Accueil Entretiens « Des catastrophes de santé publique seraient évitables » : interview des Drs Michel De Lorgeril et Vincent Reliquet
« Des catastrophes de santé publique seraient évitables » : interview des Drs Michel De Lorgeril et Vincent Reliquet
Multiplication des scandales sanitaires, explosion des maladies chroniques et « civilisationnelles »… Face à ce constat, patients et médecins se sont réunis en 2016 pour créer l’Association internationale pour une médecine scientifique, indépendante et bienveillante (Aimsib). Leur but ? « Mobiliser toutes les ressources pour que les agences nationales et internationales des médicaments, des produits de santé et de l’alimentation soient à l’abri de la pression des lobbies et des conflits d’intérêts. ». A l’occasion de son congrès annuel à Toulouse le 13 octobre, nous avons interrogé deux de ses membres fondateurs, les docteurs Michel De Lorgeril et Vincent Reliquet.
Alternative Santé : Votre association a été créée « pour aider à résoudre la très grave crise que traversent actuellement les systèmes de santé dans les pays développés, en particulier en France. » Quelle est cette crise que vous dénoncez ?
Dr Michel de Lorgeril : Dans tous les pays occidentaux, le système de santé et les dépenses liées explosent. Or on ne peut pas prélever indéfiniment tout cela sur les impôts des usagers qui, par ailleurs, ne sont pas satisfaits. Les médecins non plus ne sont pas heureux de la façon dont ils pratiquent leur métier. Une grande partie de la population se plaint également des hôpitaux… au sein desquels les gens qui travaillent sont malheureux et se plaignent. Bref, nos systèmes ne tiennent plus, et surtout on constate qu’ils sont inefficaces ! Par exemple, aux États-Unis où l’on trouve les médecins les meilleurs et les mieux formés, la médecine la plus efficiente, l’espérance de vie est en train de chuter. La même tendance s’observe en France. Un tel problème semble insoluble.
Dr Vincent Reliquet : Un autre souci majeur tient dans l’augmentation exponentielle de la thérapeutique et des médicaments. L’hyperconsommation médicamenteuse des personnes âgées ou fragiles est un vrai problème, mais c’est aussi un sujet tabou, que nombre de médecins ne veulent pas aborder. Même au sein du Conseil de l’Ordre on m’a reproché de tirer la sonnette d’alarme à ce sujet… C’est pour cela que nous éditons, de temps en temps, des articles sur des médicaments très précis, pour montrer que des produits comme les inhibiteurs de pompe à proton, s’ils sont hyperactifs, sont aussi extraordinairement toxiques. Personne n’en parle parce que ce n’est pas dans l’air du temps, mais des catastrophes de santé publique auxquelles on assiste seraient très évitables
L’hypermédicalisation est-elle plus accentuée chez nous qu’ailleurs ?
M. de L. Que nous ayons un problème en France avec les médicaments, c’est sûr. Comme ils sont plus ou moins gratuits, des médecins en prescrivent à la demande des patients, pour faire plaisir, etc. La prescription est à l’évidence exagérée. Mais c’est aussi un moyen de remédier à un autre problème, qui est que les médecins n’ont pas le temps de se préoccuper de facteurs prépondérants comme le mode de vie, l’alimentation, l’activité physique, etc. C’est plus facile de prescrire un médicament que de se renseigner durant une demi-heure sur la façon dont un patient se nourrit.
Que fait l’Aimsib pour tenter de remédier à tout cela ?
V. R. Un problème de santé est toujours complètement transversal. Si on le prend sous un angle obtus (« untel a de la fièvre »), on ne comprendra rien à la façon de s’en sortir globalement. Autrement dit, si l’on ne transforme pas, par exemple, l’agriculture et les plantes mangées par l’animal avant que nous le mangions nous-mêmes, on n’avancera pas. En la matière, l’Aimsib cherche à établir des contacts auprès de permaculteurs pour observer comment ils parviennent à se nourrir sainement avec des cultures productives en rotation. C’est très important pour nous, car le but est qu’un individu ne devienne pas un patient.
Justement, de plus en plus de professionnels de santé déplorent que la médecine moderne occidentale considère le corps comme un système morcelé et le traite chimiquement sans réellement chercher la cause de ses dysfonctionnements. Sommes-nous en train de sortir de ce paradigme ?
M. de L. Cela dépend des domaines. Concernant l’hypertension artérielle, par exemple, le réflexe primaire est toujours de donner des médicaments plutôt que de se renseigner sur les causes possibles des chiffres élevés de prévalence. C’est bien plus rapide que de mener de longues enquêtes étiologiques qui prennent un temps considérable… Même chose avec la vaccination : il est plus simple pour les pédiatres de vacciner en se disant « tout va bien » que de travailler sur le système immunitaire des bébés et des enfants, sur les habitudes alimentaires et de vie. Je ne le reproche pas aux médecins, c’est évident qu’ils n’ont pas le temps, mais le médicament est devenu une telle solution de facilité que je ne vois pas comment les gens peuvent y échapper.
V. R. Une vision non morcelée du corps est, bien sûr, encore taboue. Il faudrait cesser de parler de cardiologie et de rhumatologie. Il faudrait même arrêter de parler d’immunologie et de neurologie, ou d’immunologie et de gastro-entérologie, puisqu’on se rend compte que les unes marchent sur les autres. Il faut revenir à une vision globale, accepter qu’un organe puisse avoir le pas sur l’autre, qu’un aliment ou un médicament puisse avoir des conséquences incalculables sur un nombre indéfinissable de paramètres. Quand un gastro-entérologue prescrit un inhibiteur de pompe à proton, il a probablement raison. Mais si, derrière, le neurologue n’est pas au courant que la démence du patient est peut-être alimentée par une carence vitaminique liée à ce médicament, c’est dommage… Il faut faire attention à ce que tout soit relié correctement.
Les patients s’intéressent de plus en plus à la médecine et la questionnent. À l’heure de cet éveil citoyen, l’importance accordée au patient dans le processus de soin va-t-elle en augmentant ?
M. de L. Il existe bien une prise de conscience, du côté du médecin comme du patient. Mais il y a aussi des contre-exemples, comme celui des vaccins. C’est catastrophique de voter des lois d’obligation, d’amputer les gens d’une liberté primaire, de les obliger à faire des choses qu’ils n’ont pas envie de faire d’une façon quasi sadique. On agit sur eux, non pas en leur courant après avec une seringue de vaccination, mais en les empêchant de mettre leurs enfants à l’école s’ils ne les ont pas fait vacciner, alors qu’ils ont payé leurs impôts et que cela bafoue le droit à l’école. Ça, c’est une régression. Il n’y a qu’en France que l’on voit ça d’ailleurs, ou alors dans quelques pays dictatoriaux. C’est une atteinte aux libertés fondamentales dans un pays démocratique.
V. R. Il y a un réveil des consciences sur de nombreux sujets, mais il est absolument consternant d’avoir reculé en 2018 avec cette vaccination obligatoire. Dans la même veine, quand on s’interroge sur l’impact du dépistage systématique du cancer du sein par mammographie [voir notre dossier « Non à la mammographie systématique », NDLR], la prise de conscience, bien que douloureuse, est capitale. On a tous poussé nos femmes, nos mères nos sœurs à réaliser une mammographie tous les deux ans, or on sait à présent que le bénéfice n’est pas vraiment au rendez-vous.
Aller plus loin :
Association internationale pour une médecine scientifique, indépendante et bienveillante
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