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Cancer de la prostate : attention au lait
Avec 50 000 nouveaux cas chaque année, et une première place dans le classement des cancers chez l’homme, celui de la prostate devient presque naturellement une préoccupation de santé avec l’âge. Le lait de vache est une nouvelle fois montré du doigt, notamment pour son apport d’hormones qui pourraient favoriser le cancer de la prostate.
Les produits laitiers, que les publicitaires ‒ et surtout la filière qui les mandate ‒ tiennent tant à nous faire admettre comme « nos amis pour la vie » (notamment sous prétexte d’indispensables apports en calcium), ne le seraient en réalité pas tant que ça.
Le lait dans le collimateur depuis quelques années
Plusieurs publications semblent, ces dernières années, confirmer les soupçons à l’encontre des produits laitiers. En 2019, une importante revue d’études1 américaine suggérait que les produits animaux, en particulier les produits laitiers, étaient associés à un risque plus élevé de cancer de la prostate , en comparaison avec un régime donnant la priorité aux produits végétaux.
Une toute nouvelle étude2 de la Loma Linda University (Californie) associe, elle aussi, la consommation de lait de vache à un risque accru de cancer de la prostate . Incidemment, Loma Linda fait partie des « zones bleues », ces quelques régions du globe caractérisées par la longévité exceptionnelle de leurs habitants.
Au sein d’une cohorte de plus de 28 000 hommes de la communauté adventiste indemnes de cancer de la prostate, 1 254 d’entre eux en ont développé un durant les huit années de suivi de l’étude. Sur la base des apports alimentaires déclarés et d’autres données (démographiques, antécédents familiaux, activité physique, IMC, consommation d’alcool…), l’analyse révèle que ceux qui consomment le plus de produits laitiers (jusqu’à 430 grammes/jour) présentent un risque de cancer de la prostate supérieur de 25 % par rapport à ceux qui en consomment le moins (une vingtaine de grammes quotidiens).
Une question de forme et de dosage
Les auteurs relèvent cependant que le risque n’est pas uniforme : il dépend du type de produit laitier et de la quantité quotidienne absorbée ; ainsi, le fromage et le yaourt n’augmenteraient que faiblement le risque de cancer contrairement au lait consommé sous forme liquide.
D’autre part, ce risque ne devient réellement significatif qu’aux doses quotidiennes les plus élevées . En examinant les différents niveaux de consommation par tranches de 50 grammes supplémentaires, les chercheurs se sont aperçus que le risque est faible jusqu’à 150 grammes de lait par jour.
Il est à noter que les résultats varient à peine lorsqu’il s’agit de produits laitiers allégés ou écrémés.
Des hormones en cause
Le cancer de la prostate étant un cancer hormonosensible, les chercheurs suggèrent que la teneur en hormones sexuelles du lait de vache (celui-ci étant principalement produit par des vaches en lactation, juste après avoir mis bas) pourrait faire partie des explications.
Le lait de vache présente aussi, après vêlage,des niveaux importants de facteur de croissance IGF-1 (insulin-like growth factor-1), une hormone contribuant à faire prendre beaucoup de poids, rapidement, aux veaux nouveau-nés. On sait depuis quelques années3 qu’elle peut favoriser des cancers comme ceux de la prostate et du sein.
Un microbiote spécifique au cancer de la prostate
Une étude en preprint4 s’est intéressée au microbiote intestinal de patients chez qui on suspectait un cancer de la prostate. Elle a relevé que, parmi les 181 participants, 60 % de ceux effectivement diagnostiqués par la suite positifs au cancer présentaient un profil sensiblement différent de ceux n’ayant pas déclaré de cancer .
Le microbiote intestinal des malades exprimait une répartition spécifique dans leurs lignées bactériennes ; une surpopulation en Prevotella 9, Erysipelotrichaceae et Escherichia-Shigella, et une moindre représentation d’autres familles. Ces différences étaient également associées à d’ autres dysfonctionnements, comme la sécrétion des androgènes, l’absorption du cuivre ou encore le métabolisme rétinien.
Lire aussi Cancer de la prostate : le rôle de l’alimentation et du microbiote
Une production endogène d’IGF-1 ?
Une autre récente étude5 met en lumière un nouvel élément dans l’intrigue du déclenchement du cancer de la prostate : l’augmentation des taux circulants d’IGF-1 sous l’influence des acides gras à chaîne courte (SCFAs, Short-chain fatty acids) produits par notre propre microbiote .
Ces SCFAs sont reconnus comme des métabolites bénéfiques, ayant une action anti-inflammatoire démontrée. Cependant, ils induisent aussi une augmentation de la production d’IGF-1 dans le foie et la prostate , facilitant ainsi, vraisemblablement, l’initiation du cancer de la prostate.
Les chercheurs ont remarqué, en particulier, que les patients souffrant d’un cancer avancé de la prostate présentent aussi un microbiote avec une abondance inhabituelle en Alistipes , un genre de bactéries généralement peu représenté, connu pour sa capacité à produire des SCFAs.
Ce serait peut-être une raison supplémentaire de limiter ses apports en lait, en attendant que toute la lumière soit faite sur le processus complexe menant à l’apparition du cancer de la prostate.
Sources
1 « Effect of Plant‒and Animal‒Based Foods on Prostate Cancer Risk », The Journal of the American Osteopathic Association, Octobre 2021 – doi : 10.7556/jaoa.2019.123
2 « Dairy foods, calciul intakes, and risk of incident prostate cancer in Adventist Health Study‒2 », The American Journal of Clinical Nutrition, Juin 2022 – doi : 10.1093/ajcn/nqac093
3 « Insuline-like growth factor and prostate cancer risk : a population-based, case-control study », Journal of the National Cancer Institute, Juin 1998 – doi : 10.1093/jnci/90.12.911
4 « Gut microbiota signatures associate with prostate cancer risk », preprint – doi : 10.1101/2021.08.19.21262274
5 « Connecting the Dots Between the Gut‒IGF-1‒Prostate Axis: A Role of IGF-1 in Prostate Carcinogenesis », Frontiers in Endocrinology, Mars 2022 – doi : 10.3389/fendo.2022.852382
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