont donc peu rentables. Mais l’État accorde aujourd’hui la priorité à l’économie de la communication et ne semble pas mesurer la dimension sanitaire du problème, qui passe après les enjeux de développement. Le paradoxe, c’est que ce même État commence d’attribuer des allocations de personnes handicapées à des gens se plaignant des conséquences sanitaires de technologies qu’il promeut… En vertu de la loi Handicap de 2005, c’est à la société qu’il revient de s’adapter aux personnes en situation de handicap. Mais c’est le contraire pour les personnes atteintes de maladies environnementales : c’est elles qui doivent s’adapter à leur environnement comme elles le peuvent.

On peut le déplorer, mais vous-même possédez sans doute un téléphone portable. Tout comme moi. Et tout comme la plupart des personnes électro-hypersensibles, qui n’ont pas forcément le choix de s’en passer. C’est que l’environnement n’est pas qu’écologique, il est aussi social et il va avec le mode de vie.


Alexandre Pieroni, doctorant en sociologie à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, enquête sur l'électro-hypersensibilité depuis 2013.

Rencontrez également ci-dessous Benoît et Anne-Marie. Ils sont mariés. Elle est atteinte par le syndrome, lui non. Leur vie de couple se poursuit malgré les circonstances.

 

 

 

 



 

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