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L’association cholestérol, risque cardiovasculaire et statines toujours remise en question
Réduire le taux de cholestérol – en particulier la fraction LDL – à l’aide d’une statine reste souvent l’objectif prioritaire devant un risque ou après un évènement cardiovasculaires. Une très sérieuse étude indépendante de 2022 (1) vient pourtant questionner (après plusieurs autres (2 3)) la pertinence de cette prescription trop systématique, toujours bien ancrée dans les pratiques des généralistes.
Cholestérol et statines : l’interminable controverse
Le dogme du cholestérol responsable des infarctus remonte à l’Amérique des années 1950. Les « travaux » de cette époque dus au bon Dr Keys, bien qu’entachés d’importants biais à la limite de la fraude (4), contribueront à propulser la carrière des statines, ces médicaments destinés à réduire le taux de cholestérol, lorsque débute leur commercialisation à partir de la fin des années 1980.
Depuis, les statines font partie du quotidien de dizaines de millions de personnes de plus de 50 ans considérées « à risque » cardiovasculaire. Les études validant leur pertinence inondent les publications scientifiques, sans réel contrepoid jusqu’au début des années 2000 où apparaissent les premières remises en doute. Quelques spécialistes et plusieurs recherches dénoncent alors un bénéfice surestimé des statines ainsi que des effets secondaires jusque-là sous-évalués ou occultés, sans pour autant que cela impacte les habitudes de prescription qui perdurent gaillardement.
La consommation de statines a même connu un regain en début d’année 2021, selon une publication de l’Assurance Maladie. Celui-ci s’expliquerait par l’instauration de traitements chez de nouveaux patients, une tendance consécutive notamment à la limitation de l’activité physique imposée en 2020 et début 2021 par la gestion de l’épidémie de Covid-19.
Une réduction dérisoire du risque cardiovasculaire
La méta-analyse parue dans la revue JAMA en mars 2022 jette le trouble sur des directives concernant la gestion du risque cardiovasculaire que le sens commun avait fini par admettre comme gravées dans le marbre.
Après avoir passé en revue vingt-et-un essais cliniques portant sur la prévention primaire (visant à réduire l’apparition du risque) et la prévention secondaire (visant à réduire la portée du risque une fois celui-ci avéré par un incident de santé) par les statines, les auteurs suggèrent que la réduction du taux de cholestérol LDL à l’aide de ces molécules a un impact hétérogène et non significatif sur l’incidence des infarctus, des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et la mortalité toutes causes confondues.
La réduction du risque absolu ne serait, d’après cette étude, que de :
- 0,8 % pour la mortalité toutes causes confondues;
- 0,4 % pour les AVC ;
- 1,3 % pour les infarctus.
De plus, les données ne semblent pas permettre d’établir de réelle association entre l’ampleur de la réduction du taux de cholestérol LDL induite par les statines et la réduction des risques cardiovasculaires.
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Des effets secondaires continuellement discutés
Si certains, comme le Dr Michel de Lorgeril ou le Pr Philippe Even (pour ne citer que les plus médiatisés), dénoncent les statines comme étant le plus souvent inutiles, la liste de leurs effets secondaires 5 n’est pas pour rassurer, en tout cas pas au point de se dire qu’après tout, si ça ne fait pas de bien, ça ne fait pas de mal non plus.
Les études 6 mentionnent régulièrement des risques augmentés de myopathie, de dysfonctionnements hépatique et rénal, et de diabète, mais claironnent en général de concert que ces risques sont marginaux au regard des « effets bénéfiques des statines sur les évènements cardiovasculaires majeurs ».
Une autre étude récente 7 suggère même que les effets secondaires des statines seraient surestimés et relèveraient davantage de l’imaginaire que de la réalité. Elle met en avant un effet « nocebo » qui consisterait dans l’attente, et donc la survenue, des effets secondaires d’un médicament déjà connus du consommateur et craints par lui. Une étude attribue par exemple jusqu'à 90% des myalgies survenant la première année de prise à cet effet nocebo... Suffirait-il, pour autant, de faire taire les critiques publiques des statines pour que leurs effets indésirables diminuent en proportion ? On est en droit d'en douter !
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Des débats loin d’être clos
Toutes ces polémiques pourraient prêter à sourire si les effets indésirables que rencontrent réellement les patients – principalement des crampes, des douleurs musculaires et des insomnies – étaient effectivement aussi minimes qu’on le prétend. Le problème, c’est qu’il existe autant de travaux qui vont dans un sens que dans le sens opposé et que, finalement, chaque camp – pro et anti-statines – est en mesure de convoquer des arguments qui tendraient à prouver qu’il est seul à détenir la vérité. Tout ceci dans un contexte où l'enjeu de santé publique est aussi vaste que les intérêts financiers censés y remédier. On n’en a donc pas fini avec ce sujet.
D'ici là, différentes recherches incitent à élargir la focale pour s'intéresser à d'autres facteurs de risques considérés comme plus prédictifs du risque cardiovasculaire comme la lipoprotéine(a) (une forme "anormale" de LDL) et à individualiser l'évaluation du risque comme la prise en charge grâce à la médecine de précision.
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Références bibliographiques
Sources :
1 « Evaluating the Association Between Low-Density Lipoprotein Cholesterol Reduction and Relative and Absolute Effects of Statin Treatment », JAMA International Medicine, mars 2022. – doi : 10.1001.jamainternmed.2022.0134
2 « Statins for primary prevention of cardiovascular disease », The British Medical Journal, octobre 2019. – doi : 10.1136/bmj.15674
3 « The effect of statins on average survival in randomised trials, an analysis of end point postponement », BMJ Open, 2014. – doi : 10.1136/bjmopen-2014-007118
4 «Ancel Keys and the Seven Countries Study: An Evidence-based Response to Revisionist Histories », True Health Initiative, août 2017.
5 « Long-Term Outcomes of Short-Term Statin Use in Healthy Adults: A Retrospective Cohort Study », Drug Safety, juin 2016. – doi : 10.1007/s40264-016-0412-2
6 « N-of-1 Trial of a Statin, Placebo, or No Treatment to Assess Side Effects », The New England Journal of Medicine », novembre 2020. – doi : 10.1056/NEJMc2031173
7 « Step-by-step diagnosis and management of the nocebo/drucebo effect in statin-associated muscle symptoms patients: a position paper from the International Lipid Expert Panel (ILEP) », Journal of Cachexia, Sarcopenia and Muscle, mars 2022 – doi : 10.1002/jcsm.12960
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