Accueil Lanceurs d'alerte La lutte contre le sida : cheval de Troie des humains OGM ?
La lutte contre le sida : cheval de Troie des humains OGM ?
Le scandale des jumelles "modifiées génétiquement" par le chercheur chinois He Jiankui cache-t-il un autre scandale, encore moins avouable ? C'est la question que se pose Christophe Noisette, membre fondateur de l'association Inf’OGM et rédacteur en chef de la revue du même nom.
Le 26 novembre 2018, He Jiankui, chercheur chinois à l’université de Shenzhen annonce la naissance de jumelles, Lulu et Nana, dont le génome avait été modifié pour les rendre résistantes au virus du sida en utilisant la méthode Crispr-Cas9. Cette méthode est un des derniers outils de la biotechnologie, mis au point en 2012, pour modifier l’ADN.
Concrètement, la modification concernerait le gène CCR5, qui a été impliqué dans la guérison d’une personne atteinte du sida. Considéré comme guéri depuis 2007, cet individu avait en effet reçu une greffe de moelle osseuse issue d’un donneur ayant une immunité naturelle contre le VIH (immunité entraînée par la mutation du gène CCR5).
Cependant, il existe des différences importantes entre une greffe de la moelle osseuse et une délétion (ou mutation) génétique réalisée par Crispr. Cette dernière technique de modification génétique est loin d’être complètement maîtrisée et présente de nombreux défauts.
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Si Crispr-Cas9 permet bel et bien de couper l’ADN à un endroit précis, cette enzyme coupe aussi l’ADN à d’autres endroits, ce qui engendre de nombreux d’effets dits « hors cibles ». De nombreuses études rendent ainsi compte d’effets délétères de cet outil sur d’autres parties de l’ADN, parfois très éloignées de la zone visée initialement par les chercheurs.
Médicalement, le but est-il vraiment de permettre à des parents séropositifs d’avoir un enfant séronégatif ? Cela, la médecine sait le faire depuis vingt ans. Grâce aux traitements anti-VIH, des millions de femmes séropositives sous traitement donnent naissance chaque année à des enfants séronégatifs. De même, les couples formés d’un homme séropositif et d’une femme séronégative peuvent procréer sans que la femme s’expose au VIH, en appliquant des techniques éprouvées dites de « lavage » du sperme ou de fécondation in vitro.
Dès lors que cette manipulation génétique ne répond pas à un impératif de santé publique clair en termes de lutte contre le sida, se pourrait-il qu’elle nourrisse d’autres objectifs ?
Le 21 février 2019, un article publié dans la revue scientifique américaine Cell identifiait d’autres caractéristiques du gène CCR5. L’inactivation du gène CCR5 chez une souris permet non seulement une récupération précoce du contrôle moteur après un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un traumatisme crânien, mais elle augmente également les capacités cognitives. L’article rapporte aussi que des essais cliniques ont montré des résultats similaires chez l’humain avec un médicament contre le sida, le maraviroc, qui désactive ce fameux gène CCR5. L’article conclut enfin que les humains nativement porteurs de cette mutation génétique ont de meilleurs résultats après un AVC. Alors le chercheur chinois voulait-il « fabriquer » des enfants plus performants d’un point de vue cognitif ?
Dans la mesure où les manipulations du génome des embryons humains sont interdites – y compris en Chine, où He Jiankui a été condamné à trois ans de prison ferme début janvier 2020 – l’annonce du Dr He Jiankui a au moins atteint son objectif : défrayer la chronique au niveau mondial. Même si les réactions ont été – quasiment unanimement – négatives, et pour cause, la banalisation d’une telle démarche a progressé d’un pas.
Dans les premières semaines, nous pensions même que cette annonce était une intox pure et simple, dont l’objectif était justement de rendre l’idée d’humains OGM moins saugrenue. Interrogé, le biologiste Jacques Testart, ancien président d’Inf’OGM, qui dans un article récent avait alerté sur « l’audace » chinoise en matière de recherche, s’insurge : « Tous les commentateurs, scientifiques et journalistes, ont attaqué He Jiankui en doutant de son succès et en lui reprochant des fautes déontologiques. Mais personne ne s’est déclaré opposé à la production d’OGM humains, même pas notre comité d’éthique ». En franchissant la ligne rouge, il semble donc que le chercheur chinois ait réussi à la déplacer, les querelles techniques ou éthiques autour de sa recherche masquant le problème politique plus large au cœur de son projet.
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