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Attaques sur l'homéopathie
(Article réactualisé 16/04/18)
Vous vous souvenez certainement que nous avions dénoncé en octobre dernier l’attaque en règle contre l’homéopathie diligentée par le Conseil scientifique des Académies des sciences européennes. Pendant longtemps, les tenants de l’allopathie ou les médecins les plus orthodoxes se contentaient de sourire avec désintérêt au mieux, avec condescendance au pire, quand on leur parlait d’homéopathie. « C’est du placebo, mais prenez vos granules au sucre si ça vous chante » était bon an mal an la petite musique à laquelle on s’était habitué.
Avec ce rapport, un cap a été passé, car de simplement « inutiles », les remèdes homéo sont devenus dangereux, refrain repris en chœur par les médias grand public. Pas dangereux en soi, bien sûr, mais dangereux parce qu’ils vous écartent du droit chemin : les médicaments allopathiques.
On retrouve cette rhétorique du danger homéopathique dans les récentes prises de position de la puissante FDA américaine (Food and Drug Administration), instance de régulation des médicaments, vaccins, et dispositifs de santé. Jusqu’ici, les produits homéopathiques étaient produits et distribués aux États-Unis sans avoir besoin d’être approuvés par la FDA.
Comme chez nous, ils relevaient de la pharmacopée traditionnelle et court-circuitaient le circuit du médicament. Mais du fait que le marché des remèdes homéo est en pleine expansion, la FDA a décidé en décembre dernier qu’il était temps de modifier ce cadre.
L’agence souhaite en effet pouvoir soumettre les nouveaux remèdes homéopathiques aux mêmes exigences que les médicaments en termes de sécurité et d’efficacité.
Comparer l'incomparable
« On est en train de détruire méthodiquement l’homéopathie, en lui en imposant des tests qu’elle ne peut pas passer » , s’insurge l’homéopathe Jacqueline Peker. « Ce sont deux médecines totalement incomparables, auxquelles on voudrait donner le même langage pour les soumettre aux mêmes épreuves, c’est absurde. »
Et d’expliquer :
« Pour une douleur à l’épaule, par exemple, la médecine conventionnelle proposera des protocoles standardisés, IRM, infiltrations, anti-inflammatoires, etc. Pour l’homéopathie, il n’y a pas de pharmacologie, pas un remède spécifique, mais une myriade de réponses possibles selon la situation spécifique de la personne : sa douleur s’accentue-t-elle au mouvement ou non ? À la chaleur ou au froid ? Quelles sont ses dispositions psychologiques ? Dans ces conditions, soumettre les remèdes homéo à ce type d’épreuve d’efficacité standardisée, c’est une démarche vouée à l’échec. »
Jusqu’où la FDA souhaite-t-elle étendre son contrôle sur l’homéopathie ? Difficile à dire à ce stade. Pour le moment, pas à l’ensemble des remèdes de la pharmacopée en tout cas, car la tâche serait titanesque et elle n’en a pas les moyens humains. Elle dit vouloir donc se concentrer sur six catégories qu’elle considère comme « à risque », parmi lesquels des remèdes contenant des « ingrédients potentiellement dangereux ». Et de citer des produits contenant les souches homéopathiques Belladona ou Nux Vomica, remèdes à base de toxiques ultra dilués.
Autant dire que les produits contenant de grands classiques de l’homéopathie comme Arsenicum, Aconit et autre Arnica seront également dans le collimateur. Qu’il faille vérifier que ces produits répondent à certains standards de qualité ou de pureté, on le comprend fort bien. Mais qui décidera ensuite de leur efficacité et sur quels critères ? Janet Woodcock, en charge du dossier à la FDA, dit que l’agence n’hésitera pas à « poursuivre » les produits qui causent – ou pourraient causer – un « dommage manifeste ».
« En attendant, contrairement à tant de médicaments qui ont passé haut la main les tests de la pharmacologie moderne et sont vendus par millions de boîtes, à ma connaissance, Nux Vomica n’a jamais tué personne » , rétorque Jacqueline Peker.
Homéopathie : de la critique à l'interdiction
Le 18 mars 2018, 124 professionnels de santé trouvaient nécessaire et urgent de s’attaquer dans les colonnes du Figaro aux médecines alternatives telles que l’homéopathie ou l’acupuncture. Ils y estimaient que ces disciplines ne sont « en rien scientifique », « nourries par des charlatans en tout genre » et réductibles à de « fausses thérapies à l’efficacité illusoire (…) promettant une guérison miraculeuse et sans risque ».
Ces gardiens de la rationalité scientifique ne s’arrêtent pas là. Ces approches de santé ne seraient pas seulement « irrationnelles » ou« inefficaces » mais également « dangereuses » et « coûteuses pour les finances publiques ». Emportés dans leur élan et l’apparente évidence de leur croisade pour la Raison, ils se laissent aller à leurs pulsions punitives et demandent au Conseil de l’Ordre des médecins et aux pouvoirs publics d’interdire aux pratiquants de ses disciplines de se prévaloir du titre de médecin, de ne plus reconnaître les diplômes d’homéopathie, de mésothérapie et d’acupuncture, de ne plus permettre qu’on enseigne ces disciplines à l’université, de ne plus rembourser les soins en lien avec elles, ou quelconque autre discipline à « l’efficacité scientifique non démontrée »… N’en jetez plus !
La Guerre de 3CH aura-t-elle lieu ?
L’Ordre des médecins, directement interpellé, réagit le 22 mars par un communiqué en expliquant qu’il n’a « aucune compétence institutionnelle pour se prononcer sur les aspects scientifiques de l’homéopathie » et renvoie la balle au ministère de la Santé et à l’Académie nationale de Médecine (la même qui qualifiait en 2004 l’homéopathie de « méthode obsolète » et s’étonnait qu’elle soit encore remboursée par la sécurité sociale). L’Ordre rappelle néanmoins que l’homéopathie est reconnue comme médecine alternative et complémentaire sur le plan européen.
Le 27 mars, le Syndicat de la Médecine Homéopathique, le Syndicat des Mésothérapeutes Français, l’Association pour l’Utilisation Rationnelle des Médecines Alternatives (association de patients comptant plus de 1 000 membres), l’Union collégiale, le Syndicat des Médecins Indépendants Libéraux Européens, et des médecins libéraux se sentant directement visés par cette tribune contre-attaquent et déposent des plaintes disciplinaires auprès de l’Ordre des Médecins contre les signataires de la tribune ; une tribune qu’ils estiment « insultante » et « anti-confraternelle ». Des convocations ont d’ores et déjà eu lieu au Conseil de l’Ordre, mais ce dernier semble vouloir désamorcer le conflit, par le biais de conciliations au niveau départemental et régional.
Interrogée sur le sujet le 12 avril sur RMC et BFMTV, la ministre de la Santé semblait également bien décidée à calmer le jeu et affirmait qu’elle demeurait favorable au remboursement de l’homéopathie. Le Ministère avait d’ailleurs, dès le 20 mars, tenu à clarifier les choses dans une fiche explicative en délimitant les périmètres respectifs des médecines conventionnelles et des Pratiques de soins non conventionnelles.
Si au nom du pluralisme thérapeutique on peut se féliciter que le Ministère n’ait pas voulu suivre les auteurs de la tribune dans leur fuite en avant punitive, reste quand même à s’interroger sur les ressorts de leur argumentation, à bien des égards symptomatique.
Erreurs de diagnostic
Ce qui frappe d’abord à la lecture de cette tribune, c’est l’absence totale de remise en question des pratiques de la médecine conventionnelle. D’après les auteurs, si l’allopathie connaît une défiance croissante aujourd’hui, c’est principalement à cause des médecines alternatives, dans une curieuse inversion des causes et des conséquences qui pourrait faire sourire si elle ne témoignait pas d’une inquiétante cécité.
L’attrait pour des approches plus douces de la santé n’aurait donc rien à voir avec :
- Les scandales sanitaires à répétition (Distillbène, Mediator,Vioxx, Isoméride, Dépakine, Lariam…)
- Les accidents médicamenteux dénoncés notamment par l’AAAVAM (10 000 à 20 000 événements indésirables graves et au moins 1 000 décès par an selon les estimations les plus optimistes, 100 000 accidents nécessitant une hospitalisation et plus de 30 000 morts par an selon les professeurs Bernard Debré et Philippe Even, qui déplorent en outre que 35 % des médicaments soient inefficaces, 25 % mal tolérés , 5 % potentiellement dangereux, mais 75 % remboursés)
- La quantité de médicaments « inutiles ou dangereux » en vente libre en officine (50 % n'ayant jamais démontré d’efficacité scientifique selon le professeur de pharmacologie clinique Jean-Paul Giroud, et étant non exempts d’effets indésirables parfois graves). Médicaments dont, soit dit en passant, les prix augmentent rapidement (+4,3% entre 2016 et 2017 selon le baromètre annuel de l'Observatoire Familles rurales)
- Le fait que seulement une dizaine de médicaments ont fait à ce jour l’objet d'une suspension ou d'un retrait d'AMM (autorisation de mise sur le marché) sur la centaine de médicaments de la liste noire éditée par la Revue Prescrire sur la période 2013 - 2016.
- La faiblesse de nos systèmes d’alerte pour reporter les effets secondaires des médicaments (voir le récent épisode du Levothyrox ) et l’absence de reconnaissance des victimes de médicaments
- L’errance médicale d’une quantité importante de patients atteints de maladies émergentes (de Lyme, dont le dépistage est largement inadéquat, à l’électro-hypersensibilité, que l'ANSES vient tout juste de reconnaître). Patients dont les souffrances sont fréquemment minimisées, niées voire même psychiatrisées
- L’absence d’expertise indépendante , les dérives mercantiles et l’influence des lobbys ou les conflits d’intérêt pointés dénoncées notamment ici par la Marche des cobayes ou l’AIMSIB
- Une surmédicalisation qui fait qu’un Français consommait 48 boites de médicament par an selon l’ANSM en 2013. Surmédicalisation que les signataires de la tribune semblent également déplorer mais vouloir imputer – sans rire - aux thérapies alternatives.
Non non, l’attrait grandissant pour les médecines alternatives ou des approches plus douces et intégratives de la santé n’aurait rien à voir avec tout ça... Les auteurs de la tribune préfèrent rester dans un déni confortable quant aux dysfonctionnements de notre système de santé et trouver des boucs émissaires à punir. C’est l’histoire de l’hôtelier qui, déserté par des clients mécontents, préfère tenter de faire fermer l’hôtel d’en face plutôt que d’investir dans de nouveaux sommiers ou se fendre d’un sourire.
Le placebo miroir et ses bienfaits
La ministre de la Santé a, elle, bien compris que l’utilisation de remèdes homéopathiques se traduisait par moins de médicaments, pas plus. Elle déclare, avec une suspension du jugement rafraîchissante dans cette ambiance inquisitrice : « C’est probablement un effet placebo. Si ça peut éviter d’utiliser des médicaments toxiques, quelque part je pense que nous y gagnons collectivement. Voilà… ça ne fait pas de mal. » Et, de fait, même chez les critiques les plus farouches de l’homéopathie, qui n’accordent aucun bénéfice médical à ces remèdes, certains ont fini par accepter l’idée que la consultation homéopathique elle-même produisait des effets bénéfiques sur l’état de santé des patients.
La controverse interminable autour de la question "placebo ou pas placebo?" masque probablement des enjeux plus profonds, pour qui veut comprendre l'attrait grandissant des alternatives à l'allopathie. Quels enseignements pourrait-on tirer de ce type d’études, y compris quand on pense les remèdes homéopathiques inefficaces ? Par exemple qu’une écoute empathique, attentive et un peu longue des patients est nécessaire au "prendre soin". Par exemple qu'il serait sans doute temps de revoir à la hausse le temps moyen d’une consultation médicale (16 minutes selon la Drees) pour répondre au besoin des patients d'être abordés dans leur unicité, et d'être inclus dans les décisions qui les regardent au premier chef. Par exemple que la posture mandarinale, comme la production muette d'ordonnances à la chaîne, était de moins en moins tenable, à l'ère de l'auto-éducation thérapeutique et des patients experts.
Mais il est sans doute plus commode rester sur la mise en scène de certitudes mal étayées et de dichotomies bancales (scientifique vs pas scientifique, rationnel vs irrationnel, efficace vs inutile, sûr vs dangereux) pour sécuriser son magistère sur la santé.
Tentation hégémonique et dérive paternaliste
Car ne nous y trompons pas : ce qui se joue ici, comme dans nombre des différentes attaques qu’ont subies les approches complémentaires de santé ces derniers mois, c’est aussi la tentation d’imposer un monopole du savoir sur le corps.
Une dictature des certitudes du temps présent d’abord, qui voudrait que parce qu’on ne comprend pas quelque chose pour le moment et qu’on n’arrive pas à l’objectiver, ça n’existe pas (pour le versant pathologies, voir les remarques précédentes sur Lyme ou l'électro-hypersensibilité). Après-tout les atomes, les champs magnétiques ou les agents microbiens ne relevaient-ils pas de la simple spéculation métaphysique avant qu’on parvienne à constater empiriquement leur existence ? Génomique, epigénétique, microbiote, biofilms, virobiote, neuroplasticité… l’incroyable complexité du corps humain, dont on commence à peine à percer tous les secrets, est-elle réellement soluble dans les méta-analyses, les études en double aveugle avec placebo et le duo symptôme/molécule ? Il est permis d’en douter.
C’est aussi un monopole du savoir scientifique occidental, qui voudrait que des visions concurrentes du fonctionnement du corps parfois vieilles de 5 000 ans (méridiens de l’acupuncture, doshas de l’ayurvéda, etc.) et reconnues par leurs pays respectifs soient ravalées au rang de superstitions arriérées, sous prétexte qu’elles ne passent pas toujours haut la main l’épreuve de tests pensés par et pour la médecine occidentale moderne. Dans cette optique, les millions de gens qui reconnaissent des bienfaits à ce type de pratiques ne seraient que des brebis égarées qu’il faudrait ramener à l’étable de la Raison, à leurs corps défendant s’il le fallait. Trop souvent traitées en cobayes, on comprend qu'elles préfèrent parfois choisir d'autres pâturages. Et à ça les coups de bâton ne changeront rien.
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé
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