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Le glyphosate : bientôt dix ans de plus ?
L’utilisation du glyphosate, substance active cancérigène du Roundup de Monsanto (propriété de Bayer), risque d’être autorisée sur le marché de l’Union européenne pour dix ans de plus par la Commission européenne, qui prendra une décision en novembre. Pourtant, des alternatives naturelles existent…
Largement utilisé dans l’agriculture moderne depuis ses premières ventes dans les années 1970, le glyphosate est devenu le désherbant le plus utilisé en 2016. Bien qu’il ait longtemps été considéré par les autorités réglementaires et les organismes scientifiques comme n’ayant aucun potentiel cancérigène, la molécule est classée comme " cancérogène probable " pour les humains depuis presque dix ans par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
À l’appui, plusieurs études suggérant une relation entre l’exposition au glyphosate et le développement de différents types de cancers. Des résultats renforcés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui va dans le même sens. Un lien a de plus été récemment reconnu entre des expositions prénatales au glyphosate et la présence de malformations chez l’enfant par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides1.
Glyphosate : les effets tératogènes reconnus
C’est une première en France qui était passée inaperçue. Le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) a reconnu l’année dernière, le 10 mars 2022, les effets tératogènes du glyphosate. Théo Grataloup, aujourd’hui âgé de 16 ans, est né avec de graves malformations notamment du larynx et de l’œsophage. Peu de temps avant sa naissance, sa mère avait largement utilisé du Glyper, un désherbant à base de glyphosate, dans le cadre de son activité professionnelle. Les experts du FIVP ont reconnu « la possibilité du lien de causalité entre la pathologie de l’enfant et l’exposition aux pesticides durant la période prénatale ». Si la famille était restée discrète sur cette victoire, la possible reconduction du glyphosate a décidé la mère de Théo à sortir du silence : « C’est notre devoir de citoyen d’alerter les autorités politiques et le grand public », a-t-elle ainsi déclaré.
Des données dissimulées
Malgré ces évidences, en juillet 2023, l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) concluait que le glyphosate ne présentait pas de " domaine critique de préoccupation " qui empêcherait le renouvellement de son autorisation dans l’Union européenne (UE). Elle précisait qu’une " préoccupation est définie comme critique lorsqu’elle affecte toutes les utilisations proposées de la substance active en cours d’évaluation ".
De fait, la Commission européenne a proposé, mercredi 20 septembre aux États membres de renouveler pour dix ans l’autorisation de l’herbicide controversé dans l’UE2. Alors même que l’Efsa reconnaît " certaines lacunes dans les données […] que la Commission européenne et les États membres devront prendre en considération lors de la prochaine étape "3. Bayer, qui a absorbé Monsanto – fabricant du Roundup – en 2018, a peut-être déjà les réponses à ces lacunes, puisque la société pharmaceutique a résolument dissimulé des études sur la nocivité de l’herbicide4.
Alors que l’autorisation en cours expire le 15 décembre 2023, la commission européenne devait voter vendredi 13 octobre sa prolongation pour dix ans. Mais les 27 n’étant pas parvenus à s’entendre, un nouveau vote aura lieu courant novembre.
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Des avis bien mal avisés
Chipé dans Le Canard enchaîné, ce chiffre effarant : sur les 2 400 études concernant le glyphosate sur lesquelles s’est appuyée l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) pour consolider son jugement sur l’herbicide, les deux tiers ont été fournis par Bayer. Soit 1 600 études financées par le propriétaire de Monsanto, producteur de Roundup. Qui de mieux que Bayer pour fournir des études neutres et impartiales sur son propre pesticide ?
L’acide pélargonique, une alternative naturelle
Ces tergiversations de l’UE sur le glyphosate semblent faire fi de l’existence de solutions de remplacement plus naturelles et sécuritaires, déjà utilisées par de grands groupes, telle la SNCF. L’entreprise française était pourtant la plus grosse consommatrice du Roundup jusqu’à l’an dernier. L’alternative choisie, c’est l’acide pélargonique, un produit à base de colza et de tournesol. Plus délicat d’utilisation (car visqueux) et plus onéreux que le glyphosate, il n’est en contrepartie pas responsable de problèmes de santé comme le cancer.
Références bibliographiques
- Glyphosate : un lien entre malformations et exposition prénatale à ce désherbant est reconnu par le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, une première mondiale, 9 octobre 2023.
- Glyphosate : la Commission européenne propose de renouveler pour dix ans l'autorisation de l'herbicide dans l'UE, 20 septembre 2023.
- Glyphosate : pas de domaine de préoccupation critique; identification de lacunes dans les données, 6 juillet 2023.
- Stéphane Mandard et Stéphane Foucart, Le Monde, 27 septembre 2023 ; reporterre.net, 27 septembre 2023.
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