Maria Fornell Sellam
Les liens entre une exposition chronique aux moisissures dans les bâtiments et des maladies respiratoires sont aujourd'hui bien établis, et même reconnus par l’OMS, même s'ils sont souvent trop méconnus pour que le lien entre maux et environnement immédiat toxique se fasse spontanément. Mais il existe d'autres symptômes encore moins connus. Or on estime aujourd'hui qu’entre 10 à 50 % des bâtiments en Europe, Amérique du Nord, Australie, Inde et Japon présentent des problèmes significatifs liés à des moisissures toxiques (source OMS). À ce constat structurel s’ajoutent évidemment les conséquences ponctuelles d'intempéries et d'inondations courantes sur les bâtiments. Dans ce contexte, il est intéressant de faire un panorama des conséquences possibles et moins connues des moisissures toxiques sur la santé, pour permettre à tout un chacun de les identifier, le cas échéant.
Une exposition chronique peut donner une réponse inflammatoire chronique, neurologique et immunitaire déclenchée par les mycotoxines produites par les moisissures. Le médecin américain Ritchie Shoemaker, suite à ses propres problèmes de santé, a fait des recherches extensives en la matière et a inventé le terme “Chronic Inflammatory Response Syndrome” (ou CIRS).
Les impacts neuronaux sont difficiles à évaluer avec clarté mais des recherches, encore dispersées, existent. Une exposition chronique de plus de deux ans a, par exemple, été associée à une détérioration cognitive chez les enfants (1). Certaines autres études (2) indiquent que certains cas de maladies d'Alzheimer (celle du type 3, selon la catégorisation proposée par le Dr Dale Bredesen), pourraient être liés à une exposition aux moisissures toxiques ou plutôt aux métabolites toxiques – les mycotoxines – produites par ces champignons. Les résultats des recherches du Dr Ritchie Shoemaker suggèrent que les patients présentant des symptômes compatibles avec la maladie d’Alzheimer de type 3 devraient être évalués pour le CIRS.
D'autres hypothèses circulent concernant certaines scléroses en plaques (3), dont les causes sont notoirement obscures à ce jour. En cause : le relâchage de toxines attaquant les astrocytes et oligodendrocytes, accélérant la dégradation de la myéline et les symptômes de la SEP.
Certaines moisissures présentes dans les bâtiments endommagés par un dégât des eaux commencent à produire et libérer des métabolites chimiques secondaires qu’on appelle des mycotoxines. Ces mycotoxines sont facilement inhalées ou absorbées par la peau ou le tube digestif. Les mycotoxines sont des poisons environnementaux au même titre que des substances plus connues telles que le plomb, le mercure, l’amiante et le tabac.
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Quelques exemples de mycotoxines les plus connues : les gliotoxines produites par les champignons aspergillus fumigatus et les candida albicans ; l’aspergillosis par le champignon pincillium verruscosum ; l’aflatoxine et acide nitropropionique par le champignon aspergillus flavus…
Il existe d’autres métabolites produits par les moisissures : ce sont les composés organiques volatiles microbiens (COVM), souvent responsables de l’odeur de moisi dans les maisons. Les COVM entrent dans les catégories des alcools, aldéhydes, acides, éthers, esters, cétones, terpènes et thiols qui pénètrent facilement dans le corps à travers les poumons et la peau.
Les effets pathologiques à long terme d’une exposition par voie d’inhalation à ces mycotoxines sont nombreux et divers. On trouve notamment :
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Ces mycotoxines ont plusieurs actions dans notre corps : d’abord et surtout elles augmentent la charge d’élimination des toxines de notre corps.
Deuxièmement elles peuvent activer les mastocytes qui sont des cellules de notre système immunitaire inné. Ces mastocytes se lient aux immunoglobulines E, libèrent de l’histamine et activent par la suite plusieurs cytokines et prostaglandines pro-inflammatoires.
Troisièmement, les mycotoxines dérèglent le fonctionnement de nos mitochondries, qui sont les centres de création d’énergie et de vitalité de notre corps. Ces dérèglements peuvent même déclencher une apoptose ou mort cellulaire prématurée (4) (notamment pour les gliotoxines).
Quatrièmement, elles augmentent aussi les radicaux libres et le stress oxydatif dans le corps, créant des problèmes en cascade.
Dernièrement, certaines mycotoxines peuvent traverser la barrière hémato-encéphalique (5) qui constitue la protection de notre cerveau contre les substances toxiques circulant dans le sang. D’où la neurotoxicité de ces mycotoxines.
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Les symptômes peuvent être divers et variés, tels que des troubles de mémoire, une fatigue excessive voire chronique, des étourdissements, une faiblesse généralisée, des maux de tête, une perte de cheveux, des troubles comportementaux, des sinusites chroniques, des problèmes digestifs (ballonnements, trouble du transit...), des changements visuels et des éruptions cutanées.
Non seulement l’identification de la cause de ces symptômes peut être difficile à établir (car les troubles sont très peu spécifiques) mais en plus la réaction varie d’un individu à un autre. Il se peut, par exemple, que seule une personne chez une famille exposée aux mycotoxines présente des symptômes. En effet, la sensibilité à ces mycotoxines dépend de notre état de santé global, de notre prédisposition génétique, nos carences nutritionnelles éventuelles, notre charge totale de toxines et de notre capacité d’éliminer ces toxines de façon efficace. En effet, c’est quand cette exposition toxique s’accumule dans notre corps que les symptômes commencent à se manifester. Certaines personnes, notamment celles avec une capacité d’élimination réduite (par exemple en cas de mutation génétique MTHFR), peuvent être plus sensibles.
Il faut d’abord évidemment, et surtout, éviter l’exposition chronique si cela est dans votre lieu de travail, votre maison de campagne, l’école de vos enfants ou dans votre maison. Les moisissures toxiques peuvent se développer suite à un dégât des eaux mais peuvent aussi se développer dans des endroits humides, suite à une fuite invisible ou par le biais de l’air conditionné.
Pour le nettoyage des moisissures visibles, de nombreux produits existent à diluer avec de l'eau, chimiques ou bien plus naturels (borax, ammoniaque, alcool isopropylique, eau de javel, vinaigre et bicarbonate de soude...). Que le produit soit naturel ou pas, il faut absolument éviter de respirer les émanations issues des moisissures et très bien aérer la pièce !
Il peut également être intéressant d'investir dans un déshumidificateur pour limiter la prolifération des moisissures dans les murs malsains, lorsque les causes sont difficiles à identifier. Une fois exposé à ces mycotoxines de manière chronique, on risque de développer une hypersensibilité et une réponse immunitaire durable : il faudra dans ce cas éviter l’exposition à vie.
Réduisez votre charge toxique globale : favorisez une alimentation non transformée avec de nombreux légumes et fruits biologiques, des bonnes graisses, des glucides complexes et des aliments riches en nutriments et antioxydants. Évitez la prise de médicaments inutiles, les parfums et toutes les substances pouvant contenir des perturbateurs endocriniens.
Pour aider son corps à éliminer ces mycotoxines, des compléments alimentaires sont souvent conseillés pour améliorer la fonction d’élimination de notre corps. Parmi les plus utiles, on trouve le glutathion réduit, antioxydant naturel du corps jouant un rôle important d'élimination via le foie. On peut également citer l’acide alpha-lipoïque (AAL), jouant un rôle similaire. Le Dr Ritchie Shoemaker, cité précédemment, a créé un protocole anti-moisissure dont vous trouverez les détails sur son site : www.survivingmold.com.
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