Accueil Actualités Chercher ses symptômes sur Internet : bonne ou mauvaise idée ?
Chercher ses symptômes sur Internet : bonne ou mauvaise idée ?
Depuis sa démocratisation, Internet a chamboulé la relation médecins-patients en permettant à ces derniers d’accéder à des informations auparavant réservées aux spécialistes. Aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendre des médecins pester contre ce qu’ils jugent être une mauvaise manie de la part de leurs patients. Pourtant, une étude américaine récente semble indiquer qu’au contraire, ce réflexe pourrait avoir du bon.
Rentrer nos symptômes dans un moteur de recherche est devenu un réflexe pour nombre d’entre nous. Un réflexe qui a tendance à irriter de nombreux soignants pour qui l’autodiagnostic serait source d’anxiété et de comportements hypocondriaques les obligeant à rassurer leurs patients face à un autodiagnostic souvent alarmant.
Cybercondriaque toi-même !
Un terme a même été inventé pour qualifier ces patients qui aboutissent à des autodiagnostics alarmants et infondés : la « cybercondrie », sorte d’hypocondrie en ligne.
Des sondages récents nous informent que le phénomène serait massif puisque 82 % des soignants français recevraient quotidiennement des patients qui « s’autodiagnostiquent mal ». S’interrogeant également sur ces patients qui viennent le consulter parce que « Internet leur a dit qu’ils ont un cancer », le docteur David Levine, interne en médecine au Brigham and Women's Hospital (l’hôpital universitaire de Boston), a donc décidé de lancer une étude sur cinq mille patients dont les résultats viennent balayer les idées reçues habituelles.
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Une amélioration de 4 % de l’exactitude des diagnostics
Publiée fin mars dans le JAMA Network Open, cette étude conclut qu’une petite visite au « docteur Google » avant la consultation est associée à de « modestes améliorations du diagnostic » et qu’elle n’augmente pas l’anxiété du patient, contrairement aux inquiétudes de nombreux soignants.
Par l’intermédiaire d’un sondage en ligne auprès de cinq mille adultes américains représentatifs de la population, l’étude proposait une quarantaine de cas virtuels théoriques de patients présentant des symptômes évocateurs allant du rhume à la crise cardiaque. L’internaute devait alors effectuer un diagnostic présumé sans Internet, puis à l’aide d’Internet (comme s’il s’agissait de l’un de ses proches qui se plaignait). Il devait ensuite décider de l’action à mener à la suite de son autodiagnostic (de « laisser le problème de santé s'améliorer de lui-même » à « appeler immédiatement les secours »). Résultat : une hausse de 4,2 % de l’exactitude des diagnostics après la recherche Internet et pas d’anxiété supplémentaire.
Enfin, chercher des symptômes sur Internet ne semblait pas non plus influencer les choix des patients sur les actions à mener. Comme l’expliquent les chercheurs : « Nous n’avons trouvé aucune preuve du scénario hypothétique selon lequel les patients croyant avoir une crise cardiaque appellent alors immédiatement les secours. » En effet, chercher ses symptômes sur Internet ne signifie pas être exposé à une information de très mauvaise qualité, voire fausse, puisqu'en de nombreux sites visités par les internautes sont des sites institutionnels, d'organismes médicaux ou de médias spécialisés. Ainsi, l'image d'Epinal de l'internaute qui s'autodiagnostique en échangeant avec des amateurs sur des forums ou en prenant au pied de la lettre des informations douteuses glânées sur des sites obscurs n'a pas forcément lieu d'être.
Par ailleurs, pour celles et ceux que cela intéressera : les patients ayant le plus fort taux d’autodiagnostics corrects étaient les plus de quarante ans, les femmes, et ceux dont l’état de santé est plutôt mauvais (et dont l’expertise s’est sûrement affinée avec le temps).
Ainsi, pour le docteur David Levine, ses travaux cumulés à d’autres études plus anciennes commencent à constituer une base de données probante indiquant qu’il n’y a « pas de mal à se renseigner sur Internet avant une consultation et que cela peut même avoir du bon », contrairement aux « croyances » répandues chez les soignants. Une information qui devrait permettre de considérer Internet et sa consultation comme l’opportunité d’ouvrir durant la consultation un espace de discussion plutôt que de le refermer.
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Sources :
« Assessment of Diagnosis and Triage in Validated Case Vignettes Among Non-physicians Before and After Internet Search », JAMA Network Open, 2021.
« Cyberchondrie », Revue Médicale Suisse, 2014.
Sondage « “À l’aide docteur ! Internet m’a dit que j’avais un cancer” 82 % des soignants sont quotidiennement confrontés à des patients qui s'auto-diagnostiquent mal. », 2019 par 360 Medics.
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