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« Le vrai fléau chez mes amis agriculteurs aujourd’hui, c’est le suicide »
J’ai lu avec intérêt votre édito du numéro précédant sur l’épigénétique, qui peut effectivement être une approche intéressante pour identifier si certains polluants sont les principales causes de pathologies ou les favorisent. Mais pourquoi mettre l’accent sur les produits phytosanitaires et ne pas généraliser aux autres pollutions chimiques (notamment les produits ménagers), à la pollution atmosphérique et aux additifs alimentaires, auxquels les citoyens des villes sont beaucoup plus exposés ?
Il est vrai que depuis 2008 et le premier plan Ecophyto, les « phytos » sont interdits de publicité et les grands médias n’ont aucun risque financier à relayer les messages de catastrophisme à leur sujet, souvent plus militants que scientifiques, alors que les industries polluantes cités ci-avant leur fournissent une bonne partie de leurs ressources financières. Vous avez d’ailleurs, dans votre revue, déjà mis en cause l’indépendance de la presse médicale qui vit des annonces de firmes pharmaceutiques ou parapharmaceutiques. Dans votre étude, vous mettez en doute l’indépendance des études fournies par les laboratoires qui commercialisent les produits, mais vous devez sans doute savoir qu’elles ne font que suivre des protocoles établis par des autorités indépendantes, et qu’elles sont réalisées, au moins pour celles qui concernent la toxicité ou les effets sur l’environnement, par des laboratoires certifiés « Bonnes pratiques de laboratoire », régulièrement audités par des organismes d’inspection indépendants afin de garantir la traçabilité et la répétabilité des études et des résultats obtenus.
Par ailleurs, depuis que la réglementation européenne a été mise en place, en 1995, près des trois quarts des molécules phytosanitaires, dont les plus toxiques et écotoxiques, ont été retirées du marché, et la toxicité moyenne des produits a fortement diminuée. Les conditions de protection des utilisateurs et des riverains ont aussi été améliorées et je mets au défi quiconque de trouver une activité « polluante » qui ai fait autant de progrès au cours des vingt dernières années.
Quant à votre assertion concernant « l’augmentation des maladies cardiaques chez les personnes respirant les épandages de produits chimiques dans les compagnes », j’aimerais connaître votre source d’information. La seule étude épidémiologique d’envergure réalisée en France, à ma connaissance, sur 180 000 personnes du milieu agricole, est l’étude Agrican (« Les agriculteurs en meilleure santé que le reste de la population »). Ses conclusions sont très claires : les agriculteurs français sont en meilleure santé et vivent plus longtemps que la moyenne, ils ont en moyenne nettement moins de cancers et de maladies cardio-vasculaires (entre autres). Si les phytosanitaires étaient le poison universel que certaines organisations activistes dénoncent, comme ce sont les plus exposés à ces produits, leur santé devrait être particulièrement dégradée…
Je ne comprends donc pas l’orientation de votre édito, qui vise de manière injuste une minorité de nos concitoyens dont une très large majorité est engagée au quotidien dans une démarche de progrès et qui risque de dédouaner vos lecteurs de faire de même, satisfaits du message reçu ; le pollueur, ce n’est pas moi, c’est l’autre !
Le vrai fléau, chez mes amis agriculteurs aujourd’hui, est le suicide : deux par semaine en moyenne, soit autant que de meurtres de femmes sous les coups de leur conjoint. Sans doute en partie à cause de la solitude et de l’isolement, mais probablement aussi par les messages négatifs injustifiés qu’ils reçoivent de manière répétée. Pas facile de garder le moral quand on travaille d’arrache-pied pour un revenu inférieur à 375 euros (la réalité pour un tiers d’entre eux) afin de nourrir des personnes qui vous qualifient d’empoisonneur.
Quant aux solutions naturelles ou de biocontrôle, je vous rassure, elles sont en marche. Il y a déjà eu des progrès considérables en matière d’insecticides, par exemple dans les vignes et vergers par la mise en place de la confusion sexuelle. Concernant les maladies des plantes, elles sont en pleine effervescence, et de nombreuses alternatives de biocontrôle seront disponibles dans les prochaines années. Ce sera plus difficile et plus long pour les herbicides, mais il y a aussi beaucoup de techniques mécaniques ou robotiques qui permettront de réduire drastiquement leur utilisation.
Quand je fais le parallèle entre le « phyto » et la « pharma », je trouve que le premier a au moins dix ans d’avance dans l’intégration de méthodes alternatives. Je souhaite vivement que le milieu médical « officiel » entame une démarche aussi vertueuse.
À propos de l'auteur : Jean-Jacques Heller est ingénieur agronome à Supargo Montpellier et chromatothérapeute.
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