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Candida auris, un champignon dangereux encore rare
Cette levure, résistante aux traitements antifongiques, est mortelle dans près de 40 % des cas d’infection systémique se manifestant en priorité chez des personnes fragiles hospitalisées. Le grand public n’est à l’heure actuelle pas concerné, donc pas de panique, Candida auris ne devrait pas tourner à la pandémie. Ce qui ne dispense pas de prendre certaines précautions.
D’où sors-tu, Candida auris ?
Les champignons du genre Candida sont naturellement présents dans la flore de nos muqueuses . La prolifération non contrôlée de Candida albicans, le plus commun, provoque une infection fongique généralement bénigne dans sa forme chronique, la candidose, pour laquelle il existe des traitements naturels déjà évoqués dans nos colonnes. Si tous les candida sont dangereux dès lors qu’ils passent dans le sang, Candida auris est celui qui inquiète le plus actuellement.
Découverte en 2009 au Japon dans le canal auditif d’une patiente hospitalisée, la nouvelle souche est ensuite rapidement apparue sur trois continents différents, principalement en milieu hospitalier . L’inquiétude a atteint son comble entre 2013 et 2019, lorsque plusieurs foyers épidémiques se sont succédé dans plus de trente pays, avec un taux de mortalité moyen de près de 40 %.
Les personnes décédées, cependant, étaient quasiment toutes immunodéprimées, avec des comorbidités sérieuses, et se trouvaient dans des services de soins intensifs ou de réanimation . Le dernier épisode du genre date de janvier 2022, avec deux infections identifiées au Brésil.
Un risque sérieux, mais pas une pandémie
Par le biais de biofilms , Candida auris adhère et survit facilement sur toute une variété de surfaces, telles que les draps, le mobilier et les appareillages médicaux, ce qui lui permet de contaminer aisément par contact avec la peau. En milieu hospitalier, il peut se frayer un chemin jusqu’à la circulation sanguine chez les patients intubés ou perfusés , via les tubes respiratoires, les sondes d’alimentation et les cathéters, leur faisant courir un risque élevé d’infection potentiellement mortelle.
Une contamination par Candida auris peut engendrer des infections localisées, dans les oreilles ou les plaies, mais lorsqu’elle passe dans le sang, les symptômes évoluent vers de fortes fièvres, qui ne s’améliorent pas malgré un traitement antibiotique, pouvant évoluer à leur tour en septicémie.
Si la létalité est relativement élevée, la contagiosité est moins préoccupante, du moins au sein de la population générale . Aux États-Unis, le premier cas n’a été identifié qu’en 2016 et, à la fin 2020, seuls 1 747 cas avaient été confirmés, répartis à 95 % entre cinq états (New York, Illinois, New Jersey, Californie, Floride), toujours en milieu hospitalier.
Des infections à Candida auris masquées par le Covid-19
En Europe, c’est l’Espagne qui a connu pour le moment le plus de cas (388 à mai 2019), suivie par le Royaume-Uni (221 cas), plusieurs unités de soins ayant nécessité une fermeture temporaire pour désinfection complète. Selon Santé publique France, l’Hexagone n’a eu à déplorer que six cas sur la même période, qui avaient en commun d’avoir séjourné et été hospitalisés à l’étranger.
Cependant, le nombre réel de cas est possiblement plus élevé depuis la fin 2020, avec le démarrage, quelques mois plus tôt, de l’épidémie de Covid-19. Cette dernière a en effet fragilisé un grand nombre de personnes, et l’augmentation des procédures invasives 1 (intubations et perfusions) associées aux insuffisances respiratoires a vraisemblablement fait courir aux malades un risque accru . D’autre part, l’administration d’antibiotiques ou d’anticorps monoclonaux (2) a vraisemblablement prédisposé davantage les malades du Covid à une surinfection par C. auris.
Peut-être un phénomène d’adaptation au réchauffement climatique
En 2021, des chercheurs indiens se sont intéressés à la présence éventuelle de C. auris dans la nature (3), pour tenter de trouver son origine avant son apparition clinique chez l’humain . Et ils l’ont découvert dans les sédiments d’un marais salé – indemne de fréquentation humaine – et d’une plage de sable peu fréquentée des îles Andaman , un archipel situé au beau milieu du golfe du Bengale.
Certains ont, depuis, émis l’hypothèse que le changement climatique aurait induit une « adaptation » de C. auris à des températures plus élevées , lui conférant la capacité de devenir pathogène chez l’humain, alors que la température corporelle de ce dernier le préservait auparavant des infections au champignon.
Candida auris serait « sélectionné » par les traitements
Depuis l’émergence de C. auris, il est rapidement apparu que ce champignon était résistant au principal médicament utilisé en première intention en cas d’infection fongique, le fluconazole , mais aussi à d’autres classes majeures de médicaments antifongiques, d’où sa létalité.
Les scientifiques ont émis diverses hypothèses pour expliquer la résistance de ce champignon aux traitements médicamenteux. Une récente étude indienne 4 a par exemple montré que la résistance de Candida auris pourrait s’expliquer par le fait qu’il ait été « sélectionné » et renforcé par les traitements fongicides appliqués aux fruits après récolte dans le but de prolonger leur conservation tout en préservant leur fraîcheur.
Dans cette étude, les pommes fraîchement cueillies n’hébergeaient pas de souches de C. auris, contrairement à celles stockées et traitées (8 sur les 62 testés), pointant ainsi le mode de conservation comme facteur propice au développement de lignées de champignons pathogènes résistants aux antifongiques. Mais les auteurs précisent que ce n’est qu’un exemple, et qu’il faut élargir les investigations pour comprendre l’écologie globale de C. auris.
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Présence en Europe ?
Les produits phytosanitaires utilisés en Europe n’étant pas les mêmes, il est difficile d’extrapoler à partir de ces travaux spécifiques aux usages en vigueur en Inde. Sous nos latitudes, une grande partie des pommes en stockage long est conservée exclusivement par atmosphère contrôlée , sur les critères de la température, de l’humidité, de l’oxygène et du dioxyde de carbone.
Le principal agent chimique communément utilisé en Europe pour la conservation est le 1-MCP (1-méthylcyclopropène), qui agit comme inhibiteur de maturation . Il concerne les pommes, mais aussi d’autres fruits : poires, prunes, kiwis, melons, bananes… Cette préparation, connue sous le nom commercial de SmartFresh, n’a pour l’heure et à notre connaissance pas fait l’objet d’évaluation quant à son potentiel de sélection et de favorisation des pathogènes résistants.
Laver, laver, et laver encore !
Dans le doute et face à la possible présence d’autres bactéries, champignons ou polluants indésirables, il paraît cependant raisonnable de laver soigneusement les fruits et les légumes non pelés et non bio avant de les consommer ; pour enlever de possibles contaminants, mais aussi, dans la mesure du possible, les résidus de pesticides utilisés durant la culture et, éventuellement, les traitements après récolte. Ces derniers, pour la plupart, n’étant pas lessivables à l’eau, elle ne suffit donc pas.
Une étude5 suggère de faire tremper les fruits et les légumes dans un bain d’eau additionnée de bicarbonate de soude (à la concentration de 10 mg/ml) pendant une quinzaine de minutes . Cette solution alcaline permet de dissoudre les résidus chimiques qu’on pourra ensuite mieux retirer à l’aide d’un chiffon microfibre, dont la matière est mécaniquement plus efficace qu’une simple éponge.
Pour éliminer les micro-organismes des surfaces, le vinaigre blanc dilué est souvent utilisé, par les particuliers comme en restauration. S’il semble efficace sur certains germes comme le staphylocoque doré, certaines données 6 indiquent qu’il le serait sensiblement moins sur les candida, y compris C. auris. À moins de l’utiliser pur (vinaigre à 10% minimum d’acide acétique) et additionné de 1,5 % d’acide citrique , comme le suggère une récente étude7. Dans cette configuration, l’efficacité semble élevée sur une belle brochette de germes, dont certains candida.
S’il devait un jour y avoir suspicion plus concrète de présence de Candida auris sur une surface ou un objet chez vous (consécutivement à une visite dans un hôpital qui aurait déclaré des infections par exemple), il conviendrait alors de faire le ménage à fond, et dans ce cas, l’eau de Javel 8 s’imposerait, sauf sur les textiles bien entendu . Mais fort heureusement, ce genre de situation reste extrêmement hypothétique à ce stade de diffusion de ce nouveau pathogène.
Sources :
1 « Candida auris Invasive Infection during a Covid-19 Case Surge », Antimicrobial Agents and Chemotherapy, septembre 2021.
2 « A High Frequency of Candida auris Blood Stream Infection in Coronavirus Disease 2019 Patients Admitted to Intensive Care Units, Northwestern India: A Case Control Study », Open Forum Infectious Diseases, septembre 2021.
3 « Environmental Isolation of Candida auris from the Coastal Wetlands of Andaman Islands, India », America society for Microbiology-mBio, mars 2021. – doi : 10.1128/mBio.03181-20 et Environmental Candida auris and the Global Warming Emergence Hypothesis, Mbio 2021
4 « Candida auris on Apples: Diversity and Clinical Significance », American Society for Microbiology-mBio, mars 2022.
5 « Effectiveness of Commercial and Homemade Washing Agents in Removing Pesticide Residues on and in Apples », Journal of Agricultural and Food Chemistry, novembre 2017. – doi : 10.1021/acs.jafc.7b03118
6 « Effectiveness of Disinfectants Against Candida auris and OtherCandida Species », Infection Control and Hospital Epidemiology, 2017. – doi : 10.1017/ice.2017.162
7 « Did granny know best? Evaluating the antimicrobial, antifungal and antiviral efficacy of acetic acid for home care products », BMC Microbiology, août 2020.
8 « Candida auris Dry Surface Biofilm (DSB) for Disinfectant Efficacy Testing », Materials, janvier 2019. – doi : 10.3390/ma12010018
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