Accueil Polémiques « Traitement non éprouvé » ou « guérison de trop » ? Un chirurgien-dentiste rappelé à l’ordre sur la chimicosensibilité
« Traitement non éprouvé » ou « guérison de trop » ? Un chirurgien-dentiste rappelé à l’ordre sur la chimicosensibilité
Le dentiste et posturologue Gérard Dieuzaide, très impliqué sur les questions d’électrohypersensibilité et de chimicosensibilité, a été convoqué ce jeudi 16 novembre par l’ordre des dentistes pour avoir donné des « conseils non éprouvés » à une patiente. Paradoxe : non seulement la patiente en question n’a rien à lui reprocher, mais elle a pris un avocat pour voler à sa défense.
« Exercice illégal de la guérison »… c’est ainsi que Gérard Dieuzaide, chirurgien-dentiste à Toulouse depuis 40 ans, décrit ce qui lui est reproché par le Conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes. La qualification exacte retenue par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes, devant laquelle il comparaîssait ce jeudi 16 novembre en appel, est la diffusion de diagnostic ou de traitement nouveau ou insuffisamment éprouvé
En cause, l’aide qu’il a apportée à une patiente, venue le consulter pour des symptômes proches de la fibromyalgie (douleurs articulaires, musculaires, migraines, vertiges, fatigue, lourdeur dans les membres…) et dont il pense, au vu des tests qu’il lui fait passer, qu’elle est chimicosensible. « Je n’ai accompli aucun acte, mais j’ai seulement conseillé à ma patiente de se faire retirer de la bouche des taquets en résine chimique », souligne d’emblée le Dr Dieuzaide.
Une condamnation sans victime ?
La patiente avait en effet entamé, peu avant l’apparition de ses symptômes, un traitement orthodontique qu’elle décide d’interrompre consécutivement à sa consultation du Dr Dieuzaide. En outre, elle ne règle plus les honoraires sollicités par la dentiste à l’origine de la pose. Cette praticienne décide de porter plainte contre le Dr Dieuzaide auprès de l’ordre des chirurgiens-dentistes.
La recommandation du Dr Dieuzaide de faire déposer les matériaux dentaires en question aurait entraîné la guérison rapide de la patiente, un rétablissement confirmé et qualifié de « spectaculaire » par un expert indépendant (kinésithérapeute) ayant évalué la patiente avant et après la dépose. Alors que la chambre disciplinaire avait refusé en première instance une expertise sur l’état de la patiente tous deux ont pu ce jeudi témoigner en ce sens via leurs avocats.
Les sanctions pour diagnostic ou traitement insuffisamment éprouvés ont généralement un objectif louable : éviter que des patients subissent un dommage de santé du fait d’un traitement inadapté, ou bien s’écartent d’un protocole de soin reconnu comme efficace au profit d’un ne l’étant pas. Le premier paradoxe ici est que la patiente déclare ne pas avoir subi de préjudice de santé, bien au contraire. Le second est qu’il n’existe aucun diagnostic ou traitement « éprouvé » à ce jour pour les patients électro ou chimicosensibles. Et pour cause : malgré une timide et récente reconnaissance par les pouvoirs publics de l’existence de ces pathologies, la compréhension de leurs origines, de leurs mécanismes d’action et encore plus des solutions à leur apporter divise fortement le corps médical.
Dans son rapport de 2018 sur l’électrohypersensibilité, l’Anses estime que cette dernière toucherait 5 % des Français (environ 3,3 millions de personnes), elle reconnaît que les maux dont les patients se plaignent « correspondent à une réalité vécue » et, malgré l’absence, selon l’Anses, de causalité avérée avec l’exposition aux champs électromagnétiques, l’agence demande une prise en charge médicale et une meilleure formation des acteurs sanitaires et sociaux.
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Retard de la recherche et errance thérapeutique
Pourtant, sur le terrain, rien ou presque ne se passe : la maladie n’est toujours pas prise en charge ni même reconnue à part entière par le corps médical, pas plus que ses critères de diagnostic. La recherche comme le soutien aux malades émanent souvent de la société civile. On pense notamment à la création en 2022 de l’Ariem (association pour la recherche internationale sur l’EHS et le MCS) pour encourager la recherche, et au travail de soutien aux malades mené par une poignée d’associations et quelques rares professionnels de santé comme le Dr Dieuzaide. C’est sans doute ce qui lui vaut le soutien de trois associations d’électrosensibles et chimicosensibles qui ont pris un avocat et souhaitent également pouvoir témoigner en sa faveur : l’association Zones blanches, présidée par la députée européenne Michèle Rivasi, l’association Robin des Toits et l’association de chimicosensibles SOS-MCS.
« J’ai écrit cinq livres. On me reproche que ce que j’écris ne soit pas conforme aux acquis de la science, mais les données acquises de la science sont évolutives et il faudrait qu’il y ait plus d’études sur le sujet » plaide le Dr Dieuzaide avant sa convocation devant la chambre disciplinaire. Puis il ajoute : « J’ai par exemple envoyé il y a deux ans des lettres aux 16 doyens des universités de chirurgie-dentaire de France pour les sensibiliser à la question et n’ai jamais reçu une seule réponse… Quand je suis allé voir l’Anses avec une association de patients, on m’a demandé de mettre en place une étude scientifique pour prouver l’efficacité de mon approche, mais ce n’est pas mon métier… J’aimerais simplement qu’ils viennent passer deux jours avec moi pour comprendre ces phénomènes. Ce que je fais rend des services monumentaux, ce que confirment de nombreux professionnels de santé ainsi que mes patients. ».
Dans un contexte où ces pathologies ne sont aujourd’hui toujours pas prises en charge, ou très mal, l’ordre des dentistes devra donc se prononcer sur des pratiques qui, si elles peuvent être considérées par certains comme singulières ou déconcertantes, semblent néanmoins dans la pratique pouvoir aider des patients souvent en errance thérapeutique. Son avocat, maître Arnaud Durand, espère en convaincre le Conseil de l’ordre, notamment par la mise en avant de dizaines de témoignages positifs de patients, mais aussi de nombreux médecins ayant référé des patients au Dr Dieuzaide.
« Il y a le virtuel et le réel...et le réel ce sont des gens en souffrance. Il faudrait les laisser comme ça, en leur disant que c’est psychosomatique et en les renvoyant chez eux avec des anxiolytiques ? » demande le Dr Dieuzaide, avant de conclure au sujet de sa convocation : « J’aimerais instaurer un dialogue avec les autorités de santé, leur montrer que ce que je fais peut rendre service ».
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