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Marine Martin, "Un sacré grain de sable"
Épileptique, sous Dépakine depuis l’âge de 5 ans, Marine Martin n’interrompt pas son traitement pendant ses deux grossesses sur le conseil de ses médecins. Résultat : des malformations et des retards de développement. Cette mère révoltée fera éclater l’un des plus grands scandales sanitaires des vingt dernières années.
Connaissez-vous l’origine étymologique du mot scrupule ? À l’origine, le scrupule est ce petit caillou qui se logeait dans les sandales des légionnaires romains lors de leurs marches. Toute la question consistait alors pour ledit légionnaire à trancher entre s’arrêter pour ôter le caillou au risque de stopper la marche de ses petits camarades, et marcher l’air de rien, en souffrant en silence.
On peut dire de Marine Martin qu’elle est ce caillou dans la sandale des lobbies pharmaceutiques en général et de Sanofi en particulier. Des scrupules, elle n’en a eu aucun et, pour ce qui est du silence, elle a pris de nombreux coups pour avoir eu l’audace de le briser.
Lanceuse d’alerte
Qu’a fait exactement Marine Martin ? Elle a tout simplement fait éclater, à elle seule, le scandale de la Dépakine, cet anticonvulsivant prescrit à des femmes épileptiques enceintes, accusé de provoquer des malformations, des retards intellectuels ou des cas d’autisme chez les enfants exposés et les nouveau-nés.
La déferlante a été inéluctable. Comme une vanne enfin ouverte, charriant ses torrents d’eaux usées : les informations longtemps tenues secrètes éclaboussent la place publique qui n’en revient pas. Le rythme est effréné. À peine apprenait-on, stupéfaits, par l’ANSM, que 2 000 à 4 000 cas de malformations majeures depuis cinquante ans sont imputables à la Dépakine et ses dérivés, que les pandores du médicament publiaient une étude alarmante avérant qu’entre 2007 et 2014, ce sont 14 322 femmes enceintes qui y ont été exposées. Et le Canard enchaîné de s’engouffrer dans la brèche en révélant que ladite étude n’avait pas été rendue publique. On était sur les rotules et quelque peu nauséeux.
Mais bien moins que Marine Martin, qui s’est battue comme un diable contre un des plus gros laboratoires pharmaceutiques du monde. Rien ne prédestinait à une telle exposition médiatique cette femme de 45 ans, licenciée en sciences de l’éducation, ayant œuvré pendant cinq ans dans une ZEP dans la banlieue de Montpellier avant de rejoindre une entreprise de logistique dans les Pyrénées orientales.
« Aucun problème »
Alors ? Qu’est-ce qui a poussé cette citoyenne à la petite vie rangée loin de l’agitation des villes, à devenir le grain de sable qui a cassé une des plus grosses entreprises mondiales, à devenir le petit caillou dans la sandale de cette machine de guerre ? C’est que Marine Martin est épileptique depuis l’âge de 5 ans et que, depuis 1978, elle prend de la Dépakine. Désireuse d’avoir des enfants, ayant prévu un calendrier (trois enfants, un enfant tous les trois ans), elle a en 1999 son premier enfant, une fille prénommée Salomé, et en 2002, un garçon, prénommé Nathan.
Consciencieuse, Marine Martin veut bien sûr prendre toutes les précautions pour s’assurer de belles grossesses, pour elle et surtout pour les enfants à venir. Elle demande plusieurs fois aux médecins (des généralistes, aux neurologues en passant par le gynécologue) si la prise de Dépakine n’est pas contre-indiquée. On lui répond, comme si elle était la dernière des demeurées, qu’il n’y a aucun problème avec la Dépakine, qu’il est parfaitement inutile de cesser la prise de cet antiépileptique indispensable pour elle, et qu’une simple supplémentation en acide folique (la vitamine B9) est largement suffisante. Au pire, et dans des prévalences rares, on a constaté des cas de Spina bifida, une malformation de la colonne vertébrale. Pas de quoi s’affoler.
Salomé naît avec un visage aux traits un peu asiatique. Nathan lui, naît avec un hypospadias, une malformation de la verge. La mère de Marine lui fait lire un article du Midi libre sur les problèmes d’hypospadias parmi les enfants d’agriculteurs exposés aux pesticides. Le corps médical, lui, la rassure. Il n’y a aucun problème, on peut l’opérer. Mmmm. Voire. Car les problèmes vont vite se manifester.
Alors que Marine Martin ne fait que constater des retards dans le développement de son fils Nathan, tout le monde lui certifie qu’il n’y a pas de problèmes, que Nathan n’est qu’une grosse feignasse. C’est à deux ans (deux ans !), qu’au centre d’action médico-social précoce (CAMSP), on découvre que l’enfant souffre d’un trouble du langage et de la relation.
Un an plus tard, en 2005, il est diagnostiqué handicapé à 80 %, et souffre d’un trouble praxique, autistique, de l’attention et du langage. Trois ans plus tard, en regardant Dr House et marquée par le système de diagnostic différentiel, Marine Martin se convainc qu’il y a trop de troubles pour qu’ils ne soient que le fait de la malchance. Elle se souvient du fameux article du Midi libre. Et l’évidence la frappe. Elle n’était pas exposée aux pesticides, mais… à la Dépakine.
« Tromperie aggravée »
Elle découvre alors le Centre de références sur les agents tératogènes, les médicaments dangereux pendant la grossesse. Le deuxième plus dangereux, c’est l’acide valproïque, la molécule de la Dépakine. Effondrée, se sentant dupée par le corps médical, il lui faut attendre un an, et la nuit de la Saint-Sylvestre, pour se décider à monter l’Apesac et mener un combat titanesque pour faire condamner Sanofi pour « tromperie aggravée ».
Le témoignage de ce combat monumental est à retrouver dans son livre. Mais, juste pour info, Nathan est en seconde générale, et Salomé est en couple, en faculté de maths. Se battre a du bon.
Aller plus loin :
Dépakine, le scandale, éd.Robert Laffont, 2017
Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (Apesac)
Correction (3 avril 2018) : Dans une précédente version de cet article, nous avons écrit par erreur que Marine Martin a rejoint une société basée dans les Pyrénées atlantiques. Il s’agit en fait des Pyrénées orientales. L’erreur a été corrigée.
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé
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