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Je ressens donc je suis
Être rouge de colère, en avoir gros sur le cœur ou ne pas digérer quelque chose… Ces expressions illustrent à quel point nos émotions sont en lien avec notre corps. Qu'elles soient primaires (joie, colère, peur…) ou secondaires (confiance, culpabilité, envie…), nous tendons à les refréner, ce qui n’est pas sans conséquences sur notre santé. Plutôt que de les vaincre, apprenez à en faire des alliées.
Nos sociétés modernes semblant laisser plus de place à nos émotions, on pourrait penser que les bénéfices sur notre santé s’en ressentiraient. Malheureusement, les émotions ressenties par « l’animal biologique » en nous sont souvent malmenées par nos modes de vie contemporains, favorisant ainsi la multiplication et l’émergence de nouvelles formes de pathologies…
Percer le paradoxe de la prospérité
« La prospérité ne nous a pas vraiment rendus heureux. Malgré l’allongement de l’espérance de vie, elle n’a pas vraiment fait de nous des individus en meilleure santé. Les individus déprimés n’ont jamais été aussi nombreux, l’obésité et les maladies liées à une société d’abondance font des ravages sur tous les continents, l’insatisfaction et l’épuisement émotionnel font partie de notre quotidien. » Voici le triste constat de la Dre Nathalie Rapoport-Hubschman, psychothérapeute qui a travaillé comme chercheuse associée au laboratoire Stress et Santé de l’université de Stanford (États‑Unis) et qui se demande s’il existe un « paradoxe de la prospérité » que nous n’aurions pas encore réussi à percer ?
Dans Apprivoiser l’esprit, guérir le corps (éd. Odile Jacob), elle explique que certaines caractéristiques biologiques (comme notre appétence pour le sucre et la graisse visant à « stocker en prévision des périodes de disette » ou notre « tendance à l’hypervigilance » qui permettait de prévenir les attaques) joueraient aujourd’hui en notre défaveur : « Nous sommes devenus sédentaires, surnourris, surstimulés et souvent déconnectés des larges réseaux sociaux qui assuraient auparavant notre protection aussi bien physique qu’émotionnelle. » Le stress, particulièrement, serait devenu notre pire ennemi.
Selon Nathalie Rapoport-Hubschman, les études scientifiques de ces dernières décennies ne laissent « aucun doute » quant à l’influence « décisive » sur la santé des pensées, des émotions et des comportements : « Les émotions ne sont plus seulement des états d’âme impalpables qui donnent texture et couleur à notre quotidien. Nous savons dorénavant [qu’elles] influencent ce qui se produit dans notre corps, notre physiologie, notre biologie et vont même jusqu’à exercer leur influence sur nos gènes ainsi que sur la longueur de ces petits capuchons protecteurs des chromosomes, les télomères, qui conditionnent notre longévité. » Des connaissances qui devraient, selon elle, nous pousser à porter un autre regard sur la santé, en mettant le stress, les pensées et les émotions « au service de notre équilibre » et en comprenant à quel point notre implication personnelle dans ce processus est cruciale.
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Les émotions associées à une meilleure mémoire
La plupart d’entre nous se souviennent très clairement des événements émotionnels, comme le jour de la naissance d’un enfant. Le cerveau semble disposer d’un mécanisme naturel par lequel les émotions renforcent les souvenirs. Une équipe de neuroscientifiques a récemment exploré ce phénomène2 et remarqué qu’il est lié à un mécanisme impliquant l’amygdale et l’hippocampe, deux zones du cerveau essentielles au processus de mémoire notamment touchées en cas de dépression. À l’avenir, cela pourrait aider à mieux comprendre et prévenir certains troubles mnésiques chez les personnes à risques comme les dépressifs, chez qui une érosion des émotions semble associée à une érosion de la mémoire.
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Psychosomatique : quand l’esprit impacte le corps
Un constat largement partagé par des thérapeutes spécialistes de la « psychosomatique », comme Mickaël Benyamin, psychologue clinicien maître de conférences à l’université Paris Diderot et auteur de La psychosomatique, le corps sous influence (éd. In Press). Selon lui, « de nombreux patients en psychothérapie psychanalytique, peuvent “guérir” de leur asthme, crises de migraines ou allergies au bout de quelques mois sans qu’aucun traitement médicamenteux ne leur soit administré [et ce sont des] facteurs psychiques et le processus psychanalytique [qui le leur] ont permis. »
Sans oublier la génétique ou les facteurs environnementaux, il invite à conscientiser que toute tension psychique insuffisamment traitée par l’appareil psychique va « s’évacuer » dans le comportement ou dans le corps, ce qui, paradoxalement, signifie qu’être névrosé est « un signe de bonne santé » !
Clowns médicaux, bien plus qu’un simple divertissement
Une étude menée en 20221 a révélé que l’importance des clowns médicaux va bien au-delà de la simple bonne humeur. En favorisant la communication et " l’établissement d’un lien émotionnel " entre le patient et le personnel médical, et en distrayant les patients de la douleur, les clowns leur permettent d’" avancer vers la guérison " en surmontant les crises et en augmentant leur motivation à adhérer au traitement médical.
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Références bibliographiques
1 - “More Than Just an Entertainment Show: Identification of Medical Clowns’ Communication Skills and Therapeutic Goals”, Qualitative Health Research, novembre 2022.
« Neuronal activity in the human amygdala and hippocampus enhances emotional memory encoding », Nature Human Behaviour, 2023.
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