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Médicaments : les effets indésirables des excipients certainement sous-estimés.
L’intérêt prioritaire d’un médicament, c’est son principe actif. Mais celui-ci représente une part infime du médicament, celui-ci étant majoritairement composé d’excipients. Bien que généralement admis comme inactifs, certains excipients ‒ les colorants et les conservateurs, notamment ‒ pourraient être biologiquement actifs et entraîner des effets secondaires non anticipés.
Un médicament, c’est d’abord une somme d’excipients
La plupart des médicaments, qu’ils se présentent sous forme de pilules, de liquide ou de solution injectable, ne renferment qu’une quantité relativement faible de principe actif. Le reste est composé d’ingrédients divers ; agents de texture, conservateurs, colorants, édulcorants, etc. Ces excipients, pour la plupart bien connus des industriels, sont acceptés pour être sans incidence biologique, eu égard à leur long historique d’utilisation, ou sur la base d’études de toxicité sur animaux. Ces « ingrédients inactifs » sont répertoriés auprès de la Food and Drug Administration (FDA) américaine ou de l'Agence européenne du médicament (EMA).
Des interactions potentiellement innombrables
Une équipe de chercheurs de l’Université de Californie à San Francisco et du Novartis Institutes for Biomedical Research a passé en revue 3 296 excipients de la base de données de la FDA et en a identifié 38 qui interagissent avec 134 enzymes et récepteurs humains ‒ sans rechercher, à ce stade, d’effets secondaires auprès de patients.
« Nos données illustrent que si de nombreux excipients sont bel et bien inertes, un certain nombre a des effets non évalués sur des protéines humaines importantes pour la santé » explique le Dr. Brian Shoichet, l’un des auteurs de l’étude. « Il n’est pas surprenant de trouver de nouvelles propriétés à des composants utilisés depuis des décennies et supposés inactifs, bien que très peu étudiés en réalité. C’est plus surprenant de constater à quel point certaines de ces molécules sont puissantes, surtout quand on considère les quantités utilisées dans les formulations », précise le Dr Joshua Pottel, un autre membre de l’équipe de recherche.
Les auteurs envisagent des études plus poussées sur des modèles animaux pour évaluer si ces excipients actifs biologiquement entraînent des effets secondaires chez les patients humains, afin de les remplacer par d’autres excipients réellement inertes.
Pourquoi c'est important ? L'exemple du Levothyrox nouvelle formule
Cette problématique des excipients n’est pas sans rappeler la polémique sur le Levothyrox, suite à un changement dans sa formulation ayant entraîné des effets secondaires chez de nombreux patients. Le fabricant insistait sur le fait que les modifications concernaient spécifiquement les excipients et non le principe actif. Mais l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) concédait que la lévothyroxine est une hormone de synthèse à « marge thérapeutique étroite », de sorte que de très faibles variations de doses peuvent affecter l’équilibre thyroïdien. Si les excipients incriminés ‒ l’acide citrique anhydre et le mannitol en remplacement du lactose ‒ n’ont aucune incidence directe, il est envisageable qu’ils aient modifié la façon dont l’organisme absorbe le principe actif, admettait en substance l’ANSM.
D’autres pistes ont été évoquées, sans aboutir à aucune conclusion formelle ; ainsi, des nanoparticules de métal ont été détectées et incriminées dans la nouvelle formule. Selon un ancien chercheur du laboratoire qui fabrique le Levothyrox, ce serait plutôt l’acide citrique qui pourrait jouer un rôle d’inhibiteur enzymatique, freinant l’élimination de la lévothyroxine et conduisant à une accumulation dans l’organisme. Mais aura-t-on jamais le fin mot de l’histoire ? Peut-être grâce aux prochaines recherches sur les excipients… D'ores et déjà, les patients ne supportant pas la nouvelle formule et les associations mobilisées ont obtenu du ministre de la Santé un moratoire, permettant de laisser accessible le Levothyrox ancienne formule jusqu'à la fin de 2021.
Source :
« The activities of drug inactive ingredients on biological targets », dans Science, juillet 2020.
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