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Le resveratrol vaut-il toujours sa réputation ?
Dans les années 1990, on a imputé au resvératrol les bienfaits de la diète méditerranéenne sur la santé et la longévité. Depuis, les Japonais ont également identifié ce polyphénol dans le getto, un ingrédient pilier du régime d’Okinawa, la fameuse « île aux centenaires ». Cela en fait-il pour autant un élixir de Jouvence universel ?
Le resvératrol a fait l’objet, depuis une trentaine d’années, d’un nombre considérable de recherches, dévoilant des propriétés thérapeutiques enthousiasmantes. Dans les années 1990, c’est à lui qu’on a imputé l’efficacité de la diète méditerranéenne dans la protection contre la maladie coronarienne.
Beaucoup d’espoir malgré un (gros) incident de parcours
En 2003, Nature publie une recherche faisant le constat d’ une augmentation de 70 % de la durée de vie de la levure Saccharomyces cerevisiae par l’ajout de resvératrol dans son milieu de culture . La levure ainsi boostée s’est développée sur plus de 35 générations avant de péricliter, au lieu de 21 pour la levure témoin ! Des résultats qui s’expliquent par le rôle du resvératrol sur l’activation de la protéine SIRT-1, considérée comme « la protéine de l’immortalité » tant elle protège du stress oxydatif et de l’altération de l’ADN.
Cependant, en 2012, la crédibilité du resvératrol est mise à mal : l’université du Connecticut, au sein de laquelle le Dr Dipak Das conduit et publie de nombreuses études (il fût l’un des principaux contributeurs sur cette molécule), accuse celui-ci d’avoir falsifié des données dans 26 publications et 11 journaux médicaux … Malgré cet accroc, les recherches se poursuivent et confirment que les bienfaits du resvératrol n’étaient pas totalement usurpés.
Plus récemment, des Japonais se sont aperçus qu’un ingrédient clé du régime d’Okinawa , le getto (cousin du gingembre), renfermait lui aussi des quantités conséquentes de resvératrols . Les habitants de cette île japonaise ayant longtemps détenu le record de longévité humaine, le raccourci était tentant : le resvératrol serait l’agent principal des bénéfices pour la santé de ces deux modèles alimentaires.
Mais c’est peut-être aller un peu vite en besogne. En effet, le raisin (source principale de resvératrol dans le régime méditerranéen) contient d’autres molécules antioxydantes comme le piceatannol. De même, le getto comporte des kavalactones, substances aux propriétés myorelaxantes, anxiolytiques, anesthétiques, bactéricides et fongicides.
Resvératrol : quels effets santé ?
Faisons plus ample connaissance avec le resvératrol, membre de la vaste famille des polyphénols, ces micronutriments aux vertus antioxydantes les plus représentés dans les fruits et les légumes . Il est essentiellement synthétisé par les plantes, en réponse à un stress induit par l’exposition à la lumière ultraviolette ou une attaque fongique. Ses aptitudes sont nombreuses.
- Contre les toxiques
Les xénobiotiques (de xenos, « étranger », et bios, « vie ») sont des polluants environnementaux tels que les hydrocarbures aromatiques du tabac ou des gaz d’échappement, les dioxines, les PCB, etc. De notre côté, nous sommes porteurs d’un récepteur des arylhydrocarbures (AhR), protéine qui régule l’expression des enzymes capables de métaboliser ces xénobiotiques pour les éliminer. Or l’activation de ce récepteur est également à l’origine de l’installation de l’inflammation (laquelle ?), du diabète et de certains cancers, car il est impliqué dans l’expression de nombreux gènes. Dans cette situation, le resvératrol est le seul antidote efficace non toxique connu à ce jour. Il entre en compétition avec ces polluants pour inhiber leurs effets au niveau de l’AhR.
- Inflammation intérieure
Le resvératrol possède aussi une action anti-inflammatoire plus directe, en réduisant notamment l’expression de cytokines pro-inflammatoires et la production de radicaux oxydants.
- Resveratrol, fonctions intestinales et microbiote
Le resvératrol semble également restaurer certaines fonctions intestinales, permettant la sécrétion d’une hormone spécifique (GLP-1) qui, via la circulation sanguine, stimule la production d’insuline par le pancréas.
Enfin, le resvératrol se montre capable de restaurer plus largement la flore intestinale. Là où une alimentation trop grasse, une mauvaise hygiène de vie ou une pollution environnementale affecte la flore digestive en favorisant les bactéries pathogènes et pro-inflammatoires, le resvératrol détruit ces bactéries délétères et encourage le développement des celles qui sont bénéfiques.
Lutte contre les cardiopathies et le diabète
La capacité du resvératrol à influer favorablement sur le microbiote intestinal irait encore plus loin : selon une étude chinoise, il pourrait prévenir l’athérosclérose (la Chine, confrontée à une explosion des maladies cardio-vasculaires à la suite de l’occidentalisation outrancière des habitudes alimentaires de ses habitants, est en pointe sur le sujet). Explications en trois points :
• testé sur les souris, le resvératrol modifie le ratio Bacteroidetes/Firmicutes dans le sens des proportions retrouvées chez des personnes minces, et favorise la croissance des lactobacilles, bifidobactéries et bactéries d’Akkermansia, toutes associées à un intestin sain.
• ces modifications dans la composition du microbiote intestinal induisent une diminution de la production de triméthylamine, précurseur de la triméthylamine N-oxyde (TMAO), composé impliqué dans le développement de l’athérosclérose .
Ces résultats encourageants justifient de plus amples investigations sur l’homme, sachant que les maladies cardio-vasculaires demeurent la principale cause de mortalité dans les pays développés (17,5 millions de morts leur seraient imputées dans le monde chaque année).
Face au diabète, autre fléau galopant des pays riches, le resvératrol pris conjointement à un traitement oral classique, de type metformine, semble en mesure de réduire de façon significative le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c), principal marqueur de la maladie, d’après une étude publiée en 2012. Il abaisserait aussi la tension artérielle systolique (le premier des deux chiffres s’affichant sur un tensiomètre).
Le diabète entraîne d’autres maladies, aux plans circulatoire, visuel ou osseux. Sur ce point, le resvératrol a montré un effet bénéfique de réduction du risque de fracture osseuse chez le public diabétique , à une dose journalière de 500 mg, en limitant les pertes en matière de densité osseuse. Le resvératrol pourrait donc représenter un adjuvant d’autant plus intéressant au traitement du diabète qu’il s’agit d’une molécule naturelle quasi indemne d’effets secondaires.
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Les mêmes bénéfices que le jeûne et le sport ?
Non content de prolonger la durée de vie de levures, de poissons et de souris obèses , le resvératrol semble aussi capable de limiter les conséquences d’une alimentation trop riche sur la prise de poids . Une étude française de 2006 a mis en évidence, sur deux groupes de rongeurs au régime très riche en lipides, que celui supplémenté en resvératrol affichait une prise de poids de 40 % inférieure à celle du groupe témoin. De plus, la sensibilité à l’insuline des souris avec resvératrol était meilleure, ce qui semble conforter l’idée de prévention contre le diabète.
Les chercheurs ont également constaté que les tissus musculaires des souris complémentées présentaient davantage de mitochondries, et que l’activité de celles-ci était supérieure. La dépense d’énergie était donc logiquement augmentée, et la prise de poids, contenue . Comble du bonheur (des chercheurs !), les souris supplémentées en resvératrol ont été capables de courir deux fois plus longtemps que leurs congénères sans le polyphénol.
Enthousiasmant, non ? Oui, même s’il faut, là encore, relativiser. Selon une étude danoise concernant les effets du resvératrol sur l’activité physique humaine – en l’occurrence sur 27 hommes âgés d’environ 65 ans sans habitudes sportives – il est apparu, après un programme d’entraînement de huit semaines, que la supplémentation en resvératrol avait réduit les bénéfices de l’exercice sur la pression sanguine, sur les niveaux de lipides sanguins et sur l’augmentation de la quantité d’oxygène délivrée aux muscles…
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Une question d’assimilation
Malgré ces bémols, le resvératrol possède des propriétés thérapeutiques et anti-âge réelles, ce qui explique probablement une certaine popularité. Il reste toutefois un défi majeur pour tirer de cette substance toutes ses promesses : celui de sa biodisponibilité. En effet, le resvératrol subit rapidement après ingestion une intense métabolisation entéro-hépatique, qui en élimine la majeure partie et annihile son action thérapeutique en moins d’une heure .
C’est pourquoi les fabricants fournissent un travail général sur la galénique pour trouver des solutions innovantes permettant d’augmenter la durée de vie du produit . La micronisation, procédé déjà assez largement adopté, permet de réduire la taille des particules à moins de 1,5 micron, augmentant ainsi leur pouvoir d’assimilation. Il est également recommandé de veiller à ce que le produit ne renferme pas de solvant, d’excipient, d’additif, d’OGM, de colorant, de conservateur, de polysorbate, etc.
D’un autre côté, un nombre croissant de labos mettent en avantla forme « trans » (par opposition à la forme « cis ») de la molécule, car cet isomère aurait une action antioxydante environ sept fois plus élevée et serait le seul véritablement bioactif.
Il existe aussi, depuis peu, une présentation liquide solubilisant le resvératrol dans une huile alimentaire pour en optimiser l’absorption intestinale et lui permettre de rester dans le sang plusieurs heures, augmentant donc considérablement sa plage horaire d’utilisation.
Alors, le resvératrol, pour qui est-ce ?
À la lecture de tous les bienfaits qu’on peut en attendre, on serait tenté de voir dans le resvératrol un antioxydant universel. Mais les bénéfices observés sur les modèles animaux et in vitro n’ont, pour l’heure, pas tous été retrouvés dans les tests sur l’homme. La biologie est un peu plus complexe que la cuisine moléculaire, comme le suggère une autre étude faisant ressortir qu’une supplémentation de 150 à 250 mg de resvératrol par jour chez des personnes bien portantes minimise l’adaptation à la pratique sportive (capacités physiques et cardiaques) par rapport à celles non supplémentées. On pourrait donc supposer que les phénomènes d’oxydation/réduction ont leur utilité, et que faire une guerre aveugle et systématique à l’oxydation n’est pas forcément une bonne idée…
En fait, l’apport de resvératrol à des doses pharmacologiques (bien supérieures à celles proposées par la nature via les aliments) semble le plus opportun pour prévenir, chez un public à risque, diabète, maladie cardio-vasculaire ou d’Alzheimer, ou l’aider à mieux vivre quand la pathologie est déjà installée. Les individus fragiles en milieu urbain, les travailleurs particulièrement exposés à des polluants et les fumeurs pourraient aussi être gagnants.
Les personnes bien portantes soucieuses de le rester le plus longtemps possible ont intérêt à miser sur un modèle alimentaire qui a fait ses preuves, comme celui d’Okinawa ou du pourtour méditerranéen ̶ ou tout au moins à s’en inspirer. Et à pratiquer régulièrement une activité physique adaptée, ce qui est encore l’une des meilleures garanties connue et documentée d’avancer en âge dans des conditions optimales.
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