Légion du déshonneur

Les services rendus à la Nation méritent bien une petite médaille. Ainsi, lorsque des personnes se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire, par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement culturel en France et dans le monde, la République française les récompense en les nommant chevalier, officier, voire commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres.

Cette année, Francky Vincent a été nommé chevalier des Arts et des Lettres. Ses tubes inénarrables, Tu veux mon zizi, Alice ça glisse, Ma canne à sucre, Tu pues du cul, participent donc au rayonnement des arts et des lettres, en France et dans le monde. Bon, bon, bon… C’est à tout le moins stupéfiant, mais dont acte.

Mais ce qui nous semble sidérant, dans les breloques distinguant des citoyens ayant rendu des « services éminents » à la Nation en 2022, c’est que l’anonyme Madeleine Dubois ait été promue au grade d’officier de la Légion d’honneur. Enfin, quand on dit anonyme… Les parties civiles du procès en appel de l’affaire du Mediator la connaissent bien. Elle avait, du temps où elle était lobbyiste pour le laboratoire Servier, adressé deux mails à Jean Marimbert – alors patron de l’Afssaps, la gendarmerie du médicament.

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En 2007, la commission de pharmacovigilance de l’Afssaps remettait en question la sécurité du Mediator. Ni une ni deux, Dubois contacta Marimbert : « Cher Jean, ce qui nous inquiète, c’est le risque de médiatisation du compte rendu de pharmacovigilance. » Pas s’affole ! Le compte rendu a bien été publié, mais avec un avis moins défavorable. Emballé, c’est pesé. Deuxième mail, Madeleine Dubois suggérait, plutôt que le retrait du Mediator, une simple restriction de prescription et une mention des effets indésirables. Citée à comparaître en première instance du procès du Mediator, elle s’était justifiée devant la présidente du tribunal en ces termes : « Je ne l’ai pas fait de ma propre initiative, j’ai fait ce qu’on m’a dit de faire, mais je ne me souviens de rien. Je n’aurais pas dû le faire, c’est certain. »

Ce qui est certain, c’est qu’à l’heure où circule une pétition pour que soit changée la réglementation afin que puisse être retirée à Jacques Servier à titre posthume la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur, promouvoir au grade d’officier une actrice du désastre sanitaire lié au Mediator est incompréhensible. Notez que nous ne sommes pas à cela près. Il y a un an, c’était Agnès Buzyn, ex-ministre de la Santé et mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui », qui avait été décorée. Quand on peut rendre service à la Nation…