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Greffes fécales « maison » : une pratique risquée
Sur les réseaux sociaux, les témoignages de greffes fécales réalisées à la maison se multiplient. Si la transplantation fécale reste un traitement particulièrement intéressant, le faire chez vous comporte des risques importants, comme la transmission de bactéries, d’hépatite ou du VIH, ou encore la perforation du rectum.
La greffe, ou transplantation de microbiote fécale (TMF), a le vent en « poop » (« caca » en anglais, NDLR). Consistant à prélever les selles d'une personne en bonne santé pour les transplanter dans les intestins d'un receveur, dans l’idée d’améliorer ou de « repeupler » son microbiote de bonnes bactéries, cette pratique naturelle aide à soigner — avec un taux de réussite de 90 % — les infections récidivantes à Clostridium difficile, une bactérie qui provoque maux de ventre et diarrhées chroniques. De nouvelles recherches sur le microbiote indiquent qu’elle pourrait également être prometteuse contre d’autres problèmes médicaux comme les maladies inflammatoires de l’intestin, la dépression ou encore l’obésité. C’est avec cet espoir que de plus en plus de personnes tentent l’essai chez eux. Une pratique qui, vous allez le voir, n’est pas sans risques.
Greffe fécale « DIY » : des témoignages qui donnent espoir sur les réseaux sociaux
Suite à la publication de témoignages très médiatisés ces derniers mois, des vidéos se multiplient sur les réseaux sociaux pour expliquer comment préparer des excréments pour une greffe fécale et se les auto-administrer. À l’image du témoignage de Saffron Cassidy dans son documentaire sorti en septembre 2023 « Designer Shit, a microbiome love story » (« Styliste de merde, une histoire d’amour du microbiote », NDLR), qui explique comment elle a mis fin à quinze années de colite ulcéreuse (une maladie inflammatoire auto-immune des intestins) en s’auto-administrant des greffes fécales « maison » avec les excréments de son compagnon.
Sur Reddit ou TikTok, certains témoignages montrant des gélules de dons de matière fécale ou seringues de donneurs remplies d’excréments font des millions de vues et laissent présager que le phénomène des « greffes fécales DIY » (Do It Yourself » pour "faites-le vous-même », c’est-à-dire « fait maison ») prenne de l’ampleur.
Une des seules études publiées au sujet des greffes fécales DIY (une étude américaine de 2020 à faible niveau de preuve, menée par questionnaire en ligne sur 84 personnes) montre qu’elles entraîneraient peu d’effets indésirables (12 % des cas) et majoritairement anodins (principalement de la fièvre et des douleurs abdominales) et un taux de réussite élevé (82 % ont vu une amélioration de leur état). Toutefois, cette étude n’a été menée que sur un très faible échantillon de personnes, via Internet et sans groupe de comparaison, ce qui signifie que ces chiffres ne sont pas représentatifs des risques réels. En effet, quand bien même les risques seraient faibles, ils peuvent aller jusqu’à menacer votre vie.
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Greffe fécale en milieu médical : seule façon de vérifier que le donneur est véritablement sain
Habituellement réalisée en milieu médical, la greffe fécale consiste à mélanger le microbiote fécal du donneur avec de l’eau pour l’administrer au receveur puis à le lui transplanter via l’anus, le nez (par une sonde) ou la bouche sous la forme de gélules). Auparavant, l’équipe médicale contrôle les selles, et le sang, du donneur pour éviter de transmettre bactérie ou virus nocifs au receveur. En plus des examens biologiques, elle va s’assurer que le donneur n’a pas d’antécédents de cancer, de problèmes digestifs, de douleurs chroniques ou de maladies auto-immunes, qu’il n’a pas pris d’antibiotiques ni voyagé dans certaines régions du monde dans les trois mois précédents et qu’il n’a pas d’antécédents familiaux de maladie inflammatoire de l’intestin. En moyenne, moins de 5 % des donneurs sont acceptés suite à ces tests.
En pratiquant la greffe fécale à la maison vous ne procédez pas à ce type de vérifications et prenez des risques, comme la transmission de bactéries, champignons ou plus grave, de virus comme Epstein-Barr, le VIH ou une hépatite.
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Ainsi, même si ces témoignages sont porteurs d’espoir et peuvent vous en donner l’envie, vous auto-administrer des échantillons d’excréments issus de votre famille ou de vos amis proches n’est pas une pratique recommandée. En effet, la pratique de la greffe fécale étant encore relativement nouvelle, même lorsqu’elle est réalisée en milieu médical, il peut y avoir des effets indésirables. Pour exemple, une étude de 2015 rapporte le cas d’une femme qui s’est bien guérie d’une infection à Clostridium difficile, mais qui a fini par devenir obèse après avoir reçu un échantillon de selles de sa fille, certes en bonne santé, mais également en surpoids.
Un homme développe des symptômes de la ménopause après une greffe fécale maison avec les selles de sa mère
Un autre exemple relate le cas d’un homme trentenaire souffrant d’une maladie de Crohn sévère depuis 2006 qui, pendant plus de quatre ans (à un rythme quotidien au début, puis de manière plus espacée), a pratiqué des « greffes fécales maison » à partir des selles de sa mère après que ces dernières ont été testées pour d’éventuelles infections ou pathologies.
Malgré sa prudence, et une amélioration considérable de ses symptômes intestinaux, l’homme a commencé à développer de manière inattendue les mêmes symptômes de la ménopause que sa mère (transpiration, bouffées de chaleur, sautes d’humeur), certainement du fait de la présence d’hormones dans les selles en question. Si ce cas est anecdotique, il illustre la complexité du microbiote humain et le nombre de paramètres difficiles à contrôler, a fortiori lorsque ces greffes sont faites en dehors du cadre médical.
Enfin, d’autres complications peuvent également survenir d’un manque d’hygiène lors de la préparation ou en causant des dommages, de type perforation, au rectum ou au côlon en tentant une administration anale (des risques qui existent même lorsque ces actes sont réalisés par des professionnels aguerris et formés).
Aussi, évitez de jouer avec votre santé et, si vous pensez qu’une greffe fécale pourrait vous bénéficier, rapprochez-vous plutôt d’un spécialiste pour la réaliser.
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Références bibliographiques
« DIY Fecal Transplants on The Rise: Experts Urge Caution in Wake of "Success Stories" », Sciencealert.com, 23 novembre 2023.
« DIY faecal transplants? Don’t try this at home », Theconversation.com, 22 novembre 2023.
« Weight Gain After Fecal Microbiota Transplantation », Open Forum Infectious Diseases, 2015.
« DIY faecal transplants carry risks including HIV and hepatitis, warn experts », The Guardian, février 2018.
« Systematic Review and Meta-analysis: Fecal Microbiota Transplantation for Treatment of Active Ulcerative Colitis », Inflammatory Bowel Diseases , 2017.
« Important Safety Alert Regarding Use of Fecal Microbiota for Transplantation and Risk of Serious Adverse Reactions Due to Transmission of Multi-Drug Resistant Organisms », FDA.gov, juin 2019.
« Adverse events in faecal microbiota transplant: a review of the literature », The Journal of Hospital Infection, décembre 2015.
« Understanding the Scope of Do-It-Yourself Fecal Microbiota Transplant », Am J Gastroenterol, 2020.
« A man gave himself poop transplants using his mom's feces to treat his debilitating Crohn's. Then he started experiencing her menopause symptoms », Business Insider, novembre 2023.
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