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Glyphosate : la descente aux enfers de Bayer
Le 12 mai, un jury californien a condamné le groupe allemand Bayer, propriétaire de Monsanto, à verser 2 milliards de dollars à un couple atteint de lymphomes non hodgkiniens liés à l’utilisation de son herbicide Roundup. La peine sanctionne la malveillance du fabricant, accusé d’avoir dissimulé la dangerosité du produit.
C’est une affaire qui tombe à point nommé. Bayer, plus pugnace que jamais, a fait appel du jugement californien estimant Monsanto responsable du lymphome développé par chacun des deux plaignants. Le groupe réaffirme la parfaite innocuité du glyphosate, pesticide de synthèse le plus utilisé au monde. Des affirmations soutenues par l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA), qui affirmait encore fin avril : « Le glyphosate n’est pas cancérogène. » Un discours toujours martelé alors que des centaines d’études prouvent désormais le contraire. Ainsi, dès 2015, le Centre international de la recherche contre le cancer (CIRC) évaluait le glyphosate comme « cancérogène probable ».
Le glyphosate, nocif sur plusieurs générations
Après des recherches concluant à un risque de lymphome non hodgkinien lié à l’exposition au glyphosate, des scientifiques de l’université de Washington ont observé une transmission transgénérationnelle de pathologies induites par l’herbicide. Menée sur des rats exposés à une dose de glyphosate sans effet nocif observable (DSENO) du 8e au 14e jour de gestation, l’étude a montré qu’une exposition indirecte affecte plusieurs générations. Si l’incidence des maladies rénales augmente de 40 % chez les femelles de la 3e génération et les atteintes de la prostate, de 30 % chez les mâles, la survenue de pathologies ovariennes et de tumeurs mammaires s’élève de façon spectaculaire chez les 2e et 3e générations. Alarmant.
Monsanto, ce gros boulet
Après avoir acquis Monsanto, l’an dernier, pour 63 milliards de dollars, le géant pharmaceutique allemand est en train de se faire des cheveux blancs. Il doit en effet assumer quelque 13 400 procès aux États-Unis liés à Monsanto ! L’action Bayer a baissé de 40 % depuis le rachat du fabricant de Roundup. Il faut dire que la décision californienne survient à la suite de deux autres condamnations faramineuses : une somme de 78,5 millions de dollars à verser à un jardinier et une de 80 millions à un septuagénaire, tous deux atteints d’un lymphome non hodgkinien jugé lié à l’utilisation de l’herbicide.
Semer la confusion
Par ailleurs, on découvrait début mai le fichage, par les lobbyistes de Monsanto, de politiques, chercheurs et journalistes au regard de leur position face au glyphosate, en « potentiels alliés à recruter », personnes « à éduquer » ou encore « à surveiller ». Aiguillonner les plus réceptifs et décrédibiliser les ennemis, mais aussi semer la confusion sur la nocivité de cette substance pour retarder son bannissement des politiques européennes. Car en Europe, les études sur sa toxicité fleurissent ; non financées par Monsanto, elles ne laissent plus place au doute…
En France, le glyphosate est banni de l’entretien des espaces verts publics depuis le 1er janvier 2017, et sa vente est interdite aux particuliers depuis le 1er janvier 2019. Mais pour l’heure, son utilisation par les agriculteurs est toujours d’actualité, sans aucune mention de prudence. La Commission européenne peine à interdire totalement son emploi, si bien que le renouvellement pour cinq ans de son autorisation a été voté en novembre 2017… Emmanuel Macron avait annoncé le désir du gouvernement de prendre des mesures de rejet globales d’ici fin 2021, mais le président est revenu en janvier sur ses propos : impossible de prohiber en totalité le glyphosate avant trois ans. Que faire, alors, du travail du CIRC ? Dans un tel climat « d’incertitude » que reste-t-il du principe de précaution ?
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