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Lectines : ces protéines végétales qui peuvent nuire à votre santé intestinale

  • Lectines : ces protéines végétales qui peuvent nuire à votre santé intestinale
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S’il est couramment admis que les hommes comme les animaux ont mis en place tout un arsenal de défenses pour survivre et se reproduire, il l’est moins concernant les plantes qui ont pourtant, elles aussi, leurs propres mécanismes de défense. Parmi elles, les lectines, naturellement présentes dans de nombreux aliments comme les céréales, légumineuses et solanacées. Chez certaines personnes, elles peuvent fragiliser la muqueuse intestinale, entretenir l'inflammation et favoriser des troubles chroniques. Voici pourquoi et comment mieux les identifier, réduire leur impact, et adapter son alimentation.

Qu’ont en commun les céréales, avec ou sans gluten, les légumineuses, la plupart des oléagineux et certains fruits, les solanacées (pommes de terre, tomates, poivrons, aubergines, etc.) et la grande famille des courges (cucurbitacées) ? La présence en leur sein de lectines, sécrétées par instinct de survie par ces végétaux et logées principalement dans la peau et les graines.

Que sont les lectines et pourquoi les plantes en produisent-elles ?

Les graines des végétaux sont en quelque sorte leur progéniture qui va garantir la pérennité de l’espèce. Il existe deux types de graines, protégées par une coque ou bien nues.

Les végétaux dont les graines sont contenues dans une enveloppe durcie (noyaux des fruits) sont, une fois parvenus à maturité, colorés, chargés de sucre et parfaitement comestibles, tandis qu’encore verts, ils sont impropres à la consommation, voire toxiques. Consommé mûr, la pérennité du végétal est garantie, car les chances de dissémination de son noyau sont augmentées. En effet, une fois le fruit consommé, reste son noyau généralement laissé à distance de la plante mère, permettant ainsi de ne pas entrer en compétition avec elle en termes d’ensoleillement, de nutriments et d’humidité. En revanche, les graines dépourvues d’enveloppe protectrice, une fois avalées, ne pourront plus garantir la pérennité de l’espèce. Pour prévenir ce risque d’extinction de l’espèce, ces graines sont chargées d’un arsenal biologique subtile et efficace de substances chimiques toxiques visant à limiter leur propre digestibilité et à dissuader les prédateurs (insectes, animaux, hommes) de les manger. Car une fois la plante morte pendant l’hiver, ses « bébés »/graines ont vocation à prendre la relève au printemps suivant pour assurer la survie de l’espèce.

Parmi cet arsenal chimique défensif figurent les lectines, découvertes en 1884 : des protéines végétales toxiques sécrétées principalement dans la peau et les graines « nues » de certains végétaux. Le gluten est l’une de ces nombreuses lectines. Une autre est moins connue, plus petite et pourtant pire que le gluten à bien des égards. Il s’agit de l’agglutinine ou WGA (wheat germ agglutinin) présente dans le germe de blé, qu’il soit ancien ou moderne, et que l’on trouve dans les produits à base de blé complet et non dans ceux qui ont été raffinés, puisque cette lectine se trouve dans l’enveloppe (son) retirée au moment du raffinage. Cette lectine, de petite taille, est plus insidieuse que ses semblables, car elle passe plus facilement la paroi intestinale.

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Quels sont les effets des lectines sur notre organisme ?

  • Un mimétisme hormonal perturbateur

Entre autres méfaits, l’agglutinine de germe de blé ressemble à s’y méprendre à l’insuline, l’hormone de gestion et de stockage du glucose. Elle peut se comporter comme elle, en se fixant aux récepteurs cellulaires dédiés à l’insuline. En « squattant » ces derniers, les rendant indisponibles aux hormones, cette lectine perturbe notre bon fonctionnement endocrinien et métabolique. En présence de beaucoup d’agglutinine de germe de blé, les cellules des muscles, du cerveau et des nerfs ne sont plus correctement alimentées en carburant, entraînant avec le temps, un risque de fonte musculaire ou d’inflammation.

Cette lectine est aussi suspectée d’entraîner résistance à l’insuline et prise de poids, le glucose étant alors transformé en graisses alors stockées dans les cellules adipeuses. L’agglutinine de germe de blé a en outre une affinité particulière pour les cartilages des articulations auxquels elle s’attache, provoquant inflammation et douleur. Les lectines peuvent également se lier à l’acide sialique, des molécules de sucre présentes dans divers endroits de l’organisme, dont les articulations et les fluides corporels, pouvant perturber la communication nerveuse.

Les lectines sont des protéines végétales « collantes » qui, dans l’organisme du prédateur (insectes, animaux, hommes), se fixent sur les glucides et particulièrement les glucides complexes (polysaccharides).

  • Lectines et inflammation : quel lien avec les maladies auto-immunes ?

Lorsqu’une barrière intestinale est devenue perméable et que la quantité de mucus protecteur est faible, les lectines peuvent passer cette barrière et rejoindre la circulation sanguine où elles n’ont rien à y faire. Elles se fixent alors à toutes sortes de récepteurs cellulaires en agissant à la façon d’une hormone dont elles prennent la place en bloquant la communication entre l’hormone et la cellule, voire en donnant des instructions contraires en imitant les signaux hormonaux, entraînant ainsi des réactions inflammatoires.

Ces protéines sont à la fois étrangères à l’organisme et difficiles à distinguer des autres protéines endogènes, par mimétisme moléculaire. Elles trompent ainsi le système immunitaire, l’incitant à attaquer ses propres protéines, déclenchant ainsi des réactions dites croisées, avec d’autres protéines. Survient alors la formation d’anticorps pouvant induire une réponse auto-immune, jusqu’à parfois déclencher une maladie du même nom (arthrite rhumatoïde, maladie cœliaque, etc.).

À la lumière de ce qui précède, faudrait-il pour autant éliminer toutes les lectines de l’alimentation ? Certainement pas, et ceci pour plusieurs raisons. Tout d’abord les aliments riches en lectines et les parties incriminées (son, graines) ont bien des bénéfices nutritionnels par ailleurs. D’autre part, certaines personnes y sont plus ou moins sensibles et il faut plutôt envisager un régime pauvre en lectines dans des situations spécifiques et/ou temporaires comme l’inflammation chronique, la porosité intestinale et les problèmes auto-immunitaires.

Pourquoi certaines personnes sont-elles plus sensibles que d’autres ?

Les humains n’ont pas encore développé de résistance immunitaire aux lectines ni ne sont parvenus à rendre leur microbiote suffisamment apte à totalement décomposer ces protéines (voir encadré ci-dessous), malgré plusieurs lignes de défense contre ces substances. La première ligne de défense de l’organisme est la présence de mucopolysaccharides dans la salive, des sucres auxquels se lient les lectines qui protègent dans certains cas la bouche et l’œsophage. La seconde est l’acidité gastrique, qui peut potentiellement digérer une partie des lectines, mais jamais la totalité. La troisième est la présence des bactéries du microbiote, dont certaines peuvent détruire ces lectines et ainsi protéger la barrière intestinale. La quatrième est le mucus produit par les entérocytes, les cellules de l’intestin, un mucus qui joue un rôle barrière grâce aux sucres qui le composent et piège les lectines. Si ce système est à certains égards efficace, il ne l’est que jusqu’à un certain point : des lectines consommées en excès risquent tôt ou tard de poser problème.

Lectines et évolution humaine : pourquoi notre organisme peine à les tolérer

Nous ne sommes pas tous égaux face aux lectines, certains les tolérant mieux que d’autres. Un retour dans l’histoire s’impose pour le comprendre. Il y a environ 10 000 ans, la révolution agricole a apporté de nouveaux aliments comme les céréales et les légumineuses, sans laisser le temps à nos systèmes digestifs et immunitaires de s’y adapter. Un second bouleversement a eu lieu il y a environ 500 ans, lors de l’importation de végétaux du « Nouveau Monde », tels que les solanacées, les courges, les cacahuètes, les noix de cajou, les graines de chia, le quinoa, etc. Cinq siècles n’ont pas suffi, du point de vue de l’évolution, pour apprendre à gérer correctement les lectines qu’ils contiennent. Enfin, ces cinquante dernières années ont apporté leur lot d’aliments ultra-transformés à haute teneur en lectines. En parallèle, les antibiothérapies à large spectre, les additifs alimentaires et les perturbateurs endocriniens devenus courants ont altéré les microbiomes, dont les micro-organismes sont de moins en moins en mesure de faire face à cette surcharge chimique compromettant notre capacité fragilisée à supporter ce déferlement de lectines.

Aliments riches en lectines : la liste à connaître

Les lectines se trouvent principalement dans la peau et les graines, et non dans la chair des végétaux qui en contiennent.

  • Toutes les céréales sont concernées, avec ou sans gluten, variétés anciennes comprises, en particulier lorsqu’elles sont complètes ou intégrales.
  • Les légumineuses le sont aussi, en particulier les cacahuètes et les noix de cajou.
  • Certaines petites graines (tournesol, courges, chia, amarante, et toutes les graines germées ) et certains oléagineux également (amandes, colza) ainsi que leurs huiles.
  • Les légumes qui contiennent des graines (tomates, poivrons, concombres, aubergines, courgettes, piments, courges, haricots verts.) ainsi que les pommes de terre
  • Les fruits contenant des petites graines (melons, pastèques) le sont aussi.
  • Enfin, il faut savoir que la viande et les produits animaux (lait, fromages, œufs, etc.) peuvent également être une source de lectines, dès lors que les animaux dont ils sont issus sont alimentés avec des céréales (soja et maïs particulièrement riches en lectines), contrairement à ceux principalement nourris à l’herbe ou au fourrage. Une raison de plus de préférer les élevages respectant l’alimentation naturelle des animaux.

Cuisson, épluchage, fermentation… comment réduire l’impact des lectines dans l’alimentation ?

Le principal problème est donc la difficulté de l’organisme à dégrader les lectines, récentes dans l’alimentation humaine. Toutefois, la sensibilité à ces substances est variable selon les individus, leur état de santé global et en particulier celle de leur microbiote et de leur muqueuse intestinale. Selon la tolérance de chacun, les réactions aux lectines sont plus ou moins fortes, en fonction également de leur histoire alimentaire et de leur génétique.

Les dégâts que peuvent causer les lectines sont réversibles, en réduisant leur consommation voire en les écartant le temps de réparer une muqueuse intestinale devenue perméable, de rééquilibrer une dysbiose intestinale ou encore ou de venir à bout d'un processus inflammatoire. Il existe aussi des astuces pour les retirer le plus possible des aliments courants qui en contiennent.

Il s’agit notamment :

  • de peler et d’épépiner au maximum les tomates, les poivrons, les aubergines, les concombres, les courges, etc.,
  • de bien cuire les légumineuses et les pseudo-céréales (quinoa, etc.) la cuisson cassant la plupart des molécules de lectines,
  • de manger des végétaux (locaux et de saison) parvenus à maturité,
  • de consommer des oléagineux blanchis (c’est-à-dire sans la peau)
  • de privilégier les céréales raffinées (voir encadré ci-dessous), débarrassées de leurs lectines (dans le son et le germe),
  • de prendre soin de son microbiote
  • le cas échéant et dans la mesure du possible, d’éviter les médicaments réduisant l’acidité gastrique.

Notons enfin que le processus de fermentation par des bactéries spécifiques dans les produits de boulangerie au levain supprime une grande partie des lectines. Toutefois, si le gluten est « digéré » par la levure, ça n’est pas le cas de l’agglutinine de germe de blé.

Céréales complètes et raffinées

Arrêtons-nous un instant sur les céréales complètes, à l’image santé très répandue, contrairement à leur version raffinée. Pourtant, débarrassées de leur enveloppe contenant des lectines, les céréales « blanches » ont été privilégiées depuis leur apparition dans l’histoire de l’alimentation humaine pour leur meilleure digestibilité. Le riz blanc par exemple a été depuis des milliers d’années et est encore en Asie la base alimentaire. Si les céréales complètes ou semi-complètes sont valorisées pour leur richesse en fibres, des fibres que l’on trouve largement dans l’offre alimentaire, pour peu qu’elle soit diversifiée, elles présentent un inconvénient dont on peut tenir compte en cas de problèmes de santé : leur teneur en lectines, comme une grande partie de l’offre de produits sans gluten à base de maïs ou encore d’avoine ou de quinoa.

Le paradoxe des plantes

Le paradoxe des plantes est que, s’ils concentrent des composés bénéfiques, tels que les vitamines, les minéraux, les oligo-éléments, les polyphénols antioxydants, les fibres, etc., ils contiennent aussi des toxines capables de détériorer l’organisme humain. Les lectines ne sont pas les seules, les molécules chimiques synthétisées par les végétaux à l’état naturel pour se défendre des agresseurs extérieurs sont nombreuses : oxalates, phytates, salicylates, alcaloïdes, furocoumarines, tanins, inhibiteurs d’enzymes digestives, etc.

Paradoxalement, certaines de ces molécules sont très bénéfiques pour l’organisme, à l’instar de nombreux polyphénols et tanins. Et ce paradoxe va plus loin, puisque certaines lectines ont des vertus hypoglycémiantes, immunomodulantes ou anticancéreuses in vitro . Tout ceci gagnerait à reposer sur le principe de l’hormèse : manger de tout, en petite quantité. Ce à quoi nous ajoutons, des aliments de qualité, saisonniers et de préférence locaux.

Lire aussi Phytates dans les céréales et légumineuses : faut-il se méfier ?

Quand faire tremper est une fausse bonne idée…

Haricots blancs, noirs et rouges, pois, fèves, lentilles… Il est souvent conseillé de faire tremper les légumineuses 12 à 24 h avant de les faire cuire. S’il est exact que cela permet d’en améliorer la digestibilité et d’en réduire la teneur en acide phytique, la démarche ne permet pas de supprimer les lectines, mais au contraire de les réactiver. En effet, le trempage relance la germination et donc la reprise du développement de l’embryon contenu dans la graine et donc l’activation des lectines dans celle-ci, qui n’est autre que la descendance de la plante. En définitive, mieux vaut bien cuire ses légumineuses que les faire tremper.`

 

Aller plus loin :

De nombreux conseils en nutrition de Julie Lioré, autrice de cet article, se trouvent sur son site l'école des aliments.

 

Références bibliographiques

(2018) Dr Steven R. Gundry, Les dangers cachés de l’alimentation saine , Éd. Quanto

Biological role of lectins. A review.Kkiran Kumar, Gsridhar Reddy, Journal of Orofacial Sciences, 2012

"Antinutritional properties of plant lectins", Review Toxicon, 2004

"C-type lectins in immunity and homeostasis", Nat Rev Immunol, 2018.

Dietary lectins from plants and mushrooms exhibit immunomodulatory properties, potentially benefiting immune health and potentially affecting gastrointestinal integrity.

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Structure-function and application of plant lectins in disease biology and immunity. Food and Chemical Toxicology, 2019. https://doi.org/10.1016/j.fct.2019.110827 .

Health effects of wheat lectins: A review. Journal of Cereal Science , 2014 https://doi.org/10.1016/J.JCS.2014.01.010 .

"From sugar binders to diabetes fighters: the lectin saga of antihyperglycemic activity through systematic review and meta-analysis". Frontiers in Pharmacology, 2024 https://doi.org/10.3389/fphar.2024.1382876 .

Antinutrients: Lectins, goitrogens, phytates and oxalates, friends or foe?. Journal of Functional Foods, 2022 https://doi.org/10.1016/j.jff.2022.104938 .

Lectins as Bioactive Plant Proteins : A Potential in Cancer Treatment. Critical Reviews in Food Science and Nutrition, 2005. https://doi.org/10.1080/10408390591034445 .

 

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