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"Il y a eu tellement de contrevérités que même ma famille a douté", Valérie Lorentz-Poinso (directrice générale des Laboratoires Boiron)

  • Valérie Lorentz-Poinsot, directrice générale des Laboratoires Boiron. Valérie Lorentz-Poinsot, directrice générale des Laboratoires Boiron.
Article paru dans le journal nº 76

Directrice générale des Laboratoires Boiron, Valérie Lorentz-Poinsot raconte la tourmente et le combat des acteurs de l’homéopathie face au projet de déremboursement voulu par l’actuelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Son carnet de bord raconte les dessous d’une décision au plus haut sommet de l’État, mais aussi la mobilisation des millions de Français attachés à l’homéopathie. Alors que le processus de déremboursement a commencé au 1er janvier 2020, nous avons souhaité l'interroger sur ce moment singulier.

Alternative Santé. Après deux années de lutte pour défendre l’homéopathie, vous sortez chez Flammarion votre journal de bord. Pourquoi l’avoir écrit ? Peut-il encore aider ?

Valérie Lorentz-Poinsot. D’abord pour remercier celles et ceux qui ont soutenu le mouvement Mon homéo mon choix en signant la pétition. 1 300 000 signatures en quatre mois, c’est exceptionnel ! Et je l’ai écrit pour lever le voile sur ce qui s’est vraiment passé. On le doit bien aux Français. Il y a eu tellement de contrevérités que même ma famille a douté. Elle en est venue à me ­questionner. C’était important pour moi de raconter la vérité sur ce que nous avons vécu et remercier les salariés des entreprises homéopathiques Boiron, Lehning et Weleda, où tout le monde s’est fortement mobilisé.

Au cœur d’une crise pareille, il n’y a plus de concurrence qui tienne ?

En effet, une telle situation nous a permis de fédérer tous les acteurs de l’homéopathie française et de nous serrer les coudes.

Vous citez Albert Einstein en ouverture du livre : « La théorie c’est quand on sait tout et que tout fonctionne. La pratique, c’est quand tout fonctionne et personne ne sait pourquoi. » L’homéopathie, ça marche et personne ne sait pourquoi ?

Vous savez, en homéopathie, on progresse chaque jour. Des chercheurs en physique quantique mettent au jour des données intéressantes sur le fonctionnement des microdoses et la gestion de l’information cellulaire. Il y a aussi la nanotechnologie qui offre des outils innovants. Oui, il demeure néanmoins des inconnues autour de l’homéopathie. En pratique, on constate tous les jours que ça marche sur des millions de personnes et d’animaux et des études attestent qu’il existe bien une différence entre un médicament homéopathique et un placebo.

Pensez-vous que ce soit cette part de mystère qui irrite les détracteurs de l’homéopathie ?

Oui fondamentalement. La médecine par les preuves est une tendance que l’on voit de plus en plus s’exprimer chez de jeunes médecins. Mais il faut aussi prendre en compte les constats et les ­réalités vécues par chaque patient. En médecine comme en science, il faut rester humble et ouvert.

Au printemps 2018, la tribune au vitriol de 124 anti-homéo et les déclarations de la ministre de la Santé lancent le coup d’envoi d’une campagne de dénigrement sans précédent. Parvenez-vous à expliquer ce qui s’est passé pour que la situation dégénère si vite ?

En avril 2018, les déclarations de la ministre sont plutôt favorables et neutres : « Les Français y sont attachés » ; « Ça ne peut pas faire de mal. » En septembre, elle donne une interview au magazine Le Point dans laquelle elle dit clairement que sa neutralité sur le sujet lui a valu la levée de boucliers d’un grand oncologue américain. Celui-ci lui aurait reproché l’irresponsabilité de ses propos, arguant que l’homéopathie n’avait jamais fait la preuve de son efficacité. C’est simple : Agnès Buzyn a été piquée au vif ! Elle s’est sentie bafouée et en a fait une affaire personnelle. Cette victoire sur l’homéopathie, c’est écrit noir sur blanc dans l’article du Point : « C’est devenu existentiel. » Elle est convaincue d’avoir bien fait en changeant de ton et en prenant la décision de dérembourser les médicaments homéopathiques. Ce que je ne comprends pas, c’est comment le président de la République peut donner raison à une personne et en négliger des millions d’autres. Beaucoup de patients lui ont écrit pour exprimer leur incompréhension et leur souhait d’avoir la liberté de choisir une thérapeutique efficace et sûre.

Pourquoi cette thérapeutique souffre-t-elle en France ?

Jusqu’à peu, elle n’était pas si décriée. Il y a eu des attaques successives, mais cette tribune sort de nulle part. Elle a été rédigée par un collectif rassemblant quelques médecins, de jeunes internes en médecine et 40 signataires sous pseudo. Et évidemment, personne ne connaissait l’homéopathie.

Comment expliquer la vague de soutien national qui s’est ensuivie ?

Il y a selon moi deux raisons à cela. La raison historique, c’est que le fameux docteur Samuel Hahnemann, qui a contribué au développement de l’homéopathie au XVIIIe siècle, est certes né en Allemagne, mais il a vécu en France où il l’a diffusée. De grands médecins s’y sont intéressés grâce à lui, permettant aux Français d’en bénéficier. L’autre raison, plus thérapeutique celle-ci, c’est que lorsque vous avez des enfants qui font des otites à répétition, des dermatites atopiques ou qui souffrent de troubles ORL chroniques, les parents sont bien contents – moi la première à l’époque – de trouver enfin des solutions et d’éviter un traitement antibiotique renouvelé toutes les trois semaines.

En oncologie aussi, des milliers de patients souffrent moins des effets secondaires de la chimiothérapie grâce à des médicaments homéopathiques prescrits par des médecins qui connaissent l’homéopathie. Si demain on nous diagnostique un cancer, vous comme moi, on voudra tout : la chimiothérapie, la radiothérapie, la chirurgie et l’homéopathie. L’usage de l’homéopathie est apparu en France comme une opportunité thérapeutique de plus. C’est la locomotive d’une médecine plus intégrative. Les gens sont très attachés à cette liberté de choix de soins.

Parmi les attaques contre lesquelles vous vous battez depuis le début, il y a les erreurs dans la méthode d’évaluation de la Haute autorité de santé. Pouvez-vous nous expliquer ?

Déjà, tout a été fait à l’envers. Les laboratoires Boiron ont été saisis alors que ni la loi, ni le décret permettant à la HAS de nous évaluer n’étaient publiés. Dès le départ, il y a eu comme une volonté de précipiter l’examen de ce dossier et donc le déremboursement de l’homéopathie. Ensuite, en effet, la HAS n’a pas adapté ses critères d’évaluation puisqu’elle a analysé l’homéopathie comme elle l’aurait fait d’un médicament allopathique, c’est-à-dire en évaluant un médicament pour une indication thérapeutique donnée. C’est ­ignorer toute la spécificité de la thérapeutique homéopathique. C’est donc un procédé totalement ­irresponsable.

L’agressivité des détracteurs de l’homéopathie et des médecines naturelles, rassemblés dans le collectif FakeMed, ne traduit-elle pas une peur d’une discipline qu’ils n’ont pas apprise en école de médecine ?

Nous sommes à l’aube d’un changement de paradigme. Les médecins aujourd’hui doivent travailler en coopération et être en capacité de proposer le meilleur pour leurs patients. Nous avons besoin de la médecine conventionnelle, nous avons besoin de l’homéopathie et des autres approches complémentaires. Il est dommage de constater que six mois après la tribune, le doyen de la faculté de médecine de Lille décidait de ­suspendre son diplôme d’homéopathie. Il est donc très important que la collectivité de l’homéopathie continue son travail pour mettre sur pied un diplôme interuniversitaire d’homéopathie qui réponde aux attentes de l’Ordre et permette d’assurer la pérennité de la formation des médecins à cette thérapeutique.

Trop d’antibiotiques, trop de résistance bactérienne, trop de psychotropes, d’antalgiques et de dépendances : face à tout cela, l’homéopathie peut-elle offrir des outils au médecin ?

Oui, l’homéopathie peut le faire. Si vous regardez l’étude EPI 3, menée de 2006 à 2011, vous constaterez les résultats. Elle a étudié plus de 8 000 patients avec près de 9 800 médecins. On y a comparé la pratique de médecins allopathes et celle de médecins homéopathes dans des pathologies comme les troubles anxieux, les infections des voies aériennes supérieures, les troubles musculo-squelettiques. Au bout d’un an, on a constaté aucune de perte de chances dans les deux groupes et aucune différence de résultats thérapeutiques. En revanche, les chiffres ont mis en évidence deux fois moins de consommation d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et trois fois moins de psychotropes dans le groupe suivi par un médecin homéopathe. Il est déplorable de constater que cette étude, lancée par l’ancien ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a malheureusement été balayée d’un revers de la main par la HAS…

Quelle est la prochaine étape dans la lutte contre le déremboursement ?

Tous les jours, je continue de recevoir des courriers de patients avec, en pièce jointe, ceux qu’ils adressent au président de la République et à Brigitte Macron. Les signatures de la pétition sur le site Monhomeomonchoix.fr continuent car il y a des gens qui découvrent seulement maintenant cette affaire. Le déremboursement total pour janvier 2021 est toujours au programme, nous avons donc fait un recours au Conseil d’État. Nous ne lâcherons rien, c’est notre engagement pour nos salariés, par respect pour tous les professionnels de santé qui ont recours à l’homéopathie et par respect pour les millions de patients dans le monde qui font ce choix tous les jours.

 

Déremboursement : on en est où ?

Le processus de déremboursement a commencé au 1er janvier 2020. Remboursés à hauteur de 15% les tubes de granules ne seront plus remboursés à compter de 2021. La décision gouvernementale s'appuie sur l'avis de la Commision de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) de juillet dernier, les jugeant « dénués d'indications thérapeutiques officielles et de service médical rendu ». 74% des Français y sont opposés.

A propos de Valérie Lorentz-Poinsot :

Boiron est une entreprise familiale, fondée en 1932 par les frères Jean et Henri Boiron, tous deux pharmaciens. Valérie Lorentz-Poinsot entre dans le groupe Boiron en 2000 en tant que chef de produit, après un passage au sein du laboratoire Urgo et de l’agence Publicis. Par la suite, directrice du développement médical, puis directrice générale adjointe, elle prend la direction générale de l’entreprise, il y a un an, en plein cœur des attaques contre l’homéopathie.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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