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L’état borderline, mal psychique du siècle ?
Se trouver « à la limite ». C’est, en substance, ce que veux dire borderline en français. Appliqué à la psychiatrie, ce terme signifie que la personne se situe dans une zone bien à elle, oscillant entre névrose structurée et psychose avérée. Véritable enjeu de société, cet état pose aussi de sérieuses questions sur les traitements appropriés. Qui existent, sans recours obligatoire aux médicaments.
«Je me sens parfois hystérique. Je me dédouble. Je crie sur les enfants, car je n’ai pas d’autorité. Je suis folle. Je prends des cuites en permanence, je fume, je fais l’amour sans préservatif. Je ne sais pas comment m’aimer. J’ai un comportement d’adolescent ». Voilà ce que peuvent entendre les thérapeutes de la bouche de patient(e)s présentant un état limite, diagnostiqués borderline. Une hyperémotivité, des réactions excessives et soudaines sans raison apparente, mais aussi une grande instabilité des relations interpersonnelles, une mauvaise appréciation de l’image de soi et des efforts effrénés pour éviter les abandons comptent parmi les manifestations et les symptômes caractéristiques de ce trouble de la personnalité.
À la frontière entre deux états
Historiquement, en 1900, on distingait les névroses – phobique, hystérique ou obsessionnelle – et les psychoses – schizophrénie, syndromes délirants, paranoïa. La personne borderline n’appartient ni à la psychose ni à la névrose. Elle a par moment des pertes de contact avec la réalité. À d’autres instants, elle fonctionne comme un névrotique. De tels patients peuvent adopter tour à tour des traits de personnalité liés à diverses pathologies. Aujourd’hui, le « trouble de la personnalité borderline » constitue une entité clinique reconnaissable, dont certaines des caractéristiques se retrouvent dans d’autres maladies. Si l’on en reprend synthétiquement les critères essentiels, on constate principalement :
- La peur de l’abandon et du rejet ;
- L’instabilité de l’humeur ;
- La difficulté à contrôler les actions, les réactions, les pulsions, les actes impulsifs souvent néfastes ;
- Les relations interpersonnelles instables ;
- Une difficulté avec l’intimité ;
- Une dissociation et une méfiance importante en présence de stress.
Cette souffrance se caractérise notamment par une difficulté à s’identifier et à exister en tant qu’individu ; par un manque d’attention et de soin dans l’enfance, par un problème d’attachement avec des carences affectives ; par une difficulté à trouver sa place, à distinguer ses frontières – le patient borderline navigue entre un sentiment d’abandon et une angoisse de l’intrusion – ; par une absolue nécessité à tester sans discontinuer ses limites dans l’idée de rester libre, non conforme, et de rejeter les normes ; par des troubles narcissiques le poussant inconsciemment à être désiré puis rejeté.
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L’enfant borderline
Dès le plus jeune âge, on peut noter chez l’enfant concerné des problèmes de conduite, une agressivité contre lui-même, des symptômes dépressifs, des troubles du sommeil et alimentaires. Son tempérament est difficile : agité, impulsif, inattentif et fonctionnant sur un mode « tout ou rien », mais aussi agressif, coléreux, jaloux…
Une hyperactivité durant l’enfance associée à un traumatisme (abus verbaux, sexuels et physiques) peut représenter une conjoncture propice à la personnalité borderline à l’âge adulte. Un tel enfant a également parfois subi une grande négligence affective et physique (il a grandi tout seul), ou reçu un style éducatif incohérent. Pour caricaturer et à titre d’exemple, nous entendons par « incohérent » le fait d’avoir vécu entouré de beaucoup d’argent et d’avoir été matériellement gâté mais affectivement appauvri.
Les séparations précoces, la peur de l’abandon, la maladie d’un membre de la famille, le décès d’un proche, la pauvreté, l’extrême richesse ou la guerre peuvent contribuer à l’apparition de la pathologie. Il est aussi important de ne pas négliger le déroulement de la grossesse de la mère, si l’enfant a été en couveuse, s’il a été abandonné, adopté, s’il a connu une période de séparation avec sa mère, s’il y avait un réel désir d’enfant de la part des parents… Reste la difficulté à évaluer la réalité des souvenirs traumatiques rapportés par les patients borderline : ces derniers sont suggestibles et ont tendance à voir négativement les choses, même les événements neutres. Parfois encore, ils ont tout occulté.
Évolution et pronostics
Le diagnostic d’état borderline est souvent révélé quand la personne a entre 25 et 35 ans, lors de bouleversements affectifs ou professionnels. Les rémissions symptomatiques sont importantes : plus de 80 % des patients en expérimentent au moins une sur dix ans. Elles sont stables dans le temps, avec moins de 10 % de résurgences symptomatiques.
Le risque suicidaire est grand, entre 9 et 10 %. Il l’est encore davantage en cas de comorbidité avec un trouble de l’humeur ou un trouble lié à l’utilisation de substances. Il s’agit de l’un des risques les plus élevés de l’ensemble de la pathologie psychiatrique. Certaines manifestations s’estompent avec l’âge, dès 40-50 ans, principalement celles comportementales. Les réponses affectives à la solitude, l’insatisfaction liée aux soins, la dépendance vis-à-vis d’autrui sont stables dans le temps.
Un panel de solutions
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La gestalt-thérapie
C’est la thérapie du lien. Le lien est une dépendance durable d’une personne vis-à-vis de quelque chose ou quelqu’un. La qualité de la relation et celle du lien qui en a découlé vont faire que nous intériorisons ce lien, et que même à distance il nous portera dans la vie. Le sujet borderline rompt en permanence ce lien. Il fait des allers-retours, il va et vient, mais dès que le lien est trop proche ou qu’il ressent une intrusion dans son espace, il va le saboter.
Dans la relation thérapeutique, le praticien suit son patient dans la durée. Après une première phase d’indifférence créatrice, puis une phase de reconnaissance et de co-construction survient la phase de réparation. Souvent, la personne borderline montre des difficultés à dépasser la première rencontre, à revenir pour la deuxième séance. Elle trouve que le thérapeute ne répond pas à ses attentes, ou bien qu’il est trop proche, trop distant, trop ceci, pas assez cela… Jamais comme il faut, en fait.
Cependant, si elle réitère, si elle accepte de créer un lien durable avec le gestalt-thérapeute, elle pourra entendre sa reformulation et voir ce qu’il se passe en elle en miroir. Elle fera baisser sa pression intérieure et pourra inaugurer les situations d’une autre manière. La projection négative qu’elle aura initialement faite sur tel ou tel événement pourra se recolorer de positif.
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La thérapie comportementale dialectique (TCD)
Développée depuis les années 1980 par le Dr Marsha Linehan, célèbre psychothérapeute américaine et ancienne borderline, la thérapie comportementale dialectique essaie de relier trois composantes : les émotions, les pensées et les comportements. Elle est essentiellement centrée sur le changement et enseigne sur la présence attentive (la pleine conscience).
Selon le Dr Linehan, le sujet borderline a une sensibilité décuplée : le moindre événement peut provoquer une émotion importante. Si le seuil d’activation est très bas, l’émotion, elle, peut monter très rapidement et très haut. Cet état sanguin, voire agressif, peut rester en plateau et mettre beaucoup de temps à redescendre. Quand le patient lutte pour refuser que l’émotion vive en lui, cela crée une tension insupportable, et il mettra alors beaucoup plus de temps à retrouver son équilibre.
Le sujet borderline a vécu et vit des abandons réels ou imaginaires. Son mode de relations interpersonnelles est intense et instable. Il surinvestit la relation avec l’autre et souvent l’idéalise. Mais comme la personne surinvestie ne réagit pas avec la même intensité, il est déçu. Il a l’impression que le lien ne peut pas exister à distance, qu’il faut la rencontre physique pour prouver la réalité du lien.
Lorsqu’il se sent abandonné, même d’une façon transitoire, le patient borderline connaît une montée de stress. Dans ces moments-là, il présente parfois une idéation persécutoire (tout le monde lui en veut, on fait exprès de lui faire du mal). La TCD peut lui permettre d’amener à accepter la vie telle qu’elle est et non telle qu’elle est censée être, avec la nécessité de changer en dépit de cette réalité.
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La thérapie des schémas de Young (TCY)
La TCY insiste sur l’exploration de l’origine des problèmes dans l’enfance et l’adolescence, sur les techniques émotionnelles, sur la relation thérapeutique et sur les styles d’adaptation dysfonctionnels. Elle considère qu’il est important de se pencher sur les petits traumatismes successifs depuis l’enfance, car ils forment un ancrage.
Le rappel des schémas est automatique. C’est comme un logiciel d’ordinateur que l’on a téléchargé dans notre organisme : il n’est pas accompagné de la sensation de se souvenir, donc donne l’impression d’être vrai, et il est reproduit à l’infini. Rationaliser, expliquer ne suffit pas. Le cortex comprend, mais l’émotionnel continue à ressentir. Il est nécessaire de revisiter ces traumatismes vécus pour les décharger de leur énergie négative. La personne borderline détient des croyances extrêmes, noires, globales et rigides (« je suis incompétent », « mon univers est hors de mon contrôle », « les gens sont indignes de confiance », « le monde est dangereux », « tout le monde m’en veut », etc.).
Ces schémas précoces sont inadaptés. Ils génèrent des degrés élevés d’affects perturbateurs. Le patient ressent et réagit selon son schéma. Il crée des situations et choisit des relations qui entretiennent son schéma. Si l’on peut repérer les schémas, ils restent difficiles à modifier, mais le travail de prise de conscience est nécessaire.
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Autres thérapies possibles
Les constellations familiales soignent les traumatismes transgénérationnels liés au système familial (perte des parents jeunes ou d’un enfant de la fratrie, suicide, enfant avorté…). Par amour pour son proche qui a eu un destin tragique ou en étant intriqué ou identifié à lui, le patient borderline peut d’une façon inconsciente le rappeler par son comportement. L’objectif est de le libérer émotionnellement et physiquement de ce destin tragique.
La thérapie de groupe ou psychodrame, pour déclencher des états émotionnels.
L’EMDR ou hypnose, pour cicatriser des traumatismes personnels, des phobies.
Pour maximiser l’efficacité des thérapies citées ici, il est primordial de vérifier que le patient souhaite rester réellement en vie, qu’il n’est pas déjà « mort dans son être intérieur », et qu’il accepte d’être tenace et motivé par rapport à une démarche de soin qui peut s’avérer longue.
Si un de vos proches est borderline
Parent ou conjoint d’un borderline, faites-vous aider pour :
- Comprendre les caractéristiques qui le définissent et ainsi mieux l’appréhender.
- Alléger vos souffrances dans cet accompagnement quotidien et ne pas vous couper des autres ni d’une vie sociale ou familiale.
- Vous permettre d’exister pour vous-même sans vous oublier ni vous perdre ; définir vos besoins en ne négligeant pas les temps libres ou de loisirs.
- Vous sentir soutenu, au besoin par une équipe médicale, une structure hospitalière ou éducative, dans vos recherches de solutions.
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé
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